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Domestiquons nos maîtres politiques !

Aujourd’hui a lieu en France le premier tour de l’élection présidentielle, après une campagne intense, mais courtoise dans l’ensemble, marquée par une confrontation de programmes et des débats d’idées. Thème par thème, proposition versus proposition, chiffres contre chiffres… Il n’y a eu aucune attaque sur la condition physique d’un candidat ni sur sa vie privée. C’est sans doute la marque d’une démocratie avancée.

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À Maurice, lorsque vous demandez à un jeune gradué fraîchement débarqué ce qu’il pense de la politique, la réponse, neuf fois sur dix, est la même : les septuagénaires qui font et défont la politique locale vivent sur une autre planète. Moins poliment, certains affirment que « ce sont des ringards qui se foutent de notre gueule ». Comment, en effet, ne pas comprendre ces jeunes et moins jeunes qui ne s’y retrouvent pas dans tous ces jeux politico-politiciens d’arrière-garde ? Même les aficionados n’y comprennent rien. Pour la énième fois, on adore aujourd’hui ce qu’on a brûlé hier, on repêche des candidats qu’on a soi-même confinés à la poubelle et on parle beaucoup pour ne rien dire. Tout cela, le plus souvent, en des termes grotesques et grossiers. Le folklore a tout de même ses limites. Au-delà, on tombe dans l’indécence. Or, la politique est étroitement liée à l’économie et au social. Le but premier, quand on fait de la politique, c’est de participer à la gestion des affaires de la cité. C’est servir ! À Maurice, c’est plutôt le contraire qui serait vrai. L’on fait la politique d’abord pour se servir, pour catapulter ses proches et petits copains, compétents ou pas, à des postes de haute responsabilité et pour couvrir ses bailleurs de fonds de contrats pas toujours dans l’intérêt du Trésor public et du pays. Rien de nouveau sous le soleil, diriez-vous ! Sauf que cette tendance est en passe de s’enraciner, de s’institutionnaliser et de devenir elle-même le système. Badry/Daby, c’est du menu larcin face aux appétits démesurés de certains qui entendent enlever la part du lion dans tout ce qui s’appelle développement. Jamais auparavant n’a-t-on vu un accaparement de cette ampleur, à l’exemple de ce politicien/businessman dont les tentacules s’étendent de l’éducation à la navigation, en passant par la construction et l’hôtellerie. Et il n’est pas le premier ni le dernier. Nous vous parlions d’une étude globale réalisée par deux professeurs américains, l’un du MIT et l’autre de Harvard. Les résultats ont été publiés sous la forme d’un livre, intitulé Why Nations Fail. Thomas Friedman, éditorialiste du New York Times, dont le Premier ministre avait recommandé le livre The World is Flat comme un must read à tous ses députés, a commenté ce livre dans l’édition du 31 mars du célèbre journal. Nous vous proposons, ci-dessous, quelques extraits : « Why Nations Fail argues that the key differentiator between countries is “institutions”. Nations thrive when they develop “inclusive” institutions and they fail when those institutions become “extractive” and concentrate power and opportunity in the hands of only a few. » « Extractive economic institutions (are those) that are structured to extract resources from the many by the few… » « Extractive political institutions concentrate power in the hands of a few (to)reinforce extractive economic institutions so as to hold power … » « The real problem is that economic inequality, when it becomes this large, translate into political inequality. When one person can write a cheque to finance your whole campaign, how inclusive will you be as an elected official to listen to competing voices? » Le danger à Maurice, un si petit pays, est que nous en arrivions là. La démocratie sera alors formelle, vidée de toute substance de partage socio-économique. Déjà 8 % de la population, soit 106 000 Mauriciens, vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Et encore, il s’agit de statistiques datant de 2006/20007. La classe moyenne, comme ailleurs, s’appauvrit. Les riches deviennent plus riches, tandis que les pauvres se paupérisent. Voilà qui devrait être l’objet essentiel de nos préoccupations car l’inégalité économique grandissante est, à terme, socialement explosive. Or, l’agenda principal de nos leaders politiques a été jusqu’ici le partage du pouvoir, caché derrière l’écran de fumée des palabres et du folklore politiques. Il a même été question de power-sharing  entre la Présidence et l’Hôtel du gouvernement. Il a aussi été question de réforme électorale pour atteindre cet objectif et, la semaine dernière, de l’élection du Président au suffrage universel. Cet agenda perpétuel des has been égocentriques ne cadre certainement pas avec les besoins réels et les attentes immédiates de la population. Raison de plus pour le ras-le-bol. Qu’à cela ne tienne, la politique est une chose trop sérieuse pour être laissée entre les mains des seuls professionnels, carriéristes et partisans des dynasties politiques. Il faut s’en mêler. Et, puisque les politicards surfent sur la politique politicaille au lieu de débattre sur les questions liées à la redistribution socio-économique, imposons-leur un agenda. Un agenda qui a d’abord trait à un code de conduite pour les politiciens, surtout les parlementaires ; une loi pour la constitution, la gestion et le financement des partis politiques, comme c’est le cas pour les associations et les compagnies. Sans oublier des mandats limités dans le temps, comme le suggère notre collègue Darlmah Naëck, ainsi que d’autres. La balle est dans le camp de la société civile.

 

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