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Amendements de l’IBA Act : vers le durcissement de l’arsenal légal contre les radios privées

Les mesures prévues sont répressives et contraignantes.

Ce mardi, l’Independent Broadcasting Authority (Amendment) Bill sera introduit en première lecture à l’Assemblée nationale par le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Au menu, un renforcement de l’arsenal répressif contre les détenteurs de licence, dont les radios privées, l’introduction de « pénalités administratives », une forte réduction de la durée de la validité d’une licence, entre autres.

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Personne ne l’avait vu venir. Cela, car aucune consultation n’a eu lieu au préalable. Ce mardi, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, introduira au Parlement, en première lecture, l’Independent Broadcasting Authority (Amendment) Bill, qui comporte, entre autres, une série d’amendements visant les détenteurs de licence émise par l’IBA. Voici les principales propositions :

La durée de la licence passe de trois à un an

La section 22(1)(a) de l’IBA Act stipule que la licence pour la diffusion radio est valide pour une durée de trois ans. Les amendements proposent de la ramener à seulement un an. Par contre, la licence télé reste valide pour une durée de cinq ans. 

Il est aussi proposé d’ajouter de nouvelles sous-sections à la section 22. Ainsi, un détenteur de licence ne faisant pas de demande formelle de renouvellement 90 jours avant la date d’expiration de celle-ci « shall be deemed to have waived his right to renew his licence ». 

L’IBA se réservera aussi le droit de prendre en considération toute sanction qu’elle aura imposée sur un opérateur, au moment de décider si elle renouvellera la licence ou pas. Et cela, même si le détenteur de licence a fait appel de la sanction en cour et est en attente d’un jugement. 

L’autorité prendra également en compte, « the past conduct of a licensee prior to determining whether or not to renew a licence ».

Introduction de sanctions administratives

Si le texte de loi est voté, l’IBA pourra imposer des pénalités administratives sur les opérateurs qui auront « refrain from complying or negligently failed to comply, with the Act or Regulations made under the Act, Codes, any direction of the Authority or any conditions of his licence ». Pour ce qui est du montant de la pénalité administrative, l’IBA sera libre de le déterminer. Cela, en considérant la gravité du cas. Le quantum ne peut, cependant, pas dépasser les Rs 500 000.

Un autre amendement permet au directeur de l’IBA de référer un dossier à l’IBA pour une pénalité administrative. Cela, s’il « a des raisons de croire » qu’un détenteur de licence a agi contre les lois de Maurice, a commis un crime financier, n’est pas une « fit and proper person » ou ne respecte plus une condition de l’IBA Act. Le directeur peut aussi référer toute complainte du public à l’autorité pour l’imposition d’une pénalité administrative. 

Tout ceci n’enlève toutefois pas la possibilité de révoquer ou de suspendre la licence d’un opérateur. Ce dernier peut donc être sujet à une pénalité administrative et aussi une suspension ou révocation de sa licence.

Si un individu se sent lésé par une diffusion, il peut faire une plainte par écrit dans un délai de 30 jours. Ce sera alors à l’IBA de décider s’il faut imposer des sanctions ou pas. L’opérateur visé pourra faire appel en écrit dans un délai de 21 jours, et ce sera à l’autorité de décider de maintenir ou pas la sanction. Le Complaints Committee, qui examinait les complaintes du public, et le Standards Committee disparaissent.

Enter l’Independent Broadcasting Review Panel

Celui qui se sent lésé par une décision de l’IBA peut faire appel auprès de l’Independent Broadcasting Review Panel. Cette instance sera composée d’un avocat ayant plus de cinq ans d’expérience, et de deux assesseurs ayant une « grande expérience dans le domaine de la politique de diffusion et des questions médiatiques ». Ils seront nommés par le Premier ministre. 

Les amendements précisent, cependant, que dans l’exercice de ses fonctions, « le panel ne sera pas sujet à la direction ou au contrôle de toute autre personne ou autorité ». À noter que le président du panel pourra être révoqué par le Premier ministre en cas de « breach of trust, misconduct or default in the discharge of his duties ».

Pénalités revues à la hausse

Toute personne ou détenteur de licence jugé coupable devant un tribunal d’une infraