Dans un monde où les hommes cherchent la liberté et les oiseaux la cage, lui a choisi l’inverse. Deven Munisami, 41 ans, tourneur de pièces à Pailles, vit à Montagne Ory entouré de cinq oiseaux qu’il élève en totale liberté. Chaque matin, ils le suivent jusqu’à son travail, et chaque soir, ils rentrent avec lui. Un lien d’amour et de fidélité si profond qu’il semble défier les lois de la nature. Voici l’histoire, presque mystique, d’un homme que les oiseaux ont choisi.
Publicité
L’homme qui parlait aux plumes
Le matin, à Montagne Ory, avant même que le soleil ne perce les nuages accrochés aux collines, un petit vrombissement se mêle au chant des oiseaux. C’est la Toyota IQ grise de Deven Munisami, qui sort lentement de sa cour. Et, comme une nuée fidèle, cinq silhouettes ailées surgissent dans le ciel. Elles virevoltent, dansent dans le vent, et accompagnent la voiture sur la route sinueuse jusqu’à Pailles.
Le spectacle émerveille les passants : des oiseaux en liberté qui suivent un homme, comme s’ils comprenaient la route, la destination, et l’amour.
« Ils savent quand je pars, quand je rentre, même quand je suis triste. »
La voix de Deven est calme, posée, comme celle d’un homme en paix avec lui-même. Son regard, lui, pétille d’une tendresse qu’on ne feint pas. À 41 ans, ce tourneur de pièces pour voitures a trouvé dans ses oiseaux une forme d’équilibre, presque spirituelle. « C’est eux qui me parlent le plus, sans dire un mot. »
De Camp Diable à Montagne Ory : un nouveau départ
Né et grandi à Camp Diable, Deven a toujours été un enfant curieux. Dans la cour de sa maison, il observait les moineaux et les merles qui venaient picorer le riz tombé du repas familial. Il les imitait, leur parlait, leur faisait des gestes.
« Ma mère disait que j’avais déjà quelque chose avec les animaux. Je ne supportais pas de les voir en cage. »
Il y a trois ans, il quitte Camp Diable pour s’installer à Montagne Ory, un lieu qu’il décrit comme « plus proche du ciel ». Entre le vert des montagnes et les brumes du matin, il dit avoir trouvé sa paix intérieure. C’est là que la magie a commencé à prendre forme.
Coco, le premier amour ailé
L’histoire d’amour entre Deven et ses oiseaux commence il y a six ans, avec un cockatiel nommé Coco.
« Je l’avais acheté dans une petite animalerie, sans imaginer qu’il allait changer ma vie. »
Coco n’était pas un oiseau ordinaire. Il parlait, dansait, chantait, et semblait comprendre les émotions de son maître. Il sifflait Jingle Bells, fredonnait la musique de Pirates des Caraïbes et souhaitait même « Happy Birthday » aux visiteurs.
Ma mère disait que j’avais déjà quelque chose avec les animaux. Je ne supportais pas de les voir en cage»
Mais un jour, lors d’une sortie à Telfair, Moka, le petit Coco s’est envolé, pour ne jamais revenir.
« J’ai cherché pendant des jours. J’appelais son nom, partout. J’ai pleuré comme on pleure un ami. »
Ce départ a laissé un vide immense. Et pourtant, quelques semaines plus tard, Deven fit un geste symbolique : il racheta un autre oiseau, et le nomma Coco.
« Je voulais croire qu’il reviendrait, d’une manière ou d’une autre. Et quand le nouveau Coco s’est mis à chanter les mêmes mélodies… j’ai compris. »
L’attachement invisible
Aujourd’hui, cinq oiseaux vivent autour de Deven. Ils ne connaissent ni cage ni chaîne. Ils dorment, mangent et volent en liberté. Et pourtant, ils reviennent toujours.
Chaque matin, quand Deven enfile son uniforme bleu de mécanicien et s’apprête à partir pour son atelier à Pailles, les oiseaux se posent sur la voiture, ou volent en escadrille au-dessus de la route. À l’heure du retour, ils attendent. Toujours.
« Quand j’arrive, ils me reconnaissent au son du moteur. Ils crient, tournent, et me suivent jusqu’à la cour. »
Ce rituel, filmé par Deven, a fasciné des milliers d’internautes. Sur les réseaux sociaux, ses vidéos cumulent plus de 500 000 abonnés et 9,2 millions de vues. Les images semblent irréelles : des oiseaux qui suivent une voiture, volent dans le vent, puis rentrent chez eux comme des enfants heureux de retrouver leur père.
Je n’ai jamais cherché la popularité. Mais si mes oiseaux donnent le sourire aux gens, c’est déjà beaucoup»
Kiwi, la mère courage
Parmi les compagnons ailés de Deven, Kiwi occupe une place spéciale. Âgée de six ans, elle est la doyenne du groupe, celle qui comprend tout avant les autres.
« Kiwi, c’est comme ma fille. Elle vient sur mon épaule, elle écoute quand je parle. Elle sait quand quelque chose ne va pas. »
En octobre dernier, Kiwi a disparu.
« Chaque matin, je regardais le ciel, j’espérais. Je croyais qu’elle avait été emportée par un chat, ou perdue quelque part. »
Mais un mois plus tard, miracle : Kiwi est revenue, accompagnée d’un petit oiseau, son bébé.
« J’ai compris qu’elle était partie pour pondre, dans la nature. Et elle a voulu que je connaisse son petit. »
Depuis, Deven s’occupe des deux, comme d’une petite famille. « Elle me l’a présenté. C’est fou à dire, mais j’ai senti dans son regard qu’elle me faisait confiance. »
Cookie, l’oiseau venu du ciel
Il y a quatre mois, un cockatiel inconnu est venu se poser sur sa clôture. Fatigué, perdu, mais curieux.
« Il est resté là, à me regarder. J’ai ouvert la porte, et il est entré. Comme s’il savait que c’était sa maison. »
Deven l’a appelé Cookie. En vérifiant sur Facebook, il découvre que l’oiseau appartenait à une dame de Moka. Elle vient le chercher, mais en voyant Cookie si heureux, si libre, elle hésite.
« Elle m’a dit : “Je crois qu’il t’a choisi.” »
Depuis, Cookie est resté. Il vole, joue, et rit avec les autres. Et Deven sourit en disant : « C’est la première fois que je me sens choisi par un animal. Pas l’inverse. »
Ils savent quand je pars, quand je rentre, même quand je suis triste.»
Le mystère des oiseaux fidèles
Des experts lui ont dit que c’était impossible. Que des oiseaux élevés en captivité ne pouvaient pas vivre libres et revenir. Mais Deven, lui, ne cherche pas d’explication scientifique.
« C’est l’amour. Rien d’autre. Quand tu donnes tout à un être, il ne te quitte pas. Même si c’est un oiseau. »
Et il y a de quoi s’interroger : les oiseaux ne s’envolent pas vers d’autres maisons, ne se perdent pas dans les champs. Ils connaissent la route, les horaires, la voix. « Je pense qu’ils sentent mon énergie. Ils sentent la reconnaissance. »
Chaque jour, Deven leur parle comme à des enfants : « Allez, les petits, papa va travailler ! » Et ils s’envolent, en sifflant joyeusement et battant des ailes.
L’art de la liberté
Chez Deven, il n’y a pas de cage. Les oiseaux vont et viennent, se posent sur la télé, picorent sur la table, dorment parfois sur le cadre de la porte.
« Je veux qu’ils vivent leur vie. Ce sont des âmes libres, pas des décorations. »
La maison vibre d’une présence vivante : des cris, des rires d’oiseaux, des plumes légères qui dansent dans la lumière du matin.
Et pourtant, tout est harmonie. « Je crois que la liberté, c’est ce qui les fait rester. »
L’homme qui vole
Ce n’est sans doute pas un hasard si Deven pratique aussi le paragliding.
« Quand je vole, je me sens comme eux. Le vent, le silence, le ciel… c’est un monde sans frontières. »
Depuis les hauteurs de Montagne Ory, il s’élance dans le vide, tandis que ses oiseaux tournent parfois au-dessus de lui, comme pour le guider.
