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Arjoon Suddhoo, Chairman d’Air Mauritius : «Le départ de Megh Pillay était la seule solution»

Le président de la compagnie d’aviation nationale Arjoon Suddhoo et l’Officer-in-Charge Raja Buton font le point sur les raisons ayant mené au limogeage de Megh Pillay. Ils abordent le volet financier, dont un retour au paiement de dividendes aux actionnaires.

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Le contrat du Chief Executive Officer (CEO) a été résilié. Comment justifier cela ?
Arjoon Suddhoo (AS) : Air Mauritius est une compagnie d’aviation nationale. Et comme toute entité nationale, elle a la responsabilité de mettre en œuvre la vision du gouvernement, qui fait partie de la stratégie du transporteur. L’ex-CEO avait sa façon de voir, qui n’était pas nécessairement en phase avec l’orientation choisie par le Board et la vision du gouvernement. C’est malheureux mais c’est ainsi.

Sur quoi ces divergences portaient-elles ?
AS : La vision du gouvernement, avec le soutien du Bureau du Premier ministre, est de relier l’Asie et l’Afrique par Maurice. C’est un projet ambitieux, qui va au-delà d’Air Mauritius. Un aspect du projet a été de changer de hub. Sur ce point, peut-être, il y avait diverses interprétations. Il faut se rappeler que le couloir aérien est en deux parties : Asie-Maurice et Maurice-Afrique. Le différend concernait principalement l’axe Maurice-Afrique. Sur le continent, il y a des initiatives qui devaient être prises mais qui ne l’ont pas été.

Et la venue d’AirAsia ?
AS : L’arrivée d’AirAsia a été source de divergences entre l’ex-CEO et le Board. Certains pensent que cette compagnie aérienne fait de la concurrence à Air Mauritius. D’autres considèrent AirAsia comme une valeur ajoutée pour la destination mauricienne. Il fallait attendre pour voir comment s’ajuster.

Le différend entre le Board et Megh Pillay a quand même suscité de vives réactions au niveau des membres du conseil d’administration. Des actionnaires ont exprimé leur désaccord. Qu’avez-vous à dire sur la question ?
AS : Toutes les décisions prises au niveau du Board sont unanimes. À ce jour, il n’y a pas eu de divergences entre les membres. Le Board est très solidaire. Une orientation a été définie. […] À la réunion du jeudi 10 novembre, tous les directeurs — sauf un qui n’a pu faire le déplacement — ont répondu présent. La rencontre s’est déroulée dans la sérénité.

La mise à pied de Megh Pillay a provoqué tout un débat sur la bonne gouvernance. Tout s’est-il fait d’après les règles de la bonne gouvernance, selon vous ?
AS : Absolument. Il n’y a aucun doute là-dessus. La bonne gouvernance a été respectée, tenant compte des avis légaux sollicités sur la question. Toute compagnie, surtout celles listées à la Bourse de Maurice, dispose de ses Articles of Association. On doit respecter à 100 % chacun de ces articles. Air Mauritius le fait. From where I stand, from the legal advice given to Air Mauritius, we have operated in perfect respect of corporate governance.

Il est même question de doléances auprès des dirigeants politiques et du ministère des Finances. N’est-ce pas là un retour à la case départ ?
AS : Dev Manraj, secrétaire financier, est membre du conseil d’administration. Il répond au ministre des Finances. Automatiquement, le Grand argentier doit être au courant de ce qui se passe dans un Board où il est représenté. Mais nous donnons la garantie que toute décision que le conseil d’administration a prise l’a été en toute indépendance et autonomie.

Donc, c’était la meilleure décision à prendre dans l’intérêt d’Air Mauritius ?
AS : C’était la seule direction possible dans le meilleur intérêt de la compagnie, pour le pays, les actionnaires et le personnel. N’oubliez pas que c’est à la suite de la sueur, l’effort, la loyauté de quelque 2 800 employés que nous avons généré une telle profitabilité.

Qu’en sera-t-il du comité disciplinaire institué contre Mike Seetaramadoo ? Aura-t-il lieu ?
AS : Absolument. Le staff committee reprendra l’affaire, laquelle aura toute l’attention et la sévérité qu’elle mérite. Il n’y a aucune question là-dessus.

Des documents en circulation font état du fait que vous avez apposé votre signature sur une lettre confirmant Mike Seetaramadoo à son poste au lieu d’être sous contrat.
AS : Les conditions générales d’emploi de Mike Seetaramadoo quand il a rejoint la compagnie en janvier n’ont pas changé. Il perçoit le salaire de base. Il n’a jamais eu une quelconque hausse salariale. Jamais il n’a été fait employé permanent. Vous pouvez le vérifier auprès des ressources humaines.

Peut-on dire qu’il y aura des sanctions ?
AS : Il y a un comité disciplinaire qui se rencontre ce 19 novembre. Nous attendons les conclusions. Le staff committee prendra toutes les mesures nécessaires.

Raja  Buton : « Air Mauritius est dans un mode de croissance profitable. Elle a augmenté sa capacité de 5,4 % au second trimestre. »

Venons-en au volet financier. Les profits au deuxième trimestre se sont améliorés…
Raja Buton (RB) : Air Mauritius a réalisé des profits de Rs 546 millions pour cette période. Le cumul pour le premier semestre (avril à septembre) est de Rs 623 millions. Les coûts opérationnels ont chuté de quelque 4,2 % avec beaucoup de facteurs externes. Le hedging a bien diminué. Nous devons reconnaître qu’Air Mauritius est dans un mode de croissance profitable. Le transporteur a augmenté sa capacité de 5,4 % au second trimestre, mais le trafic a augmenté de 8,9 %. En matière de taux de remplissage, c’est un des niveaux des plus élevés pour la période, soit 83,7 %. Dans l’ensemble, nous avons atteint tous les objectifs qu’on s’était fixé pour le semestre.

Exception faite pour la recette unitaire – revenu par passager – qui est en baisse. Là encore, c’est dû à la concurrence qui devient plus féroce et soutenue. Nous avons fait pas mal de campagnes de promotion pour pouvoir remplir nos avions. Malgré tout, Air Mauritius a connu une hausse de revenus de 2,1 %.

La fluctuation des devises a-t-elle eu un impact sur le bilan financier ?
RB : Le bilan financier d’Air Mauritius est libellé en euros. Le yuan (monnaie chinoise) et la livre sterling se sont dépréciés vis-à-vis de l’euro. En soi, cela représente une baisse de neuf millions d’euros sur le taux de change.

Le contrat du hedging est arrivé à terme fin octobre. Est-ce que Air Mauritius continue avec le même processus ?
RB : De nouvelles procédures ont été mises en place concernant le hedging. Le risk committee nous mandate avec un certain prix. On prend des positions sur un an, avec une certaine proportion, qui est de l’ordre de 40 %. Cela nous donne suffisamment de levier. C’est beaucoup plus contrôlé. On rapporte au risk committee ce que nous avons accompli. Nous prenons ensuite un nouveau mandat. […] Aujourd’hui, c’est fait de manière plus structurée.

Les deux premiers trimestres de l’année financière d’Air Mauritius coïncident avec la basse saison. La compagnie a engrangé des bénéfices de Rs 623 millions. Logiquement, peut-on conclure que les bénéfices dépasseront la barre de Rs 1,2 milliard en 2016-2017 ?
RB : C’est prématuré de dire à ce stade qu’on dépassera cette barre. Nous restons concentrés sur les objectifs. Cela dit, en 2016 par exemple, nous avons beaucoup de compagnies charters qui ne desservent la destination que pendant la période de pointe. En tant que compagnie régulière, nous devons opérer tout le long de l’année. Nous utilisons cette période de pointe pour couvrir les pertes du premier trimestre.

Le personnel est assez divisé. Des groupes réclament le retour de Megh Pillay. Le personnel pourra-t-il atteindre les objectifs ?
RB : Des 2 800 employés, vous aurez quelques-uns qui ont des idées différentes. Sur la durée, Air Mauritius est passée par des moments très difficiles et a connu des moments de gloire. Au final, ce sont les employés qui la mènent vers des niveaux élevés.

Air Mauritius renouvelle sa flotte. Le premier Airbus A350-900 arrive dans moins d’un an. Comment se fera le montage financier ?
AS : Ce jeudi, le Board a pris connaissance des développements qui permettront de rajeunir la flotte. Nous aurons les nouveaux A350-900. Mais le management a fait des propositions très intéressantes. Dans les semaines à venir, on pourra annoncer un rajeunissement complet de la flotte, qui nous mettra dans la même ligue que les meilleures compagnies.

Le contrat avec Airbus sera-t-il revu ?
AS : La décision de se tourner vers Airbus a été prise il y a quatre ans ou cinq ans. La situation a évolué. Le monde n’est plus le même. C’est sur cela que le management est en train de travailler pour revoir les propositions faites, tenant compte de l’environnement où nous sommes aujourd’hui. Dans quelques mois, le management proposera des solutions qui seront dans l’intérêt d’Air Mauritius et du pays.

Quelle est la prochaine étape en ce qui concerne la direction ?
AS : La décision revient au Board. Le CEO et le Chairman sont des professionnels qui doivent travailler de concert. Malheureusement, il arrive qu’il y ait des divergences. C’est l’intérêt de la compagnie qui compte.

 

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