Si ces annonces salariales permettraient d’améliorer le pouvoir d’achat des employés, elles ne seraient pas sans conséquences pour les employeurs et d’un point de vue plus large sur le marché du travail et sur l’économie du pays. L’économiste Amit Bakhirta décrypte l’impact de ces mesures.
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Les implications pour…
…les employés
« Avec la perte du pouvoir d’achat au fil de ces cinq/six/sept dernières années, ces mesures permettront aux employés d’ajuster leur pouvoir d’achat. C’est une bonne initiative dans ce sens. Par contre, cette hausse des salaires peut contraindre les entreprises en difficulté à réduire leurs effectifs. C’est donc un risque pour l’employé. Il faut dire qu’avec la perte de leur compétitivité face à la dévaluation de la roupie, ce ne sont pas toutes les entreprises qui pourront absorber ces nouveaux coûts dans le court terme. S’il y avait des consultations pour qu’on applique ces mesures dans un délai de six à 12 mois, les entreprises auraient été plus à même de planifier et de faire des provisions pour le paiement. Or, avec l’effet rétroactif de ces mesures, on encourt le risque de licenciement. »
…les employeurs
« Avec la dévaluation de l’argent qui a baissé la compétitivité et la productivité des entreprises, bon nombre d’entre elles trouveront ces mesures assez lourdes. Leurs marges et leurs profitabilités vont être affectées surtout qu’il est question d’un rehaussement du seuil de tous les salaires et que les entreprises font aussi face à une hausse de la fiscalité avec l’introduction du Corporate Climate Responsibility Levy. De même, ces mesures auront un effet multiplicateur sur les taxes, sur la CSG, le PRGF, entre autres. Par ailleurs, avec la hausse de 5 % dans la fonction publique, on alourdit les dépenses publiques. »
…sur le marché du travail
« Sur le court terme, on vient démotiver les nouveaux recrutements. Les entreprises vont mettre en veilleuse leurs plans de recrutement. De même, il est probable que le chômage croît par 0,5 % à 0,75 %. Plusieurs études ont démontré que quand le niveau des salaires augmente, le taux de chômage a tendance à être plus élevé dans le court terme. Surtout que nous sommes dans un contexte où la croissance dans le pays est en train de se normaliser. »
…sur la productivité
« La productivité est en baisse depuis ces cinq/dix dernières années. Avec le même nombre de ressources, on est en train de produire pareillement. À titre d’exemple, si j’ai quatre employés qui produisent 10 pains hier et avant-hier, ces mêmes employés produisent toujours 10 pains aujourd’hui et demain, sauf que je dois leur payer plus. On ne peut pas parler ici de hausse de la productivité. Cela aurait été le cas si ces quatre employés produisaient 11 ou 12 pains au lieu de 10. »
…sur l’économie
« Ces augmentations arrivent à un moment où le timing n’est pas forcément idéal. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’après une période de reprise, la croissance commence à se normaliser. La Réserve fédérale est, d’ailleurs, en train de songer à baisser les taux d’intérêt car le coût de financement est très fort pour les entreprises et parce que le marché du travail commence à se ramollir. Je suis positif quand je dis que la croissance à Maurice va se normaliser car il se peut qu’elle se ramollisse plus. Ces augmentations de salaires sans hausse de productivité viennent mettre plus de pression. Pour résumer, il était important d’avoir ces ajustements en raison de l’importante perte du pouvoir d’achat. Par contre, le timing n’est pas idéal car la croissance est en train de s’affaiblir. Une mesure pareille aurait dû être implémentée trois ans de cela, quand la reprise était beaucoup plus importante. »
…sur l’inflation
« Il est clair qu’il y aura une poussée de l’inflation générée domestiquement. Qui dit hausse du niveau de salaires dans l’économie dans le court terme, dit un environnement inflationniste beaucoup plus aigu. »
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