Revirement de situation concernant la loi sur la déclaration des avoirs. De nouveaux amendements seront proposés afin d’exempter les « judicial officers » de cette loi. Une décision qui place l’Independent Commission against Corruption sous les feux des projecteurs.
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L’Independent Commission against Corruption (Icac) se trouve une fois de plus sous les feux des projecteurs avec, pour toile de fond, les nouveaux amendements à la loi sur la déclaration des avoirs. Les nouveaux amendements qui seront présentés ce mardi à l’Assemblée nationale par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, font notamment provision pour exempter les juges et les magistrats de cette loi. Dans le cercle du Premier ministre, on fait savoir que cette décision n’a pas fait l’unanimité, certains collaborateurs n’approuvant pas le fait que les juges et les magistrats aient droit à un « traitement de faveur ». L’on est cependant arrivé à un consensus, qui vise à exempter les juges et les magistrats « temporairement », le temps de trouver une solution sur le long terme.
Le point de discorde, soulevé essentiellement par les juges selon nos informations, est le refus catégorique de soumettre leurs avoirs à l’Independent Commission against Corruption. L’on apprend toutefois qu’ils n’ont aucune objection contre le principe de déclarer leurs avoirs, même s’ils sont d’avis que la commission anticorruption n’est pas l’institution appropriée pour recevoir ces informations. Une source autorisée au Bâtiment du Trésor nous explique que des réunions sont prévues entre les juges et magistrats avec l’hôtel du gouvernement pour définir quelle autorité serait la plus compétente pour réceptionner ces déclarations des avoirs. Une autre source à l’hôtel du gouvernement nous confie que la situation est loin d’être inquiétante. « Le fait de savoir qu’ils n’ont pas d’objection avec le principe de cette loi est une bonne chose. Il y a d’autres institutions indépendantes qui peuvent entrer en jeu. Notamment, le bureau du Speaker ou celui de la présidence », fait-elle remarquer, même si elle tient à préciser que rien n’a encore été proposé à cet effet.
Cette décision d’exemption temporaire suscite, en tout cas, bon nombre de commentaires dans la profession légale. L’avocat Yousuf Mohamed soutient que les amendements proposés donnent un mauvais signal. « C’est une très mauvaise idée, car l’on est en train de créer la perception qu’il y a deux catégories de citoyens à Maurice », dit-il. L’homme de loi ajoute ne percevoir aucun problème avec le fait que l’Icac réceptionne les avoirs des juges et des magistrats. « S’ils touchent de grosse sommes, il faut le savoir », ajoute-t-il.
L’avocat et parlementaire Ritish Ramful ne partage pas le point de vue de Yousuf Mohamed. « J’ai appris que c’est surtout les juges qui ont soulevé des objections par rapport à l’Icac et je trouve que, quelque part, ils ont raison. Les juges sont souvent appelés à traiter des dossiers de l’Icac et il ne faut surtout pas créer le moindre soupçon de conflit d’intérêts », dit-il. L’élu du Parti Travailliste de la circonscription no 12 (Plaine-Magnien/Mahébourg) soutient que d’autres autorités indépendantes peuvent aussi jouer ce rôle.
Outre cette exemption, les nouveaux amendements font provision pour que les trust properties soient considérées comme des assets.
Paul Bérenger salue la prise de position des juges
Le leader du Mouvement militant mauricien (MMM), Paul Bérenger, considère comme inacceptable le fait que les juges aient à soumettre leurs avoirs à l’Icac. C’est ce qu’il a déclaré lors d’une conférence de presse samedi. Il a soutenu que la récente requête des juges était « justifiée » et a déploré que les amendements à la Declaration of Assets Act soient présentés et débattus durant la même journée, soit le mardi 2 juillet 2019, car les « parlementaires n’ont pas eu le temps de prendre connaissance du contenu du texte de loi ».
Selon Paul Bérenger, il est également regrettable que « les trusts properties concernés par ces amendements ne soient pas clairement définis ». Pour rappel, la requête des juges formulée au gouvernement a été approuvée par le Conseil des ministres, vendredi.
Dans leurs représentations auprès du Bureau de l’Attorney General, les juges avaient soutenu qu’ils ne pouvaient pas déclarer leurs avoirs auprès de l’Icac. Le judiciaire sera donc exclu de la Declaration of Asset Act.
L’argument principal avancé par les juges était la séparation des pouvoirs.
Les juges avaient soutenu que la commission anti-corruption, qui fait partie de l’exécutif, ne pouvait pas enquêter sur le judiciaire.
Par ailleurs, ils ont proposé la création d’une autre entité, où ils pourraient déclarer leurs avoirs.
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