
Le projet de loi sur la violence domestique, annoncé en 2023 et soutenu par la nouvelle ministre Arianne Navarre-Marie, marque une avancée majeure. En élargissant la définition de la violence et en renforçant les mesures de protection, il vise à mieux protéger les victimes et prévenir les abus.
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Annoncé pour la première fois en 2023 par l’ex-ministre de l’Égalité des genres, Kalpana Koonjoo-Shah, le projet de loi sur la violence domestique marque un tournant décisif. À l’époque, la ministre reconnaissait les limites de la loi existante, notamment face aux nouvelles réalités sociales. Après plusieurs mois de consultations, c’est aujourd’hui sous l’impulsion de la ministre actuelle, Arianne Navarre-Marie, que le texte arrive en phase d’adoption.
Ce projet de loi propose des réformes profondes et vient corriger les lacunes de la législation précédente : la Protection from Domestic Violence Act de 1997, qui, malgré plusieurs amendements, ne répondait plus aux défis contemporains.
Ce que disait l’ancienne loi
Sous la législation précédente, la définition de la violence domestique était limitée. Elle se concentrait principalement sur les actes de violence physique entre époux ou concubins vivant sous le même toit. D’autres formes de violences, comme la violence financière ou psychologique, étaient peu prises en compte, ou de manière très floue.
Par ailleurs, les procédures pour obtenir une protection étaient longues et compliquées. Il fallait passer obligatoirement par une démarche judiciaire pour obtenir une ordonnance de protection, ce qui pouvait prendre plusieurs jours, voire semaines. En attendant, les victimes restaient exposées à de graves dangers.
Autre faiblesse : l’absence d’obligation de signalement par les professionnels. Même si un médecin, une infirmière ou un enseignant soupçonnait des cas de violence, il n’était pas légalement tenu d’alerter les autorités. Cela contribuait au silence autour de nombreuses situations dramatiques.
Ce qui change
Le projet de loi proposé en 2024 introduit plusieurs changements majeurs :
- Élargissement de la définition de la violence domestique : désormais, la violence entre partenaires intimes qui ne vivent pas ensemble est aussi couverte par la loi. C’est une reconnaissance de l’évolution des formes de relations modernes, où des partenaires peuvent être exposés à la violence sans partager le même domicile.
- Reconnaissance explicite de toutes les formes de violences : physique, bien sûr, mais aussi sexuelle, financière et psychologique. Chaque forme de violence est clairement définie, ce qui facilitera les poursuites judiciaires et la protection effective.
- Introduction d’un « Avis de protection » immédiat : en cas d’urgence signalée la nuit ou pendant le week-end, la police pourra délivrer un avis de protection temporaire sans attendre l’ouverture des tribunaux. Cela permettra d’assurer une protection rapide aux victimes.
- Obligation de signalement : les professionnels de santé, de l’éducation et du secteur social auront désormais le devoir de rapporter tout soupçon de violence domestique. Cette mesure brise le mur du silence et favorise l’intervention précoce.
- Facilitation du dépôt de plainte : une victime pourra déposer plainte dans n’importe quel poste de police, pas uniquement dans celui de la région où l’incident a eu lieu. Cela protège mieux l’anonymat et réduit la peur de représailles.
- Accompagnement des victimes : les policiers auront l’autorité d’accompagner les victimes dans leur ancienne résidence pour récupérer leurs effets personnels de manière sécurisée.
- Soutien judiciaire élargi : les officiers de l’emploi et d’autres autorités sociales pourront faire une demande d’ordonnance de protection au nom de la victime si celle-ci est dans l’incapacité de le faire elle-même.
- Programmes obligatoires pour les auteurs de violences : ceux-ci devront suivre des sessions de conseil et de réhabilitation, afin de prévenir la récidive et de favoriser la reconstruction des familles.
Pourquoi ce projet est une véritable innovation
Cette réforme est une véritable révolution sociale. D’abord, elle reconnaît la diversité des réalités affectives et la complexité des violences. En cessant de limiter la protection au seul cadre conjugal résidentiel, elle protège aussi les jeunes femmes, les personnes vivant des relations à distance ou même les victimes de violences après une rupture.
Ensuite, l’approche proactive – où les professionnels doivent signaler, où la police peut agir immédiatement – montre que l’État ne se contente plus de réagir après les faits, mais cherche à prévenir les tragédies.
Le fait d’imposer des programmes de réhabilitation aux auteurs est également une innovation. Cela montre que la lutte contre la violence domestique ne se limite pas à la protection des victimes, mais passe aussi par la transformation des comportements violents à la racine.
En 2024, selon les dernières statistiques compilées par le ministère de l’Égalité des genres, plus de 3 200 cas de violence domestique ont été rapportés à Maurice, une augmentation de 12 % par rapport à 2023. Parmi ces cas, 70 % concernaient des femmes, avec une part importante de victimes âgées de 18 à 35 ans.
De plus, près de 40 % des cas rapportés concernaient des actes de violence psychologique ou financière – deux formes jusqu’ici difficiles à prouver et souvent ignorées par la justice. Ces chiffres démontrent à quel point il était devenu urgent de revoir notre cadre législatif.
Le nouveau projet de loi sur la violence domestique constitue une réponse claire et adaptée aux défis modernes. En élargissant la protection, en simplifiant l’accès aux mécanismes de sécurité et en responsabilisant l’ensemble de la société, il offre aux victimes un véritable filet de protection.
Les chiffres alarmants de 2024
Selon les dernières statistiques officielles du ministère :
• 3 212 cas de violence domestique ont été rapportés en 2024.
• Parmi eux, 70 % concernent des femmes, principalement âgées de 18 à 35 ans.
• 40 % des cas documentés sont de nature non physique (violence psychologique ou financière).
• 500 enfants ont été identifiés comme témoins de violences au sein de leur foyer.
En comparaison, en 2023, on avait enregistré environ 2 860 cas. Cette hausse alarmante témoigne d’une double réalité : l’aggravation du phénomène, mais aussi une libération progressive de la parole, notamment grâce à une meilleure sensibilisation.

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