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Après une enquête de la Financial Crimes Commission : un rapport accablant sur la mauvaise gouvernance à la CWA

L’avocat Dev Ramano plaide pour une réforme juridique afin de renforcer la transparence et l’indépendance des corps parapublics. Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress, appelle à des sanctions contre les responsables des dérives à la CWA.

Sous le feu des critiques de la FCC, la CWA est accusée de faiblesse de gouvernance et de corruption systémique. Alors que le pays se prépare à une nouvelle sécheresse, la transparence dans la gestion de l’eau devient une urgence nationale.

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Le dernier rapport de la Financial Crimes Commission (FCC) dresse un constat sévère sur la gestion de la Central Water Authority (CWA). L’organisme, chargé de l’approvisionnement en eau potable de la population, est décrit comme vulnérable à une corruption systémique. Le document met en évidence des failles persistantes : procédures opaques dans l’octroi de contrats, contrôles internes insuffisants et risques récurrents de conflits d’intérêts. Selon la Commission, ces vulnérabilités ne sont pas de simples anomalies, mais traduisent un mode de fonctionnement où la transparence et la redevabilité sont insuffisamment assurées.

Au ministère, on soutient que depuis l’arrivée du nouveau régime, des efforts sont déployés pour réduire les mauvaises pratiques. On évoque une politique de bonne gouvernance axée sur une plus grande transparence dans la passation des marchés, la création de mécanismes de contrôle renforcés et la mise en place d’outils permettant un meilleur suivi public des projets. Cette volonté, dit-on, vise à restaurer la confiance et à garantir que les fonds destinés au développement de nouvelles infrastructures hydriques soient utilisés de manière optimale. 

Dev Ramano, avocat et militant engagé, dénonce, lui, la politisation des nominations et son impact sur l’indépendance des organes de contrôle. « Ce rapport n’est pas seulement accablant, il note un problème systémique qui entraîne une crise de confiance dans nos institutions. Le rapport fait état de manquements et d’inexactitudes, notamment dans les exercices d’appels d’offres. Pire, on constate une mauvaise gestion qui laisse à désirer. Les variations de contrats, les changements de délais et le manque de transparence impactent le citoyen, sans oublier une corruption persistante au sein de l’institution », indique-t-il.

L’homme de loi souligne les lacunes du cadre légal actuel. Selon lui, les comités de passation de marchés manquent d’indépendance et les sanctions, lorsqu’elles existent, sont trop lentes ou inefficaces pour dissuader les abus. Il estime qu’une réforme juridique profonde est nécessaire pour assurer la transparence et rompre avec une culture de tolérance envers les manquements. « Il faut éliminer la relation incestueuse qui existe entre les protégés du pouvoir et ceux au pouvoir dans l’allocation des contrats », dit-il.

Pour Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress (MLC), il ne suffit pas de constater les dérives : il faut également identifier clairement les responsables et les sanctionner. 

Le syndicaliste appelle également à un renforcement des contrôles institutionnels. Il plaide pour une implication accrue du bureau de l’Audit et pour que la police ouvre des enquêtes pouvant mener à des poursuites judiciaires contre les personnes concernées. Il insiste aussi sur la nécessité de revoir le rôle et le fonctionnement du Tender Committee, en garantissant plus de transparence et de contre-expertise avant la signature des contrats et le déblocage des paiements.

« Les projets publics engagent l’argent des contribuables. Il faut donc des conditions strictes et un suivi rigoureux pour protéger l’intérêt général », conclut-il.

Face à la sécheresse

La question de la gouvernance devient d’autant plus cruciale que le pays s’apprête à traverser une nouvelle période de sécheresse. Les prévisions météorologiques annoncent une saison plus rigoureuse que l’an dernier, ce qui fait peser une pression supplémentaire sur la CWA. Avec l’été qui approche et la saison sèche, le ministère de l’Énergie et des utilités publiques a déjà développé une stratégie pour éviter les coupures et les risques de panne au niveau des pompes.

« La CWA mise sur sa stratégie de forage afin que le réseau de distribution ne soit pas affecté. Nous mettons en place des mesures pour ne pas mettre de pression sur nos réservoirs. Il y a aussi l’installation de Containerised Pressure Filter Plants, comme c’est le cas pour Beaux-Songes », explique un représentant du ministère.

Au regard du rapport de la FCC et des défis climatiques, la réforme de la CWA apparaît comme un test décisif pour l’État. Comme le rappelle Dev Ramano, « sans une rupture claire avec les pratiques du passé, la CWA restera prisonnière d’un système qui dilue les responsabilités. Et dans un pays menacé par la sécheresse, la corruption dans la gestion de l’eau n’est pas seulement une question de mauvaise gouvernance : c’est une menace directe pour chaque citoyen. »

Réservoirs : le taux de remplissage autour 90 % en 2025

Les chiffres au 30 septembre confirment une amélioration sensible du stock d’eau dans les réservoirs du pays. En un an, le taux agrégé de remplissage est passé de 66,4 % en 2024 à 90 % en 2025, soit une progression de près d’un quart. Cette évolution traduit une situation hydrique globalement plus favorable à l’approche de la saison sèche.

Tous les barrages affichent des gains par rapport à l’an dernier. Midlands enregistre l’une des meilleures progressions, passant de 68,6 % à 96,2 %, tout comme La Ferme, qui remonte de 46 % à 73,5 %. La Nicolière connaît elle aussi une amélioration importante, de 49 % à 74,1 %, un signal rassurant pour le Nord. Piton du Milieu gagne plus de vingt points, atteignant 88,3 %, tandis que Mare Longue s’approche du plein avec 94,9 %.

Mare aux Vacoas, le plus grand réservoir du pays, progresse également de 69,4 % à 90,1 %, franchissant ainsi le seuil critique qui garantit une meilleure sécurité d’approvisionnement pour les hautes Plaines-Wilhems et la capitale. Quant à Bagatelle, il atteint 95,7 %, confirmant son rôle d’appoint dans le système national.

Dans l’ensemble, la tendance est claire : 2025 affiche des réserves nettement mieux garnies qu’en 2024. Cette situation réduit le risque de pénurie immédiate et offre une marge de manœuvre supplémentaire pour la gestion de l’eau dans les mois à venir.

Recommandations de la FCC

La FCC recommande une série de réformes à la CWA pour restaurer la confiance. Parmi les mesures préconisées figure le renforcement des audits indépendants et réguliers sur les projets en cours. La Commission insiste également sur la nécessité d’une transparence accrue, en rendant publics les appels d’offres, les adjudications et l’exécution des projets financés par des fonds publics. Le rapport propose en outre de standardiser les procédures afin que chaque marché soit attribué selon des règles claires et uniformes, réduisant ainsi les zones de vulnérabilité.

Un accent particulier est mis sur la redevabilité des gestionnaires. Les responsables de projets devront rendre compte de leurs décisions et des dépenses engagées, sous peine de sanctions. La FCC plaide pour des mesures disciplinaires et pénales rapides contre toute personne reconnue coupable de mauvaise gestion ou de corruption.

Le rapport recommande également de revoir le fonctionnement du Tender Committee afin de garantir son indépendance et d’imposer des évaluations strictes des contracteurs avant toute adjudication.

Pour la Commission, seule une combinaison de transparence, de contrôle renforcé et de sanctions crédibles permettra de rompre avec un cycle de vulnérabilités qui menace directement la sécurité hydrique nationale.

 

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