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Cherté de la vie : les consommateurs face au choc des étiquettes

À chaque hausse de prix, souvent sans explication claire, le pouvoir d’achat des consommateurs s’effrite un peu plus.

Le Mauricien vit au gré des majorations inexpliquées de prix, une hausse qui ne se reflète point dans l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Tour d’horizon.

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En plein cœur de l’hiver, elle s’accorde quelques douceurs. Du café pour se réchauffer. Du chocolat pour le moral. Un peu de réconfort dans la grisaille. Mais en ce début de semaine, dans un supermarché chic des Plaines Wilhems, cette quadragénaire reste figée devant le rayon chocolat : le prix d’une tablette est passé de Rs 180 à Rs 326. Et là, choc. Littéralement.

Effet de la future taxe sur le chocolat ? Pas encore. Cette mesure n’entrera en vigueur qu’à partir du 1er octobre. Faut-il pointer du doigt le fret ou la montée du dollar ? Encore raté. La roupie reste stable face au billet vert et les nouveaux tarifs de fret ne seront applicables qu’à partir de juillet. Peut-être les cours du cacao sur le marché mondial ? Même pas. La volatilité s’est calmée ces dernières semaines.

Dans une pharmacie, à quelques kilomètres de là, une septuagénaire hésite longuement devant son rayon habituel. Son stock mensuel de compléments alimentaires : une boîte ? Deux ? Elle finit par en prendre deux. Parce qu’à Maurice, ces produits de santé voient leurs prix grimper… sans explication claire.
Ce samedi, dans le Nord, un consommateur débourse Rs 200 pour un biryani au poulet, dégusté sur place. Le goût est là. Le service aussi. Mais le prix ? Franchement surprenant.

Trois scènes de vie, trois exemples du quotidien qui parlent d’eux-mêmes. La cherté de la vie pèse de plus en plus lourd sur les épaules des Mauriciens. Et trop souvent, aucune explication. Juste ce constat : soit on paie, soit on s’abstient. Et pourtant, l’inflation annoncée – 5,4 % en glissement annuel en juin, le plus élevé depuis février 2024 – reste inférieure aux hausses que subissent les consommateurs au fil des mois. De quoi semer la confusion… et la colère.

Tahir Wahab, expert-comptable et observateur économique, met les choses à plat : « Statistics Mauritius comptabilise et analyse le prix d’un panier limité de produits et services de base. Or, les habitudes du Mauricien ont changé. Le panier de la ménagère contient beaucoup de produits qui sont devenus des achats de base et non de luxe. Il est donc important que la catégorie de produits alimentaires et boissons non-alcoolisées soit élargie et englobe, par exemple, biscuits, sardines ou même du chocolat. »

Alors, pourquoi ces hausses constantes, notamment sur les produits dits « non essentiels » ? Tahir Wahab nuance : « Nous devons prendre en considération de multiples facteurs cachés : les frais à l’importation, le coût de distribution, la majoration venant d’autres prestataires de services, les taxes directes et indirectes, et la chèreté d’une main d’œuvre rare. De plus, l’importateur et le distributeur introduit une prime indexée sur l’incertitude. Un éventuel contrôle de prix équivaut à une baisse de sa profitabilité. En revoyant ses prix, il se prémunit contre la volatilité des prix sur le marché mondial. »

Et dans les assiettes ? Le Mauricien reste attaché aux produits frais, notamment aux légumes du terroir. Ces derniers poussent au gré du climat, tantôt capricieux, tantôt généreux. L’an dernier, la sécheresse a fait des ravages. Mais en juin 2025, les pluies ont été au rendez-vous. 147 millimètres enregistrés, selon Mauritius Meteorological Services, qui classe ce mois comme le neuvième mois de juin le plus pluvieux des 30 dernières années.

Ces pluies abondantes, en mai et juin, ont dopé la production agricole. Résultat ? Une baisse des prix sur les marchés. Statistics Mauritius l’indique dans son bulletin d’inflation du 7 juillet : le recul du prix des légumes a contribué à une baisse de 0,3 point de l’indice des prix à la consommation, et à une chute de 0,6 % dans la catégorie Food and non-alcoholic beverages.

Roshan Beegoo, 46 ans, planteur sur cinq arpents à Côte-d’Or et Hermitage, confirme : « 100 % ! Il suffit d’aller voir au National Wholesale Market de Belle-Rive. La semaine dernière, un demi-kilo de carottes se vendait à Rs 15. Le chouchou, boudé en hiver, est descendu sous la barre des Rs 5 le demi-kilo. Il y a une abondance de choux sur le marché, ce qui explique le prix abordable… »

Oui… à l’encan. Mais au détail ? C’est une autre histoire. Au téléphone, ce samedi, le planteur partage sa part de vérité, sans détour : « Le planteur a bon dos. Il est montré du doigt quand le prix est élevé au marché et dans les supermarchés. En période de sécheresse, la pénurie fait grimper les prix. En temps normal, il faudrait se poser des questions sur la marge de profits des revendeurs, Les planteurs en sont conscients. Mais il incombe aux autorités de veiller à ce que les prix soient abordables. Des cartels sont en place… »

Et au bout de la chaîne ? C’est toujours le consommateur qui trinque.

Évolution de l’inflation sur 18 mois

Mois (2024) Taux
Janvier 5,2 %
Février 6,2 %
Mars 4,9 %
Avril 3,4 %
Mai 2,9 %
Juin 2,2 %
Juillet 2,7 %
Aout 2,7 %
Septembre 3,1 %
Octobre 3,4 %
Novembre 3,4 %
Décembre 2,9 %
2025  
Janvier 1,9 %
Février 0,1 %
Mars 1,8 %
Avril 3,8 %
Mai 4,2 %
Juin 5,4 %

Mesures gouvernementales pour soulager les consommateurs

Montant : Rs 10 milliards
Contribution initiale : Rs 2 milliards (2025-2026)
Objectif : Compenser les importateurs en cas de hausses internationales
Impact : Limiter les hausses pour les consommateurs.

Riz
Lait
Pâtes
Céréales
Café
Aliments pour bébés
Légumes surgelés/en conserve
Objectif : Réduire directement les prix à la consommation.

Piloté par : High Level Committee
Source : Pays à bas coût (ex. Inde)
Objectif : Rendre les médicaments plus abordables.

Nombre de produits contrôlés : 30 (dont 10 récents)
Suivi : Surveillance du Market Markup
Sanctions : Amendes plus sévères pour non-respect de l’affichage des prix.

Projet : Stockage centralisé moderne

Objectifs :
Améliorer la concurrence
Stabiliser les prix
Approvisionnement direct (ex. huile, margarine)

Sonny Wong, COO d’Innodis : « Une baisse des prix semble peu probable »

Le métier d’importateur et de distributeur de produits de grande consommation (Fast-Moving Consumer Goods) devient de plus en plus difficile, fait ressortir Sonny Wong, le Chief Operating Officer d’Innodis, dont la division commerciale figure parmi les principaux acteurs du secteur. Il souligne que les marges restent sous pression, alors que les coûts opérationnels et financiers poursuivent leur ascension. Dans le même temps, la concentration des enseignes renforce leur pouvoir de négociation, rendant les conditions du marché plus difficiles pour les distributeurs. « C’est pourquoi il est important que chaque operateur reste aligné sur sa propre stratégie en fonction des catégories qu’il représente et de ses marchés-cibles. »

Plusieurs facteurs compliquent davantage l’équation : pénurie de main-d’œuvre, perturbations dans la chaîne d’approvisionnement maritime à l’échelle mondiale, ainsi qu’un accès limité aux devises, ce qui impacte le respect des engagements contractuels envers les fournisseurs internationaux, ajoute-t-il.
Quant à la volatilité des prix, elle découle d’un enchevêtrement de facteurs. Sonny Wong cite « (i) La dépréciation de la monnaie locale vis-à-vis des devises, (ii) Maurice reste exposée aux fluctuations dans le marché mondial, dont le pétrole, les céréales et les matières premières, (iii) les conflits et tensions géopolitiques, (iv) le changement climatique, et (v) la perturbation de fret maritime ».

Ainsi, selon lui, « une baisse des prix semble peu probable, à l’exception de certains produits saisonniers, même si certains produits pourraient connaître une certaine stabilisation des prix  ».

 

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