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Cédric de Spéville, Chief Executive Officer, Eclosia : «Notre région sera résiliente si nos îles le sont»

Dans cet entretien, le CEO d’Eclosia passe en revue la performance financière du groupe. Cédric de Spéville fait l’historique de l’implantation d’Eclosia dans la Grande île. Cédric de Spéville met l’accent sur la stratégie à long terme de ses ambitions régionales.

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Eclosia est un groupe d’importance stratégique pour le pays et pour l’économie. Commençons par les chiffres.
Avant d’attaquer les chiffres, il est bon de rappeler qu’Eclosia est un groupe entrepreneurial qui est né à Maurice et qui a aujourd’hui des opérations à Madagascar, au Kenya, au Rwanda, en Afrique du Sud et aux Seychelles. Nous employons environ 5 500 collaborateurs et nous couvrons sept secteurs d’activité très diversifiés allant du Food à l’éducation, en passant par les hôtels, l’énergie et le recyclage. Pour l’année financière 2024-2025, l’ensemble du groupe a réalisé un chiffre d’affaires d’un peu plus de Rs 20 milliards, dont Rs 4 milliards proviennent de nos opérations régionales. Notre résultat opérationnel s’élève à environ Rs 2 milliards.

Le groupe a étendu sa présence dans la région. Quand tout cela a-t-il commencé ? 
Nos opérations régionales ont commencé modestement en 1994 à Madagascar. À l’époque, nous exportions déjà des poussins de manière régulière de Maurice et la question de l’implantation s’est donc logiquement posée. Nous sommes très heureux du parcours que nous avons eu depuis à Madagascar, avec une vraie intégration locale en partenariat avec les éleveurs malgaches. 

Pourquoi avoir choisi Madagascar ?
Grâce à la connectivité directe avec le pays, Madagascar s’est démarqué par sa proximité et par le potentiel de son marché. En 1994, il n’existait ni chaîne d’approvisionnement structurée, ni acteurs professionnels établis dans la filière avicole. On avait donc une vraie valeur ajoutée – exporter notre modèle tout en l’adaptant pour contribuer à l’économie locale.  

Notre objectif a toujours été, et reste encore aujourd’hui, de renforcer la sécurité alimentaire par la production locale. Construire une activité avec les citoyens du pays, pour les citoyens du pays ! Nous avons commencé à Maurice et nous poursuivons le même cheminement à Madagascar ainsi que dans d’autres pays de la région. Notre destin est intimement lié au destin du pays dans lequel on opère. 

Quand le premier projet a-t-il vraiment décollé ?
À Madagascar, notre première étape a été modeste avec la mise sur pied d’un couvoir pour remplacer l’exportation de poussins de Maurice par la production locale. Cette première étape nous a permis de commencer à professionnaliser le secteur de l’élevage, avec l’accompagnement de nos clients fermiers, la mise sur pied de formations dédiées en collaboration avec l’État malgache, l’accompagnement des éleveurs pour l’obtention de financement etc.

Les opérations ont vraiment décollé au début des années 2000, avec le lancement de LFL Madagascar (provenderie) car un aliment de qualité est essentiel pour le succès d’une filière d’élevage. 

Comment l’implantation du groupe à Madagascar a-t-elle évolué ces dernières années ?
Aujourd’hui, notre Groupe emploie directement environ 1 200 personnes à Madagascar. À cela s’ajoutent nos partenaires franchises Akoufre (boucheries de volaille) et Farmshop (distribution de poussins, aliment etc.), nos milliers d’éleveurs clients et nos agriculteurs partenaires que nous accompagnons au quotidien via LFL Agri – ils font tous partie de la chaîne de valeur. Notre présence a permis de professionnaliser le secteur de la production avicole, que ce soit en termes d’efficience ou de qualité sanitaire. 

Notre Groupe qui fonctionne - et je me répète - avec et pour Madagascar, a eu une présence continue depuis 1994, malgré les crises et autres défis que le pays a traversés depuis. L’actualité le rappelle encore : les manifestations actuelles nous poussent à prendre les précautions nécessaires pour protéger nos équipes et maintenir notre présence aux côtés des communautés locales. On y est pour le très long terme. 
Alors oui, je pense que nous pouvons parler de succès quand on voit l’impact que nous avons au quotidien via nos activités opérationnelles et nos projets RSE (lutte contre la déforestation et le gaspillage alimentaire, entre autres).

Dans le secteur de la production alimentaire, nous avons aussi lancé, en 2020, la production locale de yaourts Yoplait via Maurilait Madagascar et nous sommes très heureux de voir que cette belle marque fait déjà partie du quotidien de nombreux consommateurs. En 2020 aussi, nous avons implanté le premier restaurant KFC. Avant la fin d’année 2025, un troisième restaurant viendra s’ajouter aux deux déjà existants. 

Panagora Madagascar offre un service d’accès au marché, à la distribution et marketing pour nos marques ainsi qu’une belle gamme de produits importés… Et, last but not least, FTL assure pour de nombreux clients malgaches et internationaux, la gestion de flux logistiques parfois complexes aussi bien à l’import qu’à l’export. 

Quel est aujourd’hui le projet phare à Madagascar ?
Question difficile, car il peut y avoir de multiples réponses dépendant du point de vue selon lequel on se place - industriel, social….

Si on prend du recul et qu’on replace Madagascar au sein de la région océan Indien, le rôle légitime que le pays pourrait avoir serait d’assurer, du moins pour les céréales (maïs) et certaines protéines végétales (soja), la sécurité alimentaire de la région. Être le fameux « Grenier de l’océan Indien » dont on a tant parlé.

Mais pour que Madagascar devienne le Grenier « fournisseur » pour Maurice, La Réunion, les Seychelles, il faut que Madagascar puisse répondre d’abord à ses propres besoins. 

C’est pourquoi un des projets structurants, de notre point de vue, est l’organisation et la professionnalisation de l’amont des filières : la production de maïs. À travers LFL Agri, nous accompagnons des milliers d’agriculteurs sous différentes formes : amélioration des pratiques culturales, mécanisation, mise à disposition de financement et stockage localisé, mise à disposition de semences... Avec pour seuls objectifs l’amélioration des rendements et la rémunération des agriculteurs au juste prix.

Nous avons aussi mis sur pied un principe « d’offtake agreement » avec une formule de prix équitable pour intéresser les plus gros agriculteurs. 

Enfin, nous sommes membres de l’Interprofession Aviaire, qui fait des représentations aux autorités concernant d’éventuels ajustement aux politiques fiscales le long de la filière pour débloquer, de manière significative et au bénéfice de tous, le potentiel de production locale. 

Quel impact cela pourrait-il avoir sur la sécurité alimentaire de l’île et de la région ?
Si Madagascar devient ce « Grenier de l’océan Indien »,  ce sera évidemment une avancée majeure vers un système alimentaire régional plus résilient et mieux intégré localement.

Notre région ne peut être résiliente que si chacune de nos îles l’est aussi. En plus des efforts individuels, une véritable coopération régionale suppose une harmonisation des réglementations. Cela demande un dialogue public-privé, de la confiance et du temps pour identifier ensemble les bons leviers de collaboration, sans compromettre les spécificités, la souveraineté et la biosécurité de chaque île. Un chantier essentiel si nous voulons bâtir une sécurité alimentaire partagée et durable.

Quelles sont les perspectives pour les prochaines années ?
Dans chaque territoire où nous sommes présents, nous continuons d’identifier les besoins et trouver les partenaires adéquats pour construire les meilleures solutions dans nos domaines d’expertise.  
Après Madagascar, notre expansion s’est poursuivie en Afrique de l’Est. D’abord au Kenya où nous avons exporté des poussins reproducteurs avant de nous y implanter en 2019 avec la mise en place d’une ferme d’élevage et d’un couvoir de grands parentaux afin de fournir les éleveurs de l’Afrique de l’Est. Aujourd’hui, Avipro East Africa, c’est plus de 800 000 poussins parents par an.

Notre groupe se structure aussi au Rwanda. LFL qui y est présent depuis 2021, et Avipro s’y installé plus récemment. Nous avons mis sur pied une filière structurée - de l’alimentation animale à la distribution - en intégrant, tout au long de la chaîne de valeur, le maximum d’acteurs locaux comme nous l’avons fait à Madagascar. Toutes ces bases que nous posons signifient que nous aurons une activité régionale plus importante d’ici 2030.

Mais nous restons ancrés et continuons d’investir dans les capacités locales. Nous avons aussi des projets excitants et structurants pour l’île Maurice. Cela pourrait faire l’objet d’un prochain entretien.

 

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