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Ces personnalités qui ont échappé à la justice

Plusieurs personnes ont été au centre d’affaires qui ont défrayé la chronique à Maurice. Mais fait singulier, elles n’ont pas été jugées. Qui sont-elles ? Nandanee Soonack, sir Harry Tirvengadum, Teeren Appasamy, Sabitree Sabapathee, Sténio Hervel et Jacques Issac Bénichou, entre autres.

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Me Germain Wong Yuen Kook.

Ces hommes et ces femmes, dont la plupart furent proches du pouvoir politique, ont fait couler beaucoup d’encre et ont un point en commun. Ils n’ont pas été jugés. Voici sept cas connus.

Certains ont été en cavale, d’autres malades et inaptes à faire face à un procès. Maurice dispose de traités d’extradition avec plusieurs pays, mais la procédure emprunte souvent une piste tortueuse.

Avant de formuler une demande d’extradition, il faut un mandat d’arrêt à Maurice contre la personne visée, comme c’est le cas pour Nandanee Soornack.

Pour l’avocat Germain Wong Yuen Kook, le mandat d’arrêt international est un abus de langage. Il précise que cela n’existe pas dans le champ juridique mauricien, car il relève de la souveraineté d’un État.

Selon lui, les tribunaux locaux ont juridiction sur leur territoire, à quelques exceptions près. Ainsi, ils ont le pouvoir d’émettre un mandat d’arrêt dont la validité s’étend au territoire mauricien uniquement.

« Si la personne est dans un pays étranger, il faut l’aide d’Interpol. Elle va être placée sur une liste rouge. Ce qui aidera à la localiser et l’arrêter. Ensuite, une demande d’extradition de la personne en question vers Maurice pourra être sousmise », explique l’avocat.

Pour qu’une demande d’extradition soit formulée, il faut d’abord que le délit commis figure sur la liste des infraction tombant sous le First Schedule de l’Extradition Act. Cette liste est assez longue et inclut, entre autres, les délits de meurtre, de viol, de vol, de blanchiment d’argent.

Deuxièmement, il faut que l’accusé soit dans un État du Commonwealth ou dans un pays avec lequel Maurice a un traité d’extradition.

«Une demande d’extradition est faite par le ministre des Affaires étrangères au représentant diplomatique ou consulaire ou au ministre du pays étranger où se trouve le suspect»

« Une demande d’extradition est faite par le ministre des Affaires étrangères au représentant diplomatique ou consulaire ou au ministre du pays étranger où se trouve le suspect », indique Me Germain Wong Yuen Kook.

L’avocat ajoute que le suspect sera localisé, arrêter et traduit en Cour dans le pays où il aura trouvé refuge. Le juge l’informera qu’il y a une demande d’extradition contre lui, afin de le rapatrier à Maurice pour qu’il y soit jugé pour les délits qu’on lui reproche.

« Le suspect peut alors contester la procédure d’extradition », souligne l’homme de loi. Me Germain Wong Yuen Kook précise que la demande d’extradition d’un suspect peut se faire plusieurs années après le délit, vu que l’instruction au pénal n’est pas prescrite par la loi.


 

Me Medaven Armoogum, Principal State Counsel : «Nous avons des traités d’extradition avec une trentaine de pays»

Avocat au bureau du Directeur des poursuites publiques, Me Medaven Armoogum revient sur la problématique entourant l’application et le champ d’action des mandats d’arrêt. Ils sont la première étape vers une demande d’extradition.

Pourquoi un mandat émis à Maurice ne peut-il être exécuté à l’étranger ?
La question relève de la souveraineté d’un État et du principe de la territorialité en droit.

L’État seul peut, par principe, exercer sa compétence sur son territoire. Tout acte d’un État étranger qui contraindrait un autre État sur son territoire est, du moins, en temps de paix, contraire aux principes d’indépendance et de souveraineté territoriale de cet État.

Un État est souverain. De ce fait, un mandat émis localement ne peut être exécuté sur un territoire étranger. De la même manière, un mandat émis dans une autre juridiction que la nôtre ne pourra être exécuté chez nous. Ainsi un mandat émis à Maurice ne peut être exécuté que sur le territoire mauricien, par respect de la souveraineté des autres États.

Dans quelle mesure peut-on extrader quelqu’un vers Maurice ?
Il faut tout d’abord savoir si le délit en question est également un délit dans le pays où se trouve la personne concernée. Si oui, il faut maintenant s’assurer que ce délit est passible d’extradition dans le pays en question.

Prenons par exemple la loi mauricienne sur l’extradition. L’Extradition Act définit l’Extradition Crime dans des termes précis. Elle fait une distinction entre les pays du Commonwealth et ceux qui n’en font pas partie. Dans le cas d’un pays du Commonwealth, il faut que le délit soit reconnu par le droit mauricien et qu’il soit punissable de plus de douze mois d’emprisonnement jusqu’à la peine capitale.

Si ce délit a été commis dans un pays autre qu’un pays du Commonwealth, on devra voir si les délits sont mentionnés dans le traité d’extradition avec ce pays.

On ne peut demander l’extradition pour n’importe quel délit. L’annexe première de la loi donne une liste des délits qu’on peut qualifier d’extradition crime. Ces crimes sont généralement considérés comme des crimes graves, notamment l’assassinat, le viol, un délit sous la loi antidrogue, etc.

Quand la personne est soupçonnée d’avoir commis un délit qui ne peut être qualifié comme un extradition crime, on peut toutefois avoir recours à la Mutual Assistance in Criminal and Related Matters Act. Selon l’article 3 (4) de cette loi, il peut y avoir une « informal assistance and continued informal assistance between Mauritius and any other State ».

«Un État est souverain. De ce fait, un mandat émis localement ne peut être exécuté sur un territoire étranger. De la même manière, un mandat émis dans une autre juridiction que la nôtre ne pourra être exécuté chez nous.»

La justice a souligné qu’il n’existe pas de mandat d’arrêt international dans nos lois. Ne peut-on pas introduire un tel concept dans nos lois pour éviter que des « suspects » dans des affaires importantes ne prennent la fuite pour se réfugier dans des pays avec lesquels Maurice n’a pas de traité d’extradition ?
Il faut déjà qu’on enlève le terme « mandat d’arrêt international » de notre vocabulaire. Comme je vous l’ai dit au début, ce terme n’existe pas en droit domestique et va à l’encontre des principes de territorialité et de souveraineté d’un État. De ce fait, l’introduction du « mandat d’arrêt international » en droit domestique paraît difficile.

On confond souvent le terme « mandat d’arrêt international » et la liste rouge d’Interpol. Il y a déjà une entraide internationale sur laquelle un État peut compter pour que les suspects lui soient remis même s’il n’y a pas de traité d’extradition. Avec la mondialisation, une infraction peut commencer dans un État et se poursuivre dans un autre  pour prendre fin dans un troisième État. Donc l’entraide paraît réaliste et justifiée pour les crimes transfrontaliers.

Par contre, la Cour pénale internationale a des compétences juridictionnelles qui dépassent certains principes de territorialité.

Avec quels pays Maurice a-t-il un traité d’extradition ?
Si on se base sur notre loi sur l’extradition, notamment l’article 3, nous pouvons déduire que nous avons, par un Order in Council, un traité avec certains pays avec lesquels le Royaume-Uni avait un traité entre 1870 et 1935.

Nous en avons hérité avant notre indépendance et cela n’a jamais été invalidé. La loi stipule clairement que ces traités ont été « extended to Mauritius ». D’ailleurs la jurisprudence est claire avec l’affaire Danche qui date de 2002.

Autant que nous le sachions, Maurice n’a signé aucun traité d’extradition après l’Indépendance. Nous avons des traités avec une trentaine de pays grâce à cet ordre. Il s’agit notamment de la France, de l’Allemagne, de la Belgique et de la Suisse. Cependant, certains pays ne permettent pas l’extradition de leurs citoyens.

Rétrospective d’affaires qui ont fait les choux gras de la presse locale

Nandanee Soornack

La femme d’affaires, amie de l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam, Nandanee Soornack, donne toujours du fil à retordre aux autorités mauriciennes. Celle qui a quitté Maurice le jour de la proclamation des résultats des dernières législatives le 11 décembre 2014 est soupçonnée de blanchiment d’argent et d’entente délictueuse. L’ex-patronne d’Airway Coffee a élu domicile en Italie.

Cependant, les autorités mauriciennes ne baissent pas les bras. En 2015, la police italienne avait exécuté le mandat d’arrêt international émis par la magistrate Adila Hamuth. Nandanee Soornack avait été placée sous résidence surveillée chez sa sœur dans le nord de l’Italie.

Le gouvernement mauricien avait dépêché des officiers en Italie pour soutenir une demande d’extradition de la femme d’affaires. La demande a été rejetée par la cour d’appel de Bologne. Depuis le gouvernement mauricien a fait appel de la décision et a essuyé un revers. Cependant, le mandat d’arrêt contre Nandanee Soornack a été étendu jusqu’au
3 avril 2017. Date à laquelle, le Directeur des poursuites publiques (DPP) fera connaître sa décision devant le tribunal de Port-Louis. 

Sir Harry Tirvengadum

L’ancien PDG d’Air Mauritius avait échappé à son procès en raison de son état de santé. Sir Harry Tirvengadum faisait l’objet de poursuites pour entente délictueuse et détournement de fonds dans l’affaire de la caisse noire d’Air Mauritius.

Son procès a été suspendu, à deux reprises. En effet, le premier procès avait été rayé, car l’ex-PDG de la compagnie nationale d’aviation avait été jugé inapte à faire face à un procès à cause de son état de santé.

Après une intervention à la radio, son procès est relancé en Cour intermédiaire. À l’appel du deuxième procès, un panel de médecins a conclu que la santé mentale et physique de sir Harry Tirvengadum ne lui permettait pas de faire face à un procès. La Cour intermédiaire n’a eu d’autre choix que d’abandonner les poursuites.

Me Yousouf Mohamed tient à préciser que le témoin Gérard Tyack « n’était pas crédible ». Et pour cause, Robert Rivalland qui a été trouvé coupable dans l’affaire de la caisse noire d’Air Mauritius a été acquitté en cour d’appel. « Du coup, cela aurait été également le cas pour sir Harry Tirvengadum », dit l’avocat.

Teeren Appasamy

Malgré les innombrables démarches effectuées par la commission anticorruption, l’homme d’affaires mauricien Teeren Appasamy n’a jamais pu être extradé de Londres pour répondre aux accusations retenues contre lui dans l’affaire MCB/NPF.

Soupçonné d’être le principal bénéficiaire de la fraude massive à la Mauritius Commercial Bank (MCB), Teeren Appasamy avait évoqué la maladie pour justifier son inaptitude à faire face à un procès. La présence de ce dernier avait été requise dans le nouveau procès contre l’ex-Chief Manager de la Mauritius Commercial Bank, Robert Lesage. Les hommes de loi avaient réclamé en vain sa présence jusqu’à tout récemment quand ils ont fait état qu’un ordre a pu être délivré au mandataire de Teerren Appasamy à Londres.

Sténio Hervel (Piou-Piou)

Le cas Sténio Hervel reste un mystère. Les circonstances de sa disparition demeurent toujours floues. Plus connu comme Piou-Piou, Sténio Hervel avait abattu trois personnes avant de disparaître dans la nature. Elles sont Cyril de Guardia, Raymond Desvaux et Ambicaduth Sooknundun. Le triple meurtre a été commis le 18 janvier 1986.

Piou-Piou aurait quitté le pays après avoir commis son forfait. Nul ne connaît sa destination. Treize ans après sa mystérieuse disparition, soit en janvier 1999, Piou-Piou est officiellement décrété « absent » du pays par la Cour suprême. Le juge Paul Lam Shang Leen ordonne alors au Registrar de l’état civil de l’inclure dans le registre des morts à l’état civil de Rose-Hill.

Sabitree Sabapathee

Sabitree Sabapathee, l’épouse de l’ex-Mr Mauritius, Rajen Sabapathee, demeure introuvable. Elle a pris le large vers la fin de 1996. Selon les recoupements, elle a quitté le pays à bord d’un yacht en compagnie de ses trois enfants pour se rendre à Madagascar, alors qu’elle était jugée pour des délits de drogue.

Elle a été attendue en vain lors de plusieurs procès. Et depuis, le gouvernement mauricien n’a pas eu de ses nouvelles.

Jacques Issac Bénichou

En juin 1994, la Cour levait l’ordre d’interdiction de quitter le pays retenu contre le ressortissant français, Jacques Issac Bénichou. À condition qu’il soit de retour à la fin du mois. Mais l’étranger ne reviendra jamais. Le ressortissant français était soupçonné d’être derrière l’écroulement de la compagnie Woventex en 1992.

Cette entreprise avait été incorporée à Maurice en 1987. Les participants à ce projet étaient Jacques Issac Bénichou, la Mauritius Commercial Bank, la Commonwealth Development Commission et la firme DEG d’Allemagne. Toutefois sa situation financière devait se détériorer et en octobre 1992 des administrateurs judiciaires sont nommés.

Ces derniers découvriront que le ressortissant français aurait dissimulé des profits de Rs 120 millions (sous la forme de pots-de-vin) des fournisseurs. Le 30 juin 1994, les avoirs de Jacques Issac Bénichou à Maurice sont gelés sur ordre de la justice. Les administrateurs judiciaires font état d’un déficit de Rs 750 millions et portent l’affaire en Cour des faillites.

 

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