Live News

Cour d’investigation : la salle des machines avait pris l’eau le jour de l’échouement 

Les deux ingénieurs ont raconté comment s’est passée la soirée du 25 juillet. Les deux ingénieurs ont raconté comment s’est passée la soirée du 25 juillet.

La salle des machines a commencé à prendre l’eau quelques minutes après l’échouement. C’est l’aveu d’Euliogio Espellarga et d’Amisto Sarausos, second et troisième ingénieur du MV Wakashio respectivement. Ces deux Philippins ont été auditionnés, le vendredi 21 janvier, devant la cour d’investigation, sur l’échouement du Wakashio. 

 L’ancien Puisne Judge et président de la Court of Investigation, Abdurrafeek Hamuth, et ses deux assesseurs, Jean Mario Geneviève et Johnny Lam Kai Leung, ont interrogé les témoins. L’assistant solicitor general, Rajkumar Baungally, le représentant du bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), Ricky Bookhun, et les avocats, Khushal Lobine et Ilshad Munsoor, ont, aussi, interrogé les deux membres de l’équipage du navire. 

Publicité

Moteur en parfait état de marche 

Répondant à Rajkumar Baungally, Euliogio Espellargo a expliqué qu’il a embarqué à bord du Wakashio au Japon, le 29 octobre 2019, comme second ingénieur. Entre le 29 octobre 2019 et le 14 juillet 2020, le navire a vogué entre l’Australie et le Japon uniquement. Ce n’est que le 14 juillet que le Wakashio a quitté le Singapour pour rejoindre le Brésil. En tant que second ingénieur, il avait pour tâche d’assurer l’entretien du moteur principal et des moteurs auxiliaires. « Le moteur et les auxiliaires étaient en parfait état de marche à notre départ du Singapour », a assuré Euliogio Espellarga. D’ajouter qu’en tant que second ingénieur, il répond aux ordres directement du chef ingénieur. 

Le navire avançait à 11 nœuds 

Le 25 juillet (jour de l’échouement), le navire avançait à une vitesse de 11 nœuds, soit à un régime de 72 rotations par minute (rpm). Euliogio Espellarga a pris le service à 16 heures et a terminé vers 20 heures. Il est allé prendre son repas à 18h30, après avoir donné l’instruction au « oiler » de rester pour surveiller les machines. Il est revenu à la salle des machines à 18h50. Il ne savait pas qui tenait la barre à cette heure car le pont se trouve à plusieurs niveaux au-dessus de la salle des machines. Toutefois, pendant son absence, vers 18h35, le chef ingénieur a donné l’ordre au « oiler » de réduire la rotation du moteur à 68 rpm. 

Vers 19h20, Euliogio Espellarga dit avoir ressenti des vibrations. Vers 19h24, le pont intervient, à nouveau, pour réclamer une baisse de la rotation à « full ahead ». Ce qui veut dire que les ingénieurs doivent réduire la vitesse à une vitesse manœuvrable. Celle-ci est enclenchée lorsque les navires entrent ou sortent des ports, a expliqué l’ingénieur. Cependant, vers 19h35, l’officier de garde a donné l’ordre d’arrêter le moteur. 

À 19h56, le pont reprend contact pour demander à la salle des machines de faire marche inverse, le chef ingénieur devait descendre dans la salle de contrôle (à côté de la salle des machines) au même instant. Après une minute de tentatives de mouvement inverse, le pont a donné l’ordre d’éteindre les moteurs. L’ordre a été donné aux « oilers » de vérifier le niveau d’huile et de carburant dans les réservoirs. 
L’eau de mer pénétrait 

Le navire

À 20h29, Euliogio Espellarga dit avoir entendu l’alarme du réservoir à carburant. « Il y avait de l’eau de mer et des fines traces de carburant qui remontaient ». L’eau a commencé à inonder la salle des machines à un rythme de six mètres cubes par heure. Il y avait un mètre d’eau au sol, selon l’ingénieur. L’équipe de maintenance a, alors, décidé de placer une planche attachée par des crampes, sur la fuite. Il s’agissait d’une valve provenant du réservoir qui avait cédé. À une question de l’ancien Puisne Judge, Abdurrafeek Hamuth, l’ingénieur devait affirmer que l’eau avait été pompée de la salle des machines vers les cales 7 et 8. À Johnny Lam Kai Leung, Euliogio Espellarga a déclaré que le navire est passé par un entretien du moteur avant son départ du Japon. De plus, il a indiqué qu’à 72 rpm, cela signifie que le navire était en pleine lancée. 

Cependant, Jean Mario Genevieve devait faire comprendre à l’ingénieur que cela aurait été plus judicieux et légal selon la Convention Marpol, d’évacuer l’eau par-dessus bord pour ne pas ajouter plus de poids au navire. À cette question, l’ingénieur n’a pas pu donner une réponse claire mais a affirmé qu’il agit sous les instructions du chef ingénieur. Cependant, il devait confirmer que le navire a un plan de contingence en cas d’échouement et que ce plan a été appliqué comme le prévoient les exercices de simulation. D’ailleurs, le dernier exercice s’est tenu en avril 2020. Malgré cela, Euliogio Espellarga a fait comprendre que le 5 août, la coque du navire s’était endommagée et l’eau a continué à pénétrer le navire de façon incontrôlable. 

Le capitaine et le chef ingénieur faisaient la fête 

Euliogio Espellarga confirme qu’une fête d’anniversaire se tenait dans la « recreation room » du navire. Il dit être passé devant la porte de cette salle lorsqu’il est parti prendre son repas, sans y entrer. Il peut, cependant, affirmer que la fête était accompagnée d’une partie de karaoké. 

Amisto Sarausos, le troisième ingénieur, confirme que le capitaine et le chef ingénieur étaient parmi ceux qui faisaient la fête. Il relate que le 25 juillet, vers 16 heures, il a terminé son service. Il s’est rendu à la « crew mess room » et il y avait une fête d’anniversaire là-bas. Il affirme avoir vu le capitaine et le chef ingénieur à la fête avec deux autres personnes. Sur la table, il y avait une bouteille de whisky et un carton de bière contenant 24 bouteilles. Il raconte avoir accepté une bouteille, mais dit ne pas l’avoir vidée car il devait reprendre du service. Cependant, Amisto Sarausos souligne qu’il a ressenti trois secousses, alors qu’il se trouvait dans sa cabine. « Dehors, le temps était bon. J’ai trouvé cela étrange et à la seconde secousse, j’ai ouvert le hublot, j’ai regardé dehors et j’ai vu les lumières de la terre (Maurice) ». Il dit que c’est vers 20 heures qu’il a entendu des gens crier de la salle des machines. « Ils disaient que l’eau pénétrait la salle ». 

En outre, le troisième ingénieur a soutenu ne pas être au courant si le capitaine s’approchait des côtes pour capter le réseau. Il a affirmé qu’en mer, leurs téléphones ne servent qu’à regarder des films ou écouter de la musique. D’ailleurs, Euliogio Espellarga affirme que les membres d’équipage ont des cartes SIM de la compagnie AIS. Lesquelles ne captent pas de signaux à Maurice. Il explique qu’il doit communiquer par voie de courriels avec sa famille ou lorsqu’il passe dans les parages du Japon, de l’Australie ou de Singapour. Mais ces cartes sont achetées à $29 du capitaine et permettent des appels d’une durée ne dépassant pas une heure. « Nous communiquons que par e-mail. Nous n’avons pas accès aux réseaux sociaux », fait ressortir l’ingénieur.

Le 19 janvier, lors de la première audience, le capitaine Asiva Coopen, Deputy Director of Shipping, a précisé que, selon l’enquête préliminaire qu’il a menée, il y avait une fête d’anniversaire à bord du navire le jour où le vraquier s’est échoué sur les récifs de Pointe-d’Esny. Selon le capitaine du MV Wakashio, il s’était rapproché de la terre pour que le moral des marins « remains high » en leur donnant du temps pour parler à leurs proches. D’ailleurs, le rapport du capitaine Asiva Coopen indique que c’est « à cause de la ‘distraction sociale’ sur le pont, qu’ils (les membres de l’équipage, Ndlr) n'ont pas réussi à s'assurer que le navire maintienne sa route ».

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !