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Café et confidences avec le leader du Party Malin 

Le Leader du Party Malin, Dharanjsingh Aubeeluck.

Lors de son rassemblement du 1er mai à Curepipe, Dhanrajsingh Aubeeluck, leader du Party Malin, a déclaré que cette année marquerait sa dernière participation aux élections législatives. Intrigués par cette annonce, Le Dimanche/L’Hebdo l’a rencontré pour en connaître les raisons, la veille de son arrestation.

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Sous une fine pluie à Curepipe, le lundi 6 mai, vers 10 h 30, nous attendons avec impatience l’arrivée de Dhanrajsingh Aubeeluck, le leader du Party Malin. Il nous a donné rendez-vous devant « enn magazin soulie ». Un peu plus tôt le matin, il nous a informés qu’il devait se rendre chez Courts pour régler une facture en retard. La raison ? Au lieu de s’acquitter de ses dettes, il a utilisé l’argent pour offrir nourriture et sachets de riz aux participants de son rassemblement du 1er mai à Curepipe. 

Comme il nous a également déclaré que son temps était précieux et qu’il devait faire des dons aux moins fortunés, nous l’appelons pour savoir s’il vient au rendez-vous. « Kont trwa sekonn, mo divan ou », nous dit-il. « 1,2,3... Vous n’êtes toujours pas là, Monsieur Malin », répondons-nous. 

En levant la tête, nous voyons un homme en costume avec son sac à la main courir vers nous. Essoufflé, il nous lance dans un rire : « Komie letan monn pran ? » Nous rions, tout en lui laissant le temps de reprendre son souffle. Le ton est donné pour notre entretien avec le leader du Party Malin.

« Mo premie kafe dan enn restoran »

Nous l’invitons à prendre un café avec nous. Il hésite à aller dans un Coffee Shop : « Madmwazel, mo fek bwar enn dite ek manz enn dipin dan bazar. Mo enn dimounn sinp, mwa. » 

« C’est nous qui invitons, Monsieur Malin, ne vous en faites pas », lui répliquons-nous. Finalement, il accepte et nous nous rendons aux Arcades Currimjee. 

Il va sans dire que lorsque nous marchons avec lui, ses fans le saluent à chaque coin de rue, et il s’arrête pour serrer la main de quelques-uns. Arrivés au Bistrot Barbu, le leader du Party Malin scrute les lieux et s’assure que nous avons de l’argent pour lui payer ce café. Nous éclatons de rire quand il nous dit avec un air « malin » : « Ou ena kas. Donn mwa enn tigit pou donn bann pov. » 

Nous nous installons. Assis dans le restaurant, Dhanrajsingh Aubeeluck ajuste son costume, histoire d’être impeccable pour cette rencontre avec Le Dimanche/L’Hebdo. Le gérant vient le saluer et après un brin de causette, le leader du Party Malin nous confie que c’est la première fois qu’il prend un café dans un restaurant. 

Entrons dans le vif du sujet. Pourquoi le leader du Party Malin se retire-t-il de la politique ? Sans détour, il nous fait savoir que son cœur devient de plus en plus fragile et que sa santé se détériore. « De plus, la politique m’a beaucoup endetté au cours de ces dernières années, c’est pourquoi j’ai décidé de me retirer après avoir participé à 18 ou 19 élections dans le pays », ajoute-t-il, sans en dire plus. 

Comme nous avons devant nous le célèbre leader du Party Malin, nous en profitons pour connaître l’humain derrière l’homme public, qui est populaire pour ses dialogues uniques et sa prononciation des mots tels que « Ile Moristhe », « Premier Ministhe », « Langousthe » lors de ses rassemblements politiques durant ces dernières années. Nous ne citerons pas d’autres de ses mots épiques car il nous a dit lors de notre rencontre : « Pa ekrir kont mwa. »

Le 16 juillet 2024, il aura 64 ans. Lorsque nous lui demandons où il habite, il nous donne son adresse complète : 11 A, Ebony Lane, Les Casernes, Curepipe. « Vous avez des enfants ? » demandons-nous. « Oui, j’en ai trois », dit-il, tout fier. Quant à sa vie amoureuse, il sourit et préfère ne pas nous donner plus de détails. Mais il laisse échapper que pour le rassemblement du 1er mai à Curepipe, qu’il a préparé depuis 4-5 mois, sa femme et lui se sont réveillés aux aurores pour faire frire « 250 dizef » qu’ils ont mis dans des pains avec des laitues pour les servir aux personnes venues écouter son « meeting ». Ce qui témoigne de la complicité et du soutien indéfectible de sa femme par rapport à sa carrière de politicien.

