Cedrick Jean Pierre, tiktokeur : « Les persécutions ont brisé ma jeunesse »

Persécutions, préjugés, bizutage, son albinisme a développé pendant longtemps une forme de colère en lui. Cedrick Jean Pierre, 26 ans, albinos et malvoyant, souhaite aujourd'hui donner une leçon de vie à ses détracteurs. Professeur de musique, DJ, auteur-compositeur et coach d'autodéfense, ses lives sont très suivis sur TikTok. Rencontre. 

Cedrick Jean Pierre est le seul membre de sa famille à être atteint d’albinisme. Il s’agit d’une maladie génétique caractérisée par une production insuffisante du pigment qui colore la peau, les yeux, les poils et les cheveux. Jadis, il pensait ne pas être né sous une bonne étoile. Mais, au fil du temps, il a su transformer sa faiblesse en force malgré le fait qu’il a eu un sérieux problème à l’âge de 2 ans. À cette époque, son père remarque qu’il ne voyait pas de l'œil gauche. « Les médecins ont découvert que j'avais une tumeur au cerveau qui affectait mon œil. J'ai dû subir une importante intervention en Afrique du Sud et l’on m'a mis une prothèse », raconte cet habitant de Mapou. C’est ainsi que ce dernier est devenu borgne et a grandi malvoyant. 

De plus, comme beaucoup d'enfants albinos, Cedrick Jean Pierre souffre de nystagmus, ce qui cause un mouvement rapide des yeux de gauche à droite, de haut en bas ou en cercle. « Je n'arrivais pas à me concentrer sur les lettres et j'ai échoué ma CPE deux fois », relate notre interlocuteur. Ne trouvant pas sa place dans le cursus scolaire traditionnel, ses parents l'envoient à l'école Lizie dan la main où il rattrape ses trois dernières années d'école primaire avant d'intégrer le Friendship Collège Boys à Goodlands en Form 1. « Je m'étais adapté à mon école précédente et ce changement a été brutal ». Un nouveau coup dur pour le garçon qui a fait face aux moqueries de ses camarades de classe. 

De nature introvertie, renfermée et timide, il a tout subi sans rechigner. « Après mon opération j'avais un bout de fer qui traversait ma tête ce qui causait une déformation. Certains m'appelaient latet traver, parmi tant d’autres sobriquets moqueurs. Je ne suis pas allé à l'école pendant des mois et mes parents ne le savaient pas. Je ne voulais plus être harcelé », ajoute le jeune homme. Soutenu par sa famille, il décide de reprendre le chemin de l'école. « Mais j'avais des migraines incessantes et j’ai fini par arrêter l'école en Form 3 », confie-t-il.

La musique, son rempart 

Puis en 2012, il trouve enfin sa voie et décide de suivre des cours de deejaying. Il décroche un certificat et commence alors à exercer dans des fêtes privées alors qu'il avait seulement 15 ans. Il découvre aussi son amour pour les sports de combat tels que la boxe ou encore le judo. « J'avais beaucoup de colère en moi, car j'ai eu l'impression que les persécutions avaient brisé ma jeunesse. Les sports de combat m'ont appris à canaliser cette colère et la discipline », raconte-t-il.

Il a aussi trouvé son refuge dans la musique et a appris seul à jouer de plusieurs instruments, piano, guitare et ravanne. Cette nouvelle passion donne un nouveau sens à sa vie. Depuis deux mois, il la partage avec les autres à travers des cours de musique qu’il donne bénévolement à l'école Lizie dan la main. « Je suis heureux de partager avec eux cette passion. J'ai envie de les aider à s'ouvrir à la musique », indique Cedrick Jean Pierre.

Ce dernier a aussi fondé le groupe Astithnayiyun qui signifie sortir de l'ordinaire. Il regroupe des malvoyants ayant divers talents dans le chant et la musique. « Auparavant j'étais timide, mais aujourd'hui je suis une autre personne. J'ai pris confiance en moi et je profite de chaque seconde de ma vie », lance-t-il.