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Contrat entre le CEB et CorexSolar : les enjeux de l’enquête de l’Icac pour le secteur énergétique 

L’enquête de l’Independent Commission against Corruption (Icac) sur le contrat entre le Central Electricity Board (CEB) et CorexSolar International Ltd, qui porte sur la construction d'une ferme solaire d’une valeur de Rs 5 milliards, a pris une nouvelle tournure cette semaine avec une descente au siège du CEB à Ébène. Les implications de cette enquête pourraient avoir plusieurs issues possibles pour le secteur énergétique à Maurice. 

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Un terrain au cœur de la controverse 

La possession du terrain est un élément central de la controverse. Lors de l’appel d’offres lancé par le CEB en 2022 pour la construction d’une ferme solaire d’une valeur de Rs 5 milliards, plusieurs conditions cruciales ont été énoncées à l’intention des postulants. L’une d’elles stipulait qu’il était impératif que les soumissionnaires sélectionnent et identifient le site proposé pour le projet. 

Autre condition : ils devaient obtenir des lettres d’engagement de la part des propriétaires fonciers, attestant de leur disposition à mettre le terrain à disposition si leur projet était retenu à l’issue du processus d’appel d’offres. Cette exigence visait à assurer la préemption des droits fonciers nécessaires en amont, prévenant ainsi tout potentiel retard dans la mise en œuvre du projet. 

Les soumissionnaires étaient également tenus de fournir les titres de propriété, les lettres de réservation foncière ou les accords de location foncière, le cas échéant. De plus, toutes les technologies d’énergies renouvelables envisagées, y compris le système de stockage d’énergie par batterie, devaient être regroupées sur un seul et même site. Il convient de noter que les soumissionnaires pouvaient démontrer leur engagement foncier en fournissant des preuves d’acquisition de terrain, qu’il soit réservé, loué ou en leur possession, en vue de la réalisation du projet.

La question centrale de l’affaire est de savoir si le CEB était en droit de modifier cette condition phare de l’appel d’offres après avoir confié le contrat à CorexSolar International Ltd. Les éléments d’informations qui ont émergé indiquent que la firme réunionnaise n’a jamais été propriétaire des terrains nécessaires pour la réalisation d’un projet d’une telle envergure. Ceux que CorexSolar International Ltd aurait prétendument acquis appartenaient, en réalité, à Terra, qui a affirmé n’avoir ni cédé, ni loué ces terrains à la société réunionnaise. 

Ce n’est qu’en juillet que cette dernière a informé la direction du CEB de ses difficultés concernant le site initial. L’organisme public lui a alors donné l’autorisation de bâtir la ferme solaire sur un site de remplacement. Des détracteurs estiment que cette autorisation n’aurait jamais dû être accordée. Ils perçoivent cette décision du CEB comme un traitement de faveur inapproprié dont aurait bénéficié CorexSolar International Ltd.

Les explications, tant du côté du CEB que du ministre de l’Énergie et des Services publics, sur ce changement de condition diffèrent sensiblement. Le département juridique du CEB met en avant le fait que les participants de l’appel d’offres n’auraient jamais dû être propriétaires de terrains et qu’ils devaient simplement être capables d’identifier un terrain adéquat. Selon le CEB et le ministre, il est ardu pour des entreprises étrangères d’acquérir des terrains de cette superficie et il est donc tout à fait normal de rencontrer de telles difficultés.

L’avocat Penny Hack, spécialiste en matière d’appels d’offres, trouve « anormal de modifier les conditions après la clôture de l’appel d'offres ». D’autant, poursuit-il, que dans cette affaire, le terrain est un élément essentiel de l’exercice. « En faisant abstraction de cet élément, l’accord, dans son ensemble, est compromis », déclare-t-il. 

Selon l’homme de loi, il aurait été plus juste d’annuler complètement le processus après avoir découvert que CorexSolar International Ltd ne pouvait pas garantir qu’elle avait un terrain en main. « Techniquement, en apprenant que l’entreprise ne pouvait pas garantir qu’elle avait un terrain en main, l’appel d’offres devient caduc. Il aurait été judicieux de recommencer à zéro », soutient-il.

Le rôle du Bid Evaluation Committee 

Selon toute indication, ce sont les membres du Bid Evaluation Committee (BEC) du CEB qui devraient intéresser l’Icac. Les enquêteurs, qui ont perquisitionné les locaux du CEB à Ébène le jeudi 28 septembre 2023, disposent de 15 jours pour décider s’ils doivent approfondir leurs investigations. Des sources proches du dossier, tant au sein du CEB qu’à l’Icac, indiquent que si l’enquête se poursuit, cela pourra conduire à des convocations, voire à des arrestations, avec les membres du BEC en première ligne. 

Le BEC est généralement composé de cinq à sept experts hautement qualifiés dans des domaines tels que la finance, les appels d’offres et l’audit. Ils sont considérés comme les meilleurs dans leur domaine au sein du CEB et perçoivent des salaires à six chiffres. 

L’indépendance du BEC est cruciale. Ce comité doit rester au-dessus de tout soupçon. Ses membres ne sont pas autorisés à entrer en contact avec les entreprises participant à un appel d’offres du CEB. Ils doivent éviter toute perception de trafic d’influence et ne peuvent même pas interagir avec le ministre concerné ou des personnalités politiques. 

Le rôle du BEC est de soumettre ses recommandations au conseil d’administration du CEB sur le choix du soumissionnaire, en se basant principalement sur le prix proposé par ce dernier ainsi que d’autres spécifications techniques liées au projet.

Le contrat controversé, un enjeu crucial pour l’avenir énergétique 

Le développement du secteur des énergies renouvelables à Maurice, visant à atteindre une production d’énergie verte de 60 % d’ici 2030, est étroitement lié à la controverse entourant le contrat attribué à CorexSolar International Ltd par le CEB. À mesure que l’échéance de 2030 se rapproche et que le secteur des énergies renouvelables fait face à des défis, tels que la régression de la part d’énergie renouvelable de 19,83 % en 2021 à 17,35 % en 2022, le projet solaire du CEB revêt une importance cruciale pour l’avenir de la transition énergétique à Maurice. 

Ce projet de ferme solaire comprend quatre installations de 10 mégawatts chacune, ainsi que trois autres de 30 mégawatts. Il est considéré comme un pilier essentiel de l’avenir énergétique durable de l’île. Cependant, de nombreuses préoccupations surgissent quant aux répercussions potentielles d’une enquête approfondie de l’Icac sur l’octroi de ce contrat. 

Si le projet est suspendu pendant la durée de l’enquête, cela pourrait représenter un revers majeur pour le développement des énergies renouvelables à Maurice. Cela compromettrait également les engagements pris par le pays envers la communauté internationale en matière de transition énergétique. La situation soulève donc des questions cruciales quant à la réalisation des objectifs fixés pour un avenir énergétique plus vert à Maurice.

Le CEB et son Corporate Governance 

Le Corporate Governance du CEB met en avant une solide structure de contrôle et de responsabilité au sein du conseil d’administration. Ce dernier, par le biais de divers sous-comités, s’emploie à faciliter l’accomplissement de ces responsabilités. La gestion, quant à elle, est soumise au contrôle du conseil d’administration et se conforme aux politiques établies par ce dernier. 

Toutes les activités se déroulent en stricte conformité avec la loi du CEB, les dispositions et les principes de bonne gouvernance d’entreprise. Sa robuste structure de gouvernance, axée sur la transparence et la responsabilité, demeure la clé de son succès continu dans le secteur de l’énergie. C’est au conseil d’administration qu’incombe la responsabilité ultime de rendre compte de la performance et des affaires de l’organisation. Ses rôles et ses fonctions clés englobent plusieurs aspects importants : 

  • Fournir une direction stratégique et un leadership éclairé. 
  • Examiner les objectifs, les stratégies et les structures de l’organisation afin de les aligner sur les intérêts des parties prenantes. 
  • Veiller au respect de l’ensemble des lois, réglementations, codes de meilleures pratiques commerciales et des lignes directrices énoncées dans le Code national de gouvernance d’entreprise. 
  • Garantir des niveaux élevés de justice, de transparence et de responsabilité dans les décisions et les actions du CEB.
  • Préserver l’intégrité des systèmes comptables et financiers du CEB, notamment l’indépendance de l’audit, les systèmes de contrôle, les mécanismes de gestion et de surveillance des risques, le contrôle financier et la conformité aux lois ainsi qu’aux normes comptables pertinentes. 
  • Superviser le processus de divulgation et de communication.
  • S’assurer que l’entreprise élabore un plan de succession, tant pour ses directeurs exécutifs que pour son équipe de direction supérieure.
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