Les délits sexuels et le nombre de prédateurs sexuels qui récidivent gagnent du terrain à Maurice depuis une dizaine d’années. La Law Reform Commission plaide en faveur de la castration chimique pour essayer d’endiguer ces fléaux.
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«Chemical castration is a way to prevent ‘history from repeating itself’, by preventing the sinner from repeating this sin ». Les membres de la Law Reform Commission (LRC), qui se sont penchés sur les cas de viols avec, en ligne de mire les récidivistes sexuels, proposent l’introduction de la castration chimique à Maurice.
La LRC soutient, en effet, avoir découvert une situation alarmante au niveau des cas de récidivisme sexuel et que cela ne date pas d’hier. En 2010, sur les 3 551 individus en détention pour des cas d’abus sexuels, 3 035 étaient des récidivistes. Dix ans plus tard, la situation ne s’est nullement améliorée, car sur 100 adultes qui ont été trouvés coupables d’abus sexuels, 72 étaient des récidivistes.
En sus, selon d’autres chiffres obtenus auprès du Crime Record Office of the Habitual Criminal Department de la police, 27 personnes ont récidivé entre 2011 et 2022 dans des cas de viol, de relations sexuelles avec mineurs et de sodomie, entre autres. Sur ces 27 récidivistes, 21 d’entre eux ont obtenu au moins deux condamnations pour avoir commis de tels délits sur des enfants. D’autres données obtenues auprès de Statistics Mauritius ont aussi révélé que plusieurs de ces cas de récidive ont été commis en l’espace de cinq ans.
Protéger la société
La castration chimique pourrait, de ce fait, être « la réponse la plus adéquate face aux cas de récidivisme sexuel à Maurice », d’autant que plusieurs pays ont adopté cette pratique depuis des années. Étant d’avis que la castration chimique est beaucoup plus une forme de traitement qu’une forme de punition, les membres de la LRC font ressortir que cette méthode aide à réduire la production de testostérone. « This treatment aims to reduce the individual’s sexual drive », indiquent-ils, tout en prenant le soin de faire ressortir que « les effets de la castration chimique s’arrêtent dès que le traitement est stoppé ».
Faisant aussi état de l’impact de la castration chimique dans les pays où cette méthode est en vigueur, notamment les pays scandinaves, la LRC soutient que les cas de récidivisme sexuel sont passés de 40 % à 5 %. Conscients que la castration chimique n’existe pas dans la législation mauricienne, les membres de la LRC tiennent à rappeler aux cours de justice que leur devoir est d’assurer la protection de la société dans le sens large du terme.
Selon les membres de cette commission, la réplique contre les auteurs de délits sexuels doivent refléter la gravité du forfait commis. La réplique de la cour doit à la fois être une forme de punition, mais aussi une forme de traitement. Consciente également du fait que la castration chimique est généralement vue d’un mauvais œil par des activistes des droits de l’homme, la LRC ne manque pas de s’appuyer sur un jugement rendu par l’European Court of Human Rights qui avait statué que, du moment une mesure comprend un aspect thérapeutique, elle ne peut être considérée comme inhumaine et dégradante.
Anushka Virahsawmy (Gender Links) : «Je suis contre la castration chimique»
Sollicitée pour commenter cette proposition de la LRC, Anushka Virahsawmy, Country Manager de Gender Links, tient avant tout à s’exprimer en son nom personnel pour dire qu’elle est contre toute forme de violence. « Je suis donc contre la peine de mort, mais aussi contre la castration chimique », fait-elle part. « Mais c’est clair qu’il faut avoir punition surtout lorsqu’il y a eu récidive. Cependant, s’il y a une réelle volonté pour aller de l’avant avec la castration chimique, il faut avant tout procéder à l’élaboration de guidelines bien définis sans compter qu’il faut que ce soit accompagné d’un traitement psychiatrique », dit-elle.
Stephanie Anquetil (PTr) : «Des débats plus larges»
La députée et responsable du dossier femmes au sein du Parti travailliste, Stéphanie Anquetil, propose, quant à elle, des débats plus larges sur la question en raison de la sensibilité du sujet. « Il faut une consultation populaire élargie afin de pouvoir dégager un consensus », dit-elle. Avant de prendre une décision aussi sérieuse que l’introduction de la castration chimique, il faut engager un dialogue et voir de quel côté penche l’opinion publique.
Mieux comprendre la castration chimique
Le terme peut sembler spectaculaire et peut faire penser qu’une intervention chirurgicale est nécessaire. Pire, l’on pourrait croire que le procédé est de nature permanente. Or, il n’en est rien. La castration chimique implique un traitement médical, à base de Décapeptyl ou de l’Androcur, qui permet de réduire la production de testostérone afin de détruire les pulsions sexuelles de ceux qui sont soumis au traitement. Ces deux médicaments servent aussi à traiter des problèmes hormonaux chez la femme. Selon certaines études, il peut y avoir des effets secondaires, comme des bouffées de chaleur, un engraissement des muscles ou des troubles du caractère.
Concrètement, le traitement s’administre de deux façons : le patient se fait injecter une fois tous les trois mois ou il prend des comprimés. Le produit simule une surproduction de testostérone trompant ainsi le cerveau. De ce fait, le corps ne produira plus de testostérone. Ceci neutralise la libido du sujet qui ne ressentira plus de désir sexuel. Le prédateur sexuel est ainsi rendu inoffensif. Le procédé n’a rien de permanent, car le désir sexuel revient une fois le traitement arrêté. Il est cependant fortement recommandé d’accompagner le traitement d’un travail psychologique pour que la personne ne se retrouve pas face à ses pulsions une fois le traitement terminé.
Quels pays pratiquent la castration chimique ?
Un certain nombre de pays ont recours à la castration chimique depuis des d’années. Parmi, l’on retrouve la Russie, l’Indonésie, la Moldavie, la Corée du Sud et la Pologne où le procédé est administré aux violeurs de mineurs. Depuis 2017, l’Indonésie l’a approuvé pour les coupables de viols sur mineurs. Aux États-Unis, neuf États, notamment l’Iowa, la Louisiane, le Montana, le Texas et le Wisconsin, entre autres, appliquent la mesure dans les cas d’abus sexuels sur mineurs.
D’autres pays qui ont donné leur feu vert pour la castration chimique forcée sur des pédophiles sont le Danemark, l’Allemagne, Israël, la Norvège, la Suède et le Canada, entre autres.
D’autres pays le permettent sur une base plus volontaire. En France, par exemple, c’est un traitement décidé par un médecin et non pas un juge. Au tribunal, c’est un médecin qui recommande si un traitement par castration chimique est nécessaire pour le condamné. En cas de refus de ce dernier, il commet une violation de ses obligations judiciaires.
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