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Démission de Nando Bodha : genèse d’un départ annoncé

Nando Bodha Le malaise qui a poussé Nando Bodha à claquer la porte du GM couvait depuis un certain temps. Il était à son bureau samedi, avec ses proches collaborateurs.

Que Nando Bodha claque la porte du cabinet et du MSM. Au sein de l’opposition, on l’espérait. Mais qu’il le fasse réellement samedi matin, le 6 février, c’était quand même une surprise pour elle, et plus encore au sein du MSM et du gouvernement.

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Le premier acte de l’action de samedi a eu lieu le dimanche 31 janvier, quand Rama Valayden et Roshi Bhadain lancent l’appel à Nando Bodha, lors du meeting des Avengers à La Louise, Quatre-Bornes, de les rejoindre, en ajoutant qu’ils le savent mal à l’aise au sein du gouvernement.

Le second acte sera le refus de Nando Bodha de démentir ouvertement l’information tout au long de la semaine, malgré les nombreuses sollicitations de la presse.

Le troisième acte serait la réunion du conseil des ministres de vendredi, lors duquel le reproche lui aurait été fait par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, de ne pas avoir pris position publiquement, même si en privé, il devait démentir vouloir quitter le navire gouvernemental.

Mais, la source du malaise remonte à beaucoup plus loin. « Il n’a pas apprécié de se voir enlever le ministère des Infrastructures publiques et du transport pour hériter celui des Affaires étrangères après les élections générales de novembre 2019. Un mécontement connu », confirme une source proche du principal intéressé. « Il a fait savoir à Pravind Jugnauth qu’il ressentait cela comme un certificat d’incompétence en tant que ministre des Infrastructures publiques, alors qu’il avait piloté le projet du Metro Express », ajoute-t-il.

Cependant, sa mise à l’écart progressive commence encore plus tôt, selon certains. Quand Pravind Jugnauth devient Premier ministre le 23 janvier 2017, ce dernier met en place une garde rapprochée. Au fil des mois, Nando Bodha, surtout proche de sir Anerood Jugnauth qui le consultait sur tout et rien, sera de plus en plus éloigné du centre du pouvoir qu’est le Bureau du Premier ministre.

Certes, sur certains dossiers, il sera toujours présent, mais beaucoup moins qu’avant. Puis, les relations entre certains du premier cercle de Pravind Jugnauth et des intimes de Nando Bodha n’étaient pas non plus au beau fixe. Et cela n’a certainement pas arrangé les choses.

Un autre élément grandissant du malaise était, selon son entourage, la gestion même du pays. « À ses yeux, Yogida Sawmynaden aurait dû être révoqué depuis longtemps. Que le Premier ministre le protège autant est quelque chose qu’il n’a que très moyennement apprécié. Mais, il n’y a pas que cela. D’autres dossiers le gênaient », laisse-t-on entendre. Lesquels ? Notre source n’en dira pas plus.

Ce départ était-il concerté avec l’opposition ? Non, répond-on à la direction du MMM et celle du Parti travailliste, avec lesquelles Nando Bodha était pourtant en contact depuis quelques mois.

« Depuis plus de trois mois, on a eu vent de son profond malaise. Il y avait des contacts par personnes interposées. Mais, aucune stratégie n’était prévue. On ne s’attendait pas à son départ maintenant », confie un cadre du Parti travailliste.

Même son de cloche au sein du MMM. « Il n’y a aucun deal entre Paul Bérenger et lui. Si Pravind Jugnauth vient maintenant dire qu’il y a eu une promesse du leader de présenter Nando Bodha comme Premier ministre, c’est faux. Il n’y a rien eu de tel, même s’il est vrai que Nando Bodha a le profil idéal pour être le challenger direct de Pravind Jugnauth. Qu’une telle chose se passe à l’avenir est possible, mais valeur actuelle, il n’y a absolument rien dans ce sens », révèle-t-on à la direction des mauves.

Cette information est confirmée dans l’entourage de Nando Bodha. « Il n’y a pas eu de négociations. Il a surpris tout le monde, mais sans doute qu’il a déjà une stratégie en tête », dit-on


Nando Bodha : « La situation dans le pays est devenue extrêmement grave »

C’est à 10 h 35, samedi, que des journalistes reçoivent un mail de Nando Bodha. Celui-ci contient un communiqué annonçant sa démission du conseil des ministres et de toutes les instances du MSM.
« La situation dans le pays est devenue extrêmement grave, alors que nous faisons face à de grands défis », y justifie Nando Bodha.

C’est le MSM qui est blâmé et bien sûr, indirectement, le chef du gouvernement, Pravind Jugnauth. « La culture du pouvoir et le fonctionnement du MSM ne correspondent plus aux valeurs et principes qui ont toujours marqué mon parcours politique. Les idéaux et principes fondamentaux qui m’ont guidé depuis mon engagement avec sir Anerood Jugnauth ne sont plus là. À ma grande déception. »

Et d’ajouter que « j’ai fait connaître mes réserves et je suis toujours venu avec des propositions constructives à tous les niveaux, en toute sincérité ».

La page du Sun Trust tournée, Nando Bodha regarde vers l’avenir. « Aujourd’hui, je souhaite que mon combat politique prenne une nouvelle orientation. Il s’agira d’un nouveau projet de société qui correspondrait aux aspirations des Mauriciens. Il y a une nouvelle exigence », écrit-il.

Nando Bodha veut tabler sur « des valeurs citoyennes de bonne gouvernance et de démocratie moderne ». Et de terminer en affirmant que « je vais me consacrer à mon nouveau combat ».


Le jeudi 4 février, il mobilisait les sympathisants du MSM en vue du comité central

C’est le jeudi 4 février dernier que l’ancien ministre des Affaires étrangères, Nando Bodha, a pris pour la dernière fois la parole dans la régionale de la circonscription no 16 Vacoas/Floréal. Selon nos recoupements, il a demandé à tous ceux présents, d’être présents pour le comité central élargi. « Il a même souligné à ses mandants qu’il s’est rendu dans les quatre coins du pays afin de mobiliser les gens et que tout se passe bien. Il a aussi indiqué que tous les projets vont bon train à travers le pays et qu’il a rencontré le leader du parti, Pravind Jugnauth, pour discuter des autres projets », a indiqué un membre du comité régional. Ce dernier a fait comprendre que le démissionnaire n’a à aucun moment donné l’impression qu’il allait démissionner. « Il a même dit à ceux présents de prévoir des autobus pour ce samedi  », ajoute-t-il.


Des habitants du no 16 sous le choc

Des mandants de la circonscription no 16 (Vacoas/Floréal) ont été choqués d’apprendre la démission de Nando Bodha. Ils estiment cependant que leur député a agi par principe et que s’il a choisi de démissionner, c’est parce qu’il a senti que son intégrité était menacée.

Shradhanand Napaul, 62 ans, habitant Henrietta, a appris la nouvelle vers 11 h 30, samedi. « J’ai été aux côtés de Nando Bodha pendant plusieurs années. Je trouve étonnante sa décision de démissionner. Je me demande ce qui a bien pu se passer et qui l’a incité à soumettre sa démission », s’interroge ce dernier, qui a été aux côtés de Nando Bodha pour les municipales de 1995. Il affirme que le temps lèvera le voile sur les raisons ayant provoqué sa démission.

Habitant Sadally, Hussein a appris la nouvelle sur les réseaux sociaux. « J’ai été choqué d’apprendre qu’un ministre de notre circonscription a soumis sa démission, surtout qu’il a été candidat ici pendant 25 ans. Il est un homme de principe et a toujours travaillé dans l’intérêt des habitants. On l’a tous côtoyé », se désole le quadragénaire qui ajoute que le no 16 sera « le perdant » avec le départ de l’ex-ministre des Affaires étrangères.

« Nando Bodha est humble, intelligent et sincère. S’il a choisi de partir, c’est que quelque chose l’a agacé ou a blessé son intégrité », soutient Maynanda Rajaratnam, conseiller de Vacoas, qui est très proche de Nando Bodha. À ses dires, celui-ci compte rencontrer ses fidèles lieutenants dans les jours à venir et que par la suite, il animera une conférence de presse.

 

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