« Je ne dis que la vérité… »

Nous demandons au leader du Party Malin de nous raconter son enfance. Son visage devient subitement tout triste. Nous voyons des larmes perler dans ses yeux. Il tente de maîtriser ses émotions. Mais il finit par craquer et sort un mouchoir de sa poche pour essuyer ses larmes. 
Dhanrajsingh Aubeeluck relate qu’il a grandi à Les Casernes, Curepipe. Il est le quatrième d’une fratrie de six enfants. Son père était jardinier et sa mère élevait des animaux. Il ajoute qu’il n’a fait que la « First ». « Mademoiselle, je ne dis que la vérité », précise-t-il, tout en affirmant qu’il est un « enfant de Dieu » et qu’il prie « Saint Georges ».

Face à la misère, Dhanrajsingh Aubeeluck a arrêté l’école pour aider sa mère. Avec nostalgie, il relate qu’il lui avait dit : « Mama, mo pa pou al kolez. » Non scolarisé, il se réveillait aux petites heures chaque matin pour aller ramasser de la paille et couper de l’herbe pour nourrir leurs trois vaches. « Vous leur aviez donné des noms ? » souhaitons-nous savoir. « Non. Enn ti nwar, enn ti blan, enn ti maron », répond-il. « Laquelle était votre préférée ? » poursuivons-nous. « Maron-la », dit-il avec le sourire. Il semble content de ce retour dans le passé. 

Dhanrajsingh Aubeeluck se remémore le temps où il donnait le bain aux vaches et « grate lekiri ». Il tirait leur lait que sa mère et lui mettaient ensuite dans des chopines et bouteilles. Celles-ci en main, il faisait pieds nus le trajet de sa maison jusqu’à Robinson Street pour les vendre. « Sa lepok-la ti bien mizer. Mem sort mo ti pe mete pandan enn semenn ek pa ti ena kas pou aste soulie », dit-il. 

L’argent gagné chaque mois servait à acheter de la nourriture pour la famille. À cette époque, indique-t-il, il n’y avait ni « diber » ni « dipin ». Sa mère, déclare-t-il, faisait des « lithis ». « C’est quoi ? » lui demandons-nous. Dhanrajsingh Aubeeluck explique que ce sont des « faratas » sans huile. « Nou ti pe manz sa ek lamwatie enn bwat somon ki mama ti pe partaze ek tou so zanfan. Kan pa ti ena manze, nou ti pe al ramas dilo kanz kot dimounn kan zot ti pe vers diri. Saem ti nou repa aswar », se rappelle-t-il.

« Enn pouvwar pou efas lamizer » 

Lors de son enfance marquée par la misère, Dhanrajsingh Aubeeluck relate qu’il vivait dans une maison en paille avec sa famille et qu’il observait sa condition de vie. Enfant, il peinait à accepter cette réalité. Il confie que sur son lit fait de sacs « goni » remplis d’herbe, il priait tous les soirs en disant à Dieu : « Si li ti posib beni mwa pa plis ki sa pou arive a la oter dapre mo kapasite. » 

Et tous les jours, il travaillait très dur dans l’écurie et en allant couper de l’herbe, pour que Dieu prenne en compte ses sacrifices et le bénisse en lui donnant le « pouvoir » d’effacer la misère. 

« Mon plus grand chagrin, c’est la pauvreté », confie-t-il. Comment compte-t-il l’effacer ? « En donnant l’argent que je gagne à la sueur de mon front aux autres », répond-il avec sincérité.

À l’âge de 13-14 ans, « Madam Jean-Louis » lui a donné un emploi, notamment « rass manze lapin ». Il allait ainsi dans la forêt ou les bambous pour ramasser des lianes et autres pour nourrir les lapins de sa nouvelle patronne. « Je gagnais 25 sous à cette époque. » Il en gardait trois ou quatre, qu’il économisait pour sa famille en cas de besoin, et donnait le reste de l’argent à sa mère pour acheter à manger et envoyer ses frères et sœurs à l’école. « Après un an, Madame Jean-Louis m’a accordé une augmentation de 5 sous et j’ai continué à travailler jusqu’à ce que mon salaire atteigne 75 sous. »

Ensuite, Dhanrajsingh Aubeeluck raconte qu’il a eu un emploi comme vendeur dans un magasin appelé « Sincère », à Curepipe. Il touchait un salaire de Rs 50. Tout l’argent était remis à sa mère. « Je n’avais jamais d’argent en poche. Tout le temps, j’ai donné à ma mère. J’avais une grande responsabilité car il y avait trop de souffrance à la maison. Je n’avais ni amis ni vie de famille. Je travaillais tout le temps », indique-t-il.  