« J’ai déjà eu des moments où j’étais en plein ciel, et j’ai vu un de mes oiseaux passer à côté. J’ai eu les larmes aux yeux. »
Des plumes et des pixels
Son histoire, Deven la partage sur les réseaux sociaux. Il filme ses oiseaux, raconte leurs aventures, leurs disparitions, leurs retours miraculeux.
Certaines vidéos sont devenues virales : un oiseau sur le capot de la voiture, un autre qui siffle la mélodie de Pirates des Caraïbes, un troisième qui picore son oreille pendant qu’il travaille à l’atelier.
« Je n’ai jamais cherché la popularité. Mais si mes oiseaux donnent le sourire aux gens, c’est déjà beaucoup. »
Les commentaires affluent du monde entier. Certains voient en lui un docteur Dolittle mauricien, d’autres un sage moderne. Lui, il sourit. « Je suis juste un homme qui a appris à écouter le silence des plumes. »
Le voyage de la tendresse
Chaque week-end, quand il retourne à Camp Diable pour voir sa mère, les oiseaux le suivent.
« Je leur dis : ‘On va voir mamie !’ et ils montent dans la voiture. »
Le trajet se transforme en cortège magique. Les gens s’arrêtent, filment, rient, s’émerveillent.
Et quand il arrive, les oiseaux se posent sur la véranda, comme s’ils connaissaient l’endroit depuis toujours.
« Ma mère les aime aussi. Elle dit que la maison revit depuis qu’ils viennent. »
L’amour sans cage
Ce que Deven vit est plus qu’une passion : c’est un mode de vie. Il a transformé sa solitude en harmonie, sa maison en sanctuaire.
« Je vis seul, oui, mais je ne suis jamais seul. Ils me parlent, ils me comprennent. »
Il raconte qu’un jour, alors qu’il était malade, les oiseaux ne sont pas sortis. Ils sont restés autour de lui, silencieux, comme pour le veiller.
« C’est là que j’ai compris que l’amour n’a pas besoin de mots. Il a besoin de présence. »
Une philosophie de vie
À travers ses vidéos et son quotidien, Deven partage une vision simple : « On enferme souvent ce qu’on aime, de peur de le perdre. Mais c’est en le laissant libre qu’on le garde vraiment. »
Ses oiseaux sont la preuve vivante de cette vérité. Ils partent, reviennent, choisissent, aiment. « Quand je les vois revenir du ciel, je me dis que la fidélité existe, même sans promesse. »
Les ailes du destin
Un jour, alors qu’il rentrait du travail, un orage s’est abattu sur Montagne Ory. Les éclairs zébraient le ciel, la pluie fouettait la route.
« Je craignais qu’ils se soient abrités ailleurs. Mais en arrivant, j’ai vu cinq ombres sur le fil électrique. Ils m’attendaient. »
Ce soir-là, il a compris que ses oiseaux n’étaient pas simplement des compagnons : ils étaient ses anges gardiens. « Parfois, je me demande si, dans une autre vie, je n’étais pas l’un d’eux. »
L’homme que le ciel a adopté
Aujourd’hui, Deven Munisami continue de vivre simplement, entre son atelier de Pailles et sa maison perchée à Montagne Ory. Chaque jour, il salue ses voisins d’un signe de la main et d’un vol d’oiseaux.
Sa vie est une leçon d’humilité et d’amour. Il n’a pas besoin de mots savants, ni de grandes théories. Il a compris quelque chose que beaucoup cherchent sans trouver : le bonheur, c’est quand on aime sans retenir.
Le murmure du ciel
Quand le soir tombe sur Montagne Ory, le vent se lève, et les oiseaux rentrent, un à un. Deven s’assoit sur sa terrasse, regarde le ciel rosir, et sourit. « Ils sont là. Ils reviennent toujours. »
Autour de lui, les plumes se posent, les chants s’élèvent.Et dans ce concert d’ailes, on devine la vérité d’un homme ordinaire devenu extraordinaire.
Deven Munisami n’a pas apprivoisé les oiseaux. Il a simplement appris à voler avec eux, le cœur grand ouvert.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !

