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Drame humain : le calvaire des étrangères mariées à des Mauriciens

Myriam  et sa fille. Myriam et sa fille.

Toutes les étrangères mariées à Maurice ne sont, certes, pas dans la même situation, mais elles sont une poignée à subir des atrocités ici. Entre maltraitance, divorce, violations des droits humains, seules, loin de leurs familles, de leur pays, elles subissent la plupart du temps en silence de peur de ne pas recevoir d’aide des autorités locales. Il est temps d’en parler…

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L’histoire de Myriam qui a fait la Une du Défi Plus la semaine dernière a levé le voile sur bien d’autres cas de femmes étrangères qui vivent un vrai calvaire à Maurice. Cette mère et sa fille de deux ans se sont retrouvées à la rue alors qu’elle attend que son divorce ne soit prononcé. Mariée à un Mauricien, le couple a un enfant. « J’étais en Roumanie quand j’ai reçu sa demande de divorce. Je me suis mariée à Maurice en 2012 et je suis allée en vacances avec ma fille en Roumanie. Je ne m’attendais pas à ce que mon mari demande le divorce. Cependant, s’il ne veut pas de moi, je veux bien divorcer. Il m’a dit que je pourrais habiter dans la maison de ses parents en attendant le divorce, mais à ma grande surprise, quand je suis arrivée il n’est pas venu nous chercher à l’aéroport comme convenu. Il ne veut pas de nous dans la maison, alors que moi je lui ai donné toutes mes économies pour qu’on puisse vivre bien et ensemble ici, »
relate-t-elle.

« Jamais sans ma fille »

Le problème risque de s’aggraver, car après que le divorce sera prononcé, elle ne pourra pas rentrer avec sa fille en Roumanie sans l’accord du père et ce dernier ne semble pas vouloir l’aider à ce niveau : « Dès que le divorce sera prononcé, je serai indésirable dans votre pays. On me forcera à partir. Le problème est qu’en Roumanie, ma fille ne pourra séjourner que pendant trois mois, car elle est Mauricienne et n’a pas la nationalité roumaine. Pour qu’elle puisse vivre avec moi dans mon pays natal, il faut l’autorisation de son père. Je suis d’accord pour quitter le territoire mauricien, mais jamais sans ma fille. » Elle a donc sollicité l’aide des autorités mauriciennes dans le but de trouver une solution. Le bureau du Premier ministre suivra cette affaire de près.

Si tout est rose au moment du mariage, tel n’est malheureusement pas le cas lorsque le couple ne s’entend pas. C’est alors que les choses deviennent plus complexes. Il est donc important de bien peser le pour et le contre quand on décide de se marier avec un étranger et penser surtout aux conséquences que cela peut avoir sur les enfants en cas de séparation. Ainsi, de nombreux étrangers, ici, ou ailleurs, des mères comme des pères en souffrent, sans parler de la douleur des enfants. Quand plus rien ne va, l’affaire devra donc être portée devant un juge qui décidera. Souvent, c’est un choix difficile où il est question de l’intérêt et du bien-être de l’enfant. Peu importe la décision du juge, un des deux parents ne sera pas satisfait du jugement.

À Maurice, si un des conjoints n’a pas la nationalité mauricienne, il doit quitter le pays au moment du divorce. Ainsi, de nombreuses femmes avancent que cela devient aujourd’hui une forme de chantage, comme le dit Marlène Ladine, directrice de La Chrysalide


Marlène Ladine, directrice de La Chrysalide : une forme d’exploitation

La Chrysalide est un centre de réhabilitation pour les femmes dépendantes aux substances et celles qui sont en détresse. Sa directrice, Marlène Ladine, explique que même si elle n’a pas de chiffres exacts, elle a remarqué que le nombre de femmes étrangères qui sont abusées à Maurice augmente. « Il n’y a pas que les cas de prostitution ou celui des travailleurs étrangers. On se rappelle que, quelques années de cela, les Mauriciens faisaient venir des Rodriguaises et les exploitaient en les faisant travailler comme bonnes, entre autres. Depuis quelque temps, on remarque que la tendance est d’aller chercher une femme à l’étranger. Il est vrai, bien sûr, que certains mariages sont des mariages d’amour et que parfois les couples ont des problèmes à rester ensemble. De plus en plus, lorsqu’une personne réalise que son voisin est allé chercher une femme à l’étranger, il veut l’imiter ».

Marlène Ladine estime que l’évolution de la femme dans la société mauricienne n’est pas au goût de tout le monde. « Les femmes aujourd’hui travaillent, alors que pour certaines personnes, leur rôle c’est de s’occuper de la famille et de la maison uniquement. Ils se tournent alors vers les pays asiatiques et ces femmes acceptent d’épouser les Mauriciens pour une meilleure vie. Souvent, elles sont contentes de ne devoir que s’occuper des enfants et de la maison. Malheureusement, beaucoup d’entre elles sont aussi victimes de violence. Menacées d’être déportées, elles n’osent pas dénoncer leur mari. J’ai connu une femme qui a été la proie de trois hommes de la même famille. Elle a été violentée par son époux, son beau-frère et son beau-père. Tous abusaient d’elle. D’ailleurs, les enfants sont ceux de son beau-père. C’est horrible,  mais cela se passe bel et bien à Maurice. » Elle souhaite que ces femmes soient mieux protégées et que des lois soient votées pour qu’elles ne soient plus exploitées.


Ambal Jeanne, directrice de SOS Femmes : «Il faut renseigner sur les problèmes et les recours»

ambalLa directrice de SOS Femmes nous brosse un constat de la situation des femmes étrangères à Maurice : « Je trouve que ces femmes sont doublement victimes. Elles sont victimes de diverses formes de violence, non seulement de la part du conjoint, mais aussi de la famille. Elles ont une culture et des pratiques différentes et il y a un manque de tolérance envers elles. »

Ambal Jeanne explique que celles qui viennent des pays asiatiques se retrouvent isolées. «On les empêche de fréquenter d’autres personnes ou d’apprendre le créole. Certaines se voient confisquer leur passeport et sont victimes de toutes sortes de chantage. Zordi ena mem ban agent ki zot rol se rod enn madam dan ban pei pov. C’est un vrai drame humain, car ces femmes pauvres sont exploitées. Si elles n’obéissent pas, elles sont menacées de déportation sans oublier la séparation avec leurs enfants. De plus, elles-mêmes ne peuvent plus retourner chez elles. »

Ambal Jeanne souhaiterait faire les recommandations suivantes : « Le mariage relève de la vie privée, mais quand les droits d’une personne sont bafoués, ça ne l’est plus. Je l’ai déjà dit aux ambassades. Il est important de bien renseigner les étrangers sur les problèmes potentiels et les recours. Il faut pouvoir leur donner le maximum d’informations et des personnes à contacter en cas de problème. Puis, avant de déporter un parent, il est important que les autorités lui donnent le temps de faire toutes les démarches nécessaires ».


L’aide proposée par le ministère de la Femme

Un préposé du ministère de la Femme avance que toute femme en détresse sur le territoire mauricien peut s’adresser à ce ministère, « Quand une femme est en difficulté et qu’elle vit ici, qu’elle soit Mauricienne ou pas, elle obtient de l’aide. Nous avons une panoplie de services en place pour venir en aide aux femmes victimes de violence domestique. Parfois, les victimes ne souhaitent pas dénoncer leurs conjoints et c’est pour cette raison qu’elles continuent à subir ces abus. Cependant, il est vrai que c’est plus dur pour une femme qui n’a pas de proches à Maurice. À savoir que dans les cas de violence domestique, il y a des abris pour accueillir ces femmes avec leurs enfants. Elles peuvent aussi faire appel au Family Support Bureau (FSB) et téléphoner sur la hotline gratuite 139 ».

Que dit la loi ?

Chaque pays a ses critères d’attribution et d’acquisition de la nationalité.  Toute personne de parents mauriciens nés à Maurice a la citoyenneté mauricienne. Selon la Constitution, lorsqu’un enfant naît à l’étranger d’un parent mauricien, il a aussi automatiquement la nationalité mauricienne. Et un enfant né sur le sol mauricien d’un parent mauricien et un parent étranger est aussi un citoyen mauricien.

Un étranger d’un conjoint mauricien qui a vécu plus de quatre années à Maurice avec son conjoint mauricien peut faire une demande pour être reconnu comme citoyen mauricien.

Quels seront maintenant les effets des amendements apportés à l’Immigration Act ?

Toute demande qui concerne la naturalisation, la citoyenneté, la nationalité et le titre de séjour est la prérogative du ministre de l’Intérieur  et se fait au Bureau du Premier ministre.


Témoignages :

« Je ne veux pas perdre mes enfants »
J.H, 35 ans, originaire de l’Inde : « En Inde, ma famille est pauvre. Ils sont venus me chercher et m’ont dit que je serai traitée comme une princesse, mais tout le monde m’a menti. Ici, je dois faire juste ce qu’on me dit. Je ne dois pas me plaindre. J’ai trois enfants et même si mon mari me bat, je le laisse faire, car je ne veux pas perdre mes enfants. À chaque fois, les autres membres de sa famille tentent de lui parler pour qu’il me traite mieux, mais il me bat de plus belle en disant que je raconte ma vie privée aux autres. »

« Ils m’ont mariée à un drogué »
F.B. elle est venue du Maroc et, même si elle y vivait bien, elle s’est laissée convaincre par une amie de rencontrer un Mauricien. «Il est venu au Maroc avec sa famille et ils m’ont dupée. Ce n’est qu’après le mariage que j’ai su qu’il était un drogué et on a presque jamais vécu ensemble. Je n’avais pas le droit de sortir alors que lui, il revenait à la maison quand il le voulait. Je ne devais pas le déplaire. Il pouvait disposer de mon corps comme il le voulait. C’était un véritable calvaire. Grâce à des travailleurs sociaux, j’ai pu rentrer chez moi. »

« Je suis devenue leur esclave » 
Y.R, 48 ans, Pakistanaise. C’est avec crainte qu’elle a accepté de témoigner, car dit-elle, si son mari ou un autre membre de la famille l’apprend, elle aura des ennuis. « Je suis une esclave et mon mari comme ma belle-mère me battent. Je dors à peine 4 heures par jour et je fais tout dans la maison. Je dois nettoyer et m’occuper aussi de la maison de mes beaux-parents. Même quand mes enfants sont malades, je dois les laisser pour m’occuper de leur maison et leurs vêtements. Inutile de me plaindre à mon mari. Il veut simplement que j’obéisse à sa mère. »

Curieusement, malgré son sort peu enviable, elle ne veut pas rentrer dans son pays à cause des enfants. « Ils sont nés ici et je ne pourrais pas les emmener avec moi. Si je pars, je vais devoir les quitter ici et je ne pourrai pas faire une telle chose. Je suis donc résignée. »

« Ils m’empêchaient de travailler »
Marie G. est Française. Elle a 34 ans et elle est venue plusieurs fois à Maurice, mais ce n’est qu’une fois mariée qu’elle a eu des difficultés et a dû rentrer en France avec son époux. « Ma belle-famille est très conservatrice. Ils se sont opposés au mariage depuis le début, mais ont fini par m’accueillir chez eux. Cependant, tous les jours c’était un calvaire. Je n’étais jamais habituée à ces choses-là chez moi. J’avais l’habitude de sortir librement et non pas de demander la permission à mon mari avant de bouger, d’attendre qu’il soit rentré pour manger, de toujours accompagner ma belle-mère où elle le souhaite et le pire de ne pas travailler. »

 

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