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L’économie bleue est un levier stratégique pour le développement durable de Maurice. Avec une zone économique exclusive de 2,3 millions de km², le pays dispose d’un immense potentiel maritime. Pourtant, une décennie après la mise en avant de cette vision, le financement demeure le principal obstacle à sa concrétisation. Nawshin Mahadooa, experte en la matière formée au Japon, nous fait le point.
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« Où sont les opportunités et où est l’argent ? », se demande Nawshin Mahadooa. Malgré les nombreuses conférences et plans stratégiques, elle constate que les entreprises mauriciennes peinent à accéder aux ressources financières nécessaires pour développer des projets dans le secteur de l’économie bleue. « Le manque de fonds dédiés et la rigidité des mécanismes de financement existants freinent le passage de la théorie à la pratique. Sans solutions innovantes pour attirer les investisseurs privés et structurer des financements à long terme, l’économie bleue mauricienne risque de stagner », prévient-elle.
![Blue Economy.](/sites/default/files/inline-images/Blue%20Economy.jpg)
Les Seychelles : Un modèle de financement bleu réussi
Pour illustrer la nécessité d’un financement structuré, Nawshin Mahadooa met en avant l’exemple des Seychelles, qui ont su créer une « Blue Economy Brand » en intégrant des investissements innovants. « En 2018, les Seychelles ont lancé le premier Blue Bond souverain du monde, avec le soutien d’investisseurs internationaux tels que Calvert Impact Capital, Nuveen et Prudential. Cet instrument financier a permis de lever des fonds pour le développement durable du secteur maritime, en garantissant une part des investissements pour les petites entreprises locales », fait-elle ressortir. Ce succès, poursuit-elle, repose sur une approche coordonnée entre le gouvernement, les institutions financières et les acteurs privés.
Les obstacles actuels du financement bleu
Nawshin Mahadooa est d’avis que Maurice pourrait s’inspirer de cette initiative en mettant en place un fonds mauricien pour l’Économie Bleue. Celui-ci jouerait un rôle central dans l’allocation des ressources et l’attraction des investissements privés. Elle est consciente que les entreprises engagées dans l’économie bleue sont confrontées à plusieurs obstacles majeurs :
- Des taux d’intérêt élevés, rendant les emprunts inaccessibles pour de nombreux porteurs de projets.
- Un manque de mécanismes financiers dédiés, avec une dépendance excessive aux subventions ponctuelles et aux projets pilotes financés par des bailleurs de fonds internationaux.
- Des procédures de diligence trop strictes, limitant l’accès aux financements pour les PME et les startups du secteur.
- Une absence de financements innovants, tels que les crédits carbone bleus ou les obligations bleues.
Selon elle, l’une des faiblesses du système actuel réside dans la priorisation des projets de renforcement des capacités et de réhabilitation côtière, au détriment des investissements concrets dans des entreprises viables. Elle insiste sur le fait que l’économie bleue ne peut pas se résumer à des conférences et à des actions isolées, mais doit être accompagnée par une stratégie de financement claire et efficace.
Des solutions innovantes pour débloquer le financement
Pour lever ces freins, Maurice doit explorer des mécanismes financiers adaptés aux défis du secteur maritime. Nawshin Mahadooa identifie plusieurs solutions pouvant être mises en place :
- Les Obligations Bleues (« Blue Bonds »)
Les Blue Bonds sont un outil financier permettant de mobiliser des fonds pour des projets durables dans l’économie bleue. L’État ou des institutions financières pourraient émettre ces obligations. Cela garantirait des investissements à long terme dans plusieurs secteurs. Parmi eux, la protection et la restauration des écosystèmes marins et d’eau douce, l’élimination de la pollution marine et le développement d’une économie bleue circulaire et neutre en carbone.
- Les Crédits Carbone Bleus
Maurice pourrait exploiter son potentiel en stockage de carbone marin. Les principaux objectifs incluent la comptabilisation des stocks de carbone et des émissions des écosystèmes de carbone bleu au niveau national. Ils visent aussi à améliorer la gestion de ces écosystèmes dans les zones protégées et à développer des compensations carbone bleu pour les activités touristiques.
- En certifiant ces initiatives sous forme de crédits carbone bleus, le pays pourrait vendre ces crédits sur les marchés internationaux, générant ainsi des fonds pour financer d’autres projets marins.
- Les Partenariats Public-Privé (PPP)
L’implication du secteur privé est essentielle pour assurer le financement et la viabilité des projets de l’économie bleue. Les grandes entreprises du secteur hôtelier, de la pêche et du transport maritime pourraient être incitées à investir dans des projets durables, avec des retours financiers attractifs.
- Un Fonds d’Investissement bleu
Nawshin Mahadooa rappelle que les Seychelles ont mis en place un fonds d’investissement permettant aux entreprises locales d'obtenir du capital. Maurice pourrait développer une structure similaire. Cela garantirait un accès aux financements pour les jeunes entreprises innovantes dans des secteurs comme la biotechnologie marine, la transformation des produits de la mer ou l’énergie renouvelable océanique.
Selon Nawshin Mahadooa, le manque de financement n’est pas seulement une contrainte économique, mais aussi un frein à l’innovation. Elle cite l’exemple des startups africaines, qui attirent aujourd’hui des investissements en capital-risque pour des solutions audacieuses dans l’économie bleue :
- Des dispositifs de surveillance de la pollution marine au Rwanda.
- Des machines à glace solaire pour la conservation du poisson en Tanzanie.
- Des startups développant des solutions d’énergie renouvelable marine au Kenya.
- L’Utilisation des techniques japonaises (Himono) et la création d’un marché pour le séchage et le fumage du poisson au Madagascar.
- Des produits alimentaires de haute qualité à base d’algues (y compris de la mousse d’Irlande) pour augmenter la consommation locale. L’objectif est aussi de développer des marchés pour les femmes qui cultivent des algues en Tanzanie.
À Maurice, un Incubateur de Technologie Océanique avait été proposé pour accompagner ces innovations, mais le projet n’a pas démarré.
Nawshin Mahadooa plaide pour une approche proactive, combinant soutien à l’innovation et accès au capital, afin de faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs de l’économie bleue.
En conclusion, elle insiste sur le fait que l’économie bleue ne doit pas être une simple mode ou un sujet de conférences. Elle doit être un moteur de croissance concret, soutenu par des politiques cohérentes, des financements appropriés et des talents qualifiés.
Qui est Nawshin Mahadooa ?
Née dans une famille modeste, elle a fréquenté l’école publique locale avant de poursuivre ses études secondaires au Mahatma Gandhi Institute et au Dr Maurice Curé SSS. Enfant, elle rêvait de devenir médecin, mais son parcours l’a menée vers un autre domaine : les sciences politiques. Elle a orienté ses études vers la recherche géopolitique.
En 2009, elle commence sa carrière au Board of Investment (BOI) de Maurice. En tant qu’Assistant Investment Advisor, elle aide les investisseurs étrangers à naviguer dans les formalités administratives pour s’installer dans le pays. Son implication dans l’organisation de la Conférence sur l’Économie Océanique en 2013 marque un tournant.
En 2016, elle obtient une bourse du gouvernement japonais dans le cadre du programme JICA ABE Initiative, une initiative visant à former des experts africains au Japon. Pendant trois ans, elle étudie les sciences marines à l’Université de Tokyo, approfondissant sa compréhension de l’économie bleue et détiens ainsi un MSc in Marine Science in the field of Marine Policy and Management.
Aujourd’hui, elle est Chargée de Mission pour l’économie bleue, le tourisme durable et la connectivité maritime à Cap Business Océan Indien.
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