Cueille le jour et ne crois pas au lendemain. C’est la devise (carpe diem) qu’on peut accoler au budget de 2018-2019. Dès le premier budget de Pravind Jugnauth en 2016, l’heure était à la dépense. Maintenant il fait entrer le pays dans une folie de dépenses préélectorales. Le message du grand argentier est clair : consommez et endettez-vous, et ne vous souciez pas de votre avenir.
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En consacrant très peu de mesures concrètes à la production, à l’exportation et à l’investissement privé, le ministre des Finances montre qu’il est un partisan de la consommation et de l’État dépensier. Ses références au sens de la rigueur (sacrifices, efforts, discipline et responsabilité) faites au meeting du 1er mai n’étaient que de belles paroles en l’air. C’est un des rares budgets où les grands secteurs économiques comme le sucre, la manufacture, le tourisme et les services financiers non bancaires sont négligés. C’est de l’inconscience pure et simple dans un contexte mondial marqué par le Brexit, la concurrence asiatique et la montée des taux d’intérêt. Croire que la relance économique est essentiellement d’ordre interne relève d’un esprit typiquement keynésien, que prône d’ailleurs les conseillers économiques du Premier ministre.
Il faut vraiment manquer d’imagination en matière de mesures économiques pour avoir recours à cette ultime arme fiscale qui est de réduire l’impôt sur le revenu au taux de 10% pour la classe moyenne. Ces contribuables, il est vrai, peuvent stimuler le moteur de la consommation. Mais le discours budgétaire, totalement silencieux sur l’épargne, aurait pu quand même encourager les bénéficiaires de cette manne fiscale à épargner une partie du surplus de revenu disponible. Eh bien non, ils doivent tout dépenser, quitte à alimenter l’inflation et à creuser le déficit commercial. Ironiquement, les ennemis de l’impôt plat doivent se mordre les doigts, eux qui espéraient que la progressivité serait au-delà, et non en-deçà, du taux de 15%. Plus libéral que ça, tu meurs !
Outre d’inviter les gens à consommer davantage, le grand argentier les incite à s’endetter en rendant le crédit facile. Désormais, tant les particuliers que les entreprises auront la possibilité d’avoir un financement bancaire à 100% de la valeur de leur projet, comme si la limite de 90% était trop restrictive ! Qu’en est-il donc des règles macroprudentielles de la Banque de Maurice ? Alors que le FMI recommande une meilleure gestion des risques bancaires, on accroît l’aléa moral dans notre secteur bancaire avec le risque d’accumulation de créances douteuses. Si un gouvernement impose de cette façon sa politique inflationniste à la banque centrale, c’est qu’il peut tout lui dicter au mépris de l’indépendance de celle-ci. La culture du surendettement est définitivement bien ancrée dans notre société de consommation, et la bulle de crédit qui se forme éclatera lorsque les banques seront obligées d’augmenter leurs taux d’intérêt.
Il faut dire que le gouvernement donne le mauvais exemple aux emprunteurs. Il prétend promouvoir des « sound public finances », mais ne fait aucun effort pour réduire la dette du secteur public. Les chiffres du ministère des finances en disent long sur le non-respect des engagements pris. D’abord, l’objectif fixé de la dette pour l’année 2017-2018 n’a pas été atteint. Ensuite, une hausse de Rs 21 milliards est attendue pour l’année 2018-2019. Puis, la dette du secteur public restera au niveau des 63% du produit intérieur brut (PIB) comme en 2017-2018. Et encore que de très gros emprunts garantis par le gouvernement (pour la SBM et Mauritius Telecom) ne soient pas comptabilisés comme dette de l’Etat. Enfin, si l’on exclut les entreprises publiques, la part du service de la dette gouvernementale dans les dépenses publiques passera de 9,4% en 2017-2018 à 11,9% en 2020-2021. Le montant remboursé (Rs 16,7 milliards) dépassera alors de Rs 3 milliards le budget de la santé ! Comme quoi même l’Etat-providence sera une victime du piège de l’endettement.
Le pays est bien entré dans une spirale de la dette, ce que traduit l’incapacité du gouvernement à baisser en poids absolu et relatif le déficit budgétaire. Ce dernier augmentera de Rs 900 millions à Rs 16,3 milliards en 2018-2019 et demeurera à 3,2% du PIB comme en 2017-2018. Ici aussi, aucun effort pour faire baisser le taux. De surcroît, il faut tenir compte des dons étrangers (Rs 9 milliards) et des transferts des fonds spéciaux (Rs 1,6 milliard). Sans ces revenus exceptionnels, le déficit budgétaire aurait été de 5,3% du PIB ! Qu’arrivera-t-il à notre politique de fiscalité ultra légère en l’absence de dons ? Après 50 ans d’indépendance, l’île Maurice devient totalement dépendante des gouvernements étrangers pour équilibrer son budget national. Quelle honte !
Le ministère des Finances n’applique pas à lui-même ce qu’il professe. Dans son 2018-19 Budget Circular, il écrit que « this Ministry will give greater weight in containing recurrent expenditure ». Or les dépenses courantes seront de Rs 9,3 milliards de plus en 2018-2019 qu’en 2017-2018, soit une hausse de 8,7%, deux fois et demie le taux d’inflation.
La circulaire mentionne aussi « the golden rule in public finance, that is, borrowing only to finance investment expenditure ». Cette règle est bafouée, puisque les besoins de financement du gouvernement pour l’année 2018-2019 seront de Rs 24,8 milliards contre des dépenses d’investissement de Rs 17,9 milliards. Le gouvernement emprunte pour financer des dépenses courantes. Et même si le paiement des intérêts est exclu, il accusera un déficit primaire.
Si ce budget, à fort relent électoraliste, n’est pas le dernier de la présente législature, on n’ose pas imaginer pour l’économie ce que sera l’ultime budget.
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