Il avait 32 ans et s’appelait Fabio. Trisomique, il est décédé de la Covid-19. Sa mère qui s’est toujours occupée de lui, se retrouve seule et a du mal à faire son deuil. Elle revient sur les difficultés rencontrées avant et après le décès de ce dernier. Seule dans sa maison, elle ne vit plus. Le deuil est d’autant plus difficile car elle n’a pas été autorisée à organiser les funérailles de son fils, ni à se rendre sur sa tombe.
Quand ? Comment ? Pourquoi ? Ce sont les questions que se pose Maryse Bowanee, 68 ans. Cette habitante de Tranquebar n’est plus la même. Désormais seule dans sa maison, elle tourne en rond, pense qu’elle vit un cauchemar et qu’elle va bientôt se réveiller. De manière robotique, elle prépare les affaires de son fils comme lorsqu’il était là. Parfois, elle croit même l’entendre, le voir. Elle se réveille en sursaut et le cherche. Elle l’attend. Mais rien à faire, il ne reviendra pas.
Fabio Bowanee, 32 ans, était trisomique. Il est décédé le 9 octobre dernier. Son monde, c’était autour de sa mère qu’il l’avait créé. Il en va de même pour Maryse. Cette maman a sacrifié toute une vie pour s’occuper de ses enfants et a connu bien des atrocités. « J’ai perdu un fils qui avait 9 ans il y a bien des années. Il avait fait un accident de la route. Puis, j’ai accouché de jumeaux, tous les deux nés trisomiques et depuis je me suis vouée à les faire grandir ». Effectivement, Fabio avait un frère mais un autre malheur a frappé cette famille il y a trois ans. « Il est tombé malade et n’a pas survécu ». Ce fut un énorme traumatisme pour Fabio.
« Inséparables »
Depuis la mort de son frère, sa mère raconte que Fabio avait perdu une certaine joie de vivre. « Les deux frères étaient inséparables. Je les déposais à l’école de l’Apeim puis à l’atelier. Ils ne sortaient jamais sans moi si ce n’est qu’avec les éducateurs de leur école spécialisée ». Maryse, veuve depuis 16 ans maintenant, alors que ses enfants étaient encore adolescents explique qu’elle n’a pas pu travailler car il fallait s’occuper d’eux en permanence. « Ce n’est pas facile d’avoir deux enfants trisomiques à la maison. Cependant, ils n’ont jamais été un fardeau pour moi. J’ai eu beaucoup de patience et je faisais tout pour qu’ils soient heureux ». Maryse a aussi une fille qui est en France et c’est avec Fabio qu’elle faisait le deuil de son autre enfant.
Ainsi Maryse était à l’affut du moindre petit changement d’humeur de son Fabio. « Comme j’ai perdu deux enfants, je faisais encore plus attention à lui. J’avais remarqué par exemple qu’il ne dansait plus et ne s’amusait pas comme quand son frère était là. Il s’était un peu renfermé et s’exprimait à peine. Cependant, quelques jours avant sa mort, il semblait vraiment malade. » Elle explique que depuis le dernier confinement, elle ne sortait presque pas. « J’avais des arrangements avec des proches et les voisins et je payais même un taxi pour récupérer des médicaments à la pharmacie car je voulais le protéger ». Elle remarque d’abord que son fils qui est d’habitude un grand mangeur, refuse la nourriture. « J’ai appelé le médecin je lui ai dit que mon fils était malade mais il m’a dit que ce n’était pas grave. Il lui a donné des médicaments et m’a dit de l’obliger à manger. Face à son refus et à des nouveaux symptômes, j’ai dit au médecin de venir le voir une nouvelle fois. Je lui ai fait part de mes craintes en ce qui concerne la Covid-19. Il m’a rassurée et m’a dit : ‘Pa Covid sa, mo travay ek pasian ki ena Covid ou garson pa gayn sa’ ».
Test rapide
Cependant, quelques jours plus tard, alors que Fabio commence à être essoufflé, sa mère insiste pour que le médecin fasse un test rapide. C’est là qu’elle apprend avec stupéfaction que son fils est positif à la Covid-19. Son test à elle se révèlera négatif. « Le médecin m’a alors dit qu’il ne pourrait pas continuer à s’occuper de mon fils et que je devais chercher de l’aide auprès de l’hôpital. » Commence alors un vrai combat pour cette maman. « Je ne sais combien de fois j’ai supplié l’hôpital d’envoyer un médecin ou une ambulance. En vain. J’avais même l’impression qu’on se moquait de moi car ils me disaient : ‘Sorti madam, lanbilans-la deor, zot pa pe kone kot ou abite, al atann deor’. Mais il n’y avait personne. J’ai aussi appelé deux cliniques mais elles m’ont dit qu’ils ne pourront rien faire pour moi. » Maryse raconte qu’elle a commencé à paniquer. « Je sortais dans la rue, je criais, pleurais et je demandais de l’aide. Les gens avaient peur à cause de la Covid-19. Un voisin m’a proposé de l’emmener à l’hôpital mais il ne pouvait plus marcher. Finalement, c’est suite à l’intervention d’un député de la région que j’ai pu avoir une ambulance qui l’a emmené à l’hôpital en urgence. »
« Zot dir mwa lasal covid pa rantre »
Maryse s’y rend. Sur place, on lui refuse l’accès à la salle. « Zot dir mwa lasal Covid pa rantre ». Il est alors 21 heures 30. Elle est seule. Quelques heures plus tard, un médecin lui dit : « Ou garson inn desede, vini demin pou pran lekor ». En larmes, elle nous raconte qu’elle a failli s’évanouir. Pour Maryse, son monde s’écroulait. « Zot inn les mwa rant trouv so vizaz de lwin. Apre zot inn dir mwa al fer demars letat sivil e ki mo pa pou gayn lekor. Mo ti panse ki mo pe amenn mo zanfan lopital pou li gayn swin, pa pou ki mo kit ziska so leker laba mem e mo retourn tousel. » Pour cette mère de famille, c’est une autre étape dure. « Samem dernie fwa monn trouv mo zanfan. Zot inn pran li, zot mem inn al anter li. Zot inn dir mwa zot pou al simitier Bois Marchand, me zot inn dir mwa mo pa gayn drwa vini. Ziska zordi mo pa kone kot zot inn anter li. Mo pankor kapav al met enn fler… » Le fait de ne pas avoir pu faire des funérailles augmente la difficulté de cette maman à faire le deuil.
Aujourd’hui seule, Maryse a besoin d’une aide professionnelle pour surmonter cette épreuve car cette maman n’a pas seulement perdu son enfant, elle commence à se perdre, a du mal à se rappeler de quelques petites choses et elle ne peut plus s’exprimer comme avant. Alors qu’elle met de l’ordre dans les affaires de son fils, elle passe encore ses journées en pleurs, se demandant ce qu’elle aurait pu faire de plus pour son fils afin que la vie ne le lui arrache pas…
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