Pour ne pas dépenser cet argent, il marchait de sa maison au travail. « À 6 h 30, je partais pour le travail. » Comme il voulait conduire une voiture, il a alors décidé de se lancer dans la peinture des voitures. « Je suis allé apprendre le métier chez Adam Motors. » De préciser que c’est toutefois dans un autre garage qu’il a commencé ce métier. Quelle est la première voiture qu’il a peinte ? Il se rappelle fièrement que c’était une « Toyota Autovan kouler zon serin ». Il gagnait désormais Rs 1 200, qu’il donnait à sa mère, son soutien de tous les instants. 

Dhanrajsingh Aubeeluck nous confie qu’il travaillait aussi dans un champ pour planter des légumes. Dans un rire, il raconte qu’il se levait tôt le matin et que lorsque sa mère lui préparait des « lithis » et deux litres de « dite kler », lui se cachait pour griller une cigarette « Matelot ». Une fois son repas en main, il attachait « enn bout plastik » sur sa tête pour se protéger du temps pluvieux de Curepipe et enfilait ses bottes « kase » pour faire le trajet à pied, en passant par le cimetière de Bigara, et se rendre dans un champ agricole aux bords de Mare aux Vacoas, lieu où il plantait des pâtissons dans des fossés contre paiement de quelques roupies. 

« Ounn vinn aret mwa la »

Notre discussion est soudainement interrompue par un appel téléphonique… Dhanrajsingh Aubeeluck nous informe qu’il doit rentrer chez lui car un arpenteur est venu et qu’il doit absolument être présent pour régler un litige entre voisins concernant un terrain. Il nous propose de monter à bord de sa voiture et de finir l’entrevue chez lui. Nous le suivons. 

Dix minutes plus tard, nous sommes chez lui. Dans sa cour, il y a l’arpenteur, ses proches, des voisins curieux et... deux enquêteurs de police. Le Leader du Party Malin se dirige vers les officiers en cravate : « Ounn vinn aret mwa la ? » Ils échangent une brève conversation et Dhanrajsingh Aubeeluck revient tout « busy ». Il nous fait signe de patienter et les regards sont braqués sur nous. 

Les officiers de police l’embarquent dans une voiture pour son interrogatoire. À travers la vitre, le leader du Party Malin nous fait un sourire et nous dit : « Nou koze apre. » Cependant, il s’assure que nous regagnions le centre-ville avant son départ. 

Un de ses proches nous raccompagne. Nous lui demandons ce qu’il pense de ce qu’il vient de se passer. « Nous nous y attendions », dit-il.

Beaucoup de personnes se moquent du leader du Party Malin, comment le vit-il ? « Les gens pensent ce qu’ils veulent, mais c’est un homme qui a du courage et qui fait de la politique pour changer le destin de son pays d’après ses propres convictions. Nous l’admirons pour cela », répond-il, tout en affirmant que la priorité maintenant est de le sortir de cette impasse. 

« Mo tro boulverse la… »

En fin d’après-midi, nous recontactons le leader du Party Malin qui est retourné chez lui. Mais, il refuse de continuer la narration de son histoire et comment il a fini par devenir un homme public malgré une enfance marquée par la misère. « Mo trop boulverse-la. Pandan mo meeting, c’est la voix du peuple qui souffre et la colère kinn fer mwa dir bann kitsoz », avance-t-il. Nous comprenons ainsi qu’il a été interpellé par le Central Criminal Investigation Department dans le sillage de ses déclarations faites lors de son meeting du 1er mai à Curepipe, à l’encontre de Pravind Jugnauth et de Maneesh Gobin. Il lui est reproché d’avoir prononcé des propos diffamatoires à leur égard.

Le mardi 7 mai, le leader du Party Malin a été effectivement arrêté et traduit en cour de Curepipe. Il a fourni une caution de Rs 5 000 pour retrouver la liberté sous caution et a signé une reconnaissance de dette de Rs 15 000.

Son prochain « move » attendu

Au cours de notre rencontre avec le leader du Party Malin, il nous a fait comprendre que même s’il est devenu un homme public et qu’il s’est lancé dans la politique, il n’oublie pas la misère. Quant à son programme électoral pour sa dernière participation aux élections législatives, il indique qu’il le dévoilera lorsqu’il sera élu et prendra place au sein de l’hémicycle. Nous avons également essayé de savoir qui seront ses candidats, mais il nous a expliqué que « d’autres partis politiques ont volé ses candidats et maintenant, il doit revoir sa liste ». Donc, il nous faudra patienter pour savoir son prochain « move » sur l’échiquier politique.

 

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