Quand ce gouvernement a été élu il y a un an, le pays a recommencé à respirer. Après des années d’un climat politique asphyxié, marqué par la peur, les divisions et un enfermement identitaire, la victoire de l’Alliance du Changement avait ramené un souffle d’espoir.
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Depuis l’étranger, nous étions nombreux, Mauriciens de la diaspora, à ressentir cette brise nouvelle. Nous y avons vu la promesse d’un pays plus juste, plus transparent, plus humain. Un an plus tard, le souffle s’est transformé en apnée et l’attente se fait sentir.
L’air du renouveau ne peut pas se limiter à un changement de ton. Il doit devenir un changement de cap.
Parmi les promesses les plus cruciales figuraient une vraie réforme électorale avec au moins un tiers de femmes sur les listes, une loi transparente sur le financement des partis politiques, une loi anti-transfuges et le Freedom of Information Act. C’est cette réforme, plus que toute autre, qui incarne l’idée de rupture. Car toutes les dérives viennent de là : d’un système électoral figé, communautarisé et déconnecté du réel.
En septembre, le gouvernement a officiellement ouvert ce chantier. C’est un pas dans la bonne direction. Mais l’histoire mauricienne nous a appris la prudence : trop souvent, ces réformes s’ouvrent comme des débats et s’éteignent dans des discussions sans fin ni finalité.
Je vis aujourd’hui au Royaume-Uni et j’ai eu le droit de voter ici, alors même que je n’y habitais pas depuis un an. Et pourtant, je n’ai pas pu voter pour les élections de mon propre pays. Ce paradoxe, beaucoup de Mauriciens de la diaspora le vivent : on a le droit d’exister civiquement ailleurs, mais pas chez soi.
C’est une forme de silence imposé. Si la réforme électorale veut vraiment marquer une rupture, elle devra aussi poser la question du droit de vote des Mauriciens de l’étranger.
Une autre ombre plane : celle du repli identitaire. Un an après, les discours communautaires refont parfois surface. La vraie réforme ne sera pas seulement électorale ou économique, elle sera culturelle. La respiration démocratique ne peut pas cohabiter avec la crispation identitaire.
La justice économique est un autre pôle essentiel. Les prix montent plus vite que les salaires. Dans les foyers, ce n’est pas la politique qu’on commente d’abord, ce sont les prix. Le quotidien est devenu une équation impossible. Le pays respire peut-être politiquement, mais économiquement, il manque d’air. On ne construit pas la confiance sur un ventre vide.
Il y a aussi une autre réalité alarmante : les suicides chez les jeunes se multiplient. Le cyberharcèlement, les sextorsions et les violences en ligne brisent des vies, sans réponse institutionnelle adaptée. Les féminicides continuent d’endeuiller l’île, et la drogue ravage des quartiers entiers.
Ce ne sont pas des faits divers, mais une fracture sociale et morale. Quand les femmes ne sont plus en sécurité, quand la jeunesse est piégée entre désespoir et dépendance, la question n’est plus seulement politique : elle est humaine. Ce nouveau gouvernement doit écouter ces signaux qui crient fort et y répondre avec force.
Le Budget 2025-26 annonce la création d’un Diaspora and Global Advisory Council sous le Prime Minister’s Office, censé encourager la participation des Mauriciens de l’étranger au développement du pays. Pour la diaspora, le temps des sempiternels « Councils » est passé. Ce que nous attendons désormais, ce sont des mécanismes concrets : participation, consultation et intégration réelle dans la stratégie nationale. La diaspora demande à participer, à conseiller, à bâtir.
Car aimer Maurice de loin, c’est aussi vouloir la voir s’épanouir. Le pays ne manque pas de promesses, il manque de souffle collectif. C’est maintenant qu’il faut transformer les mots en actes, les réformes en réalités et l’espérance en engagement. La démocratie mauricienne n’a pas besoin de nouveaux slogans : elle a besoin d’un nouveau courage.
Mon départ…
J’ai quitté Maurice, poussée par un climat politique devenu trop lourd, chargé d’inégalités, de discriminations et d’un immobilisme étouffant. Dans un système où la réussite dépend encore trop souvent du nom que l’on porte, du milieu dont on vient ou du réseau auquel on appartient — et de son ethnicité — le mérite peine à trouver sa place. Le manque d’opportunités réelles a fini par creuser un fossé entre ce que nous pouvions être et ce que le pays nous permettait de devenir.
Partir, pour moi, n’a pas été un rejet, mais un acte de survie intellectuelle et morale. Il fallait respirer ailleurs pour retrouver la clarté d’esprit nécessaire à aimer Maurice sans s’y perdre. Et je compte bien revenir dans quelques années.
Djemmilah Mourade-Peerbux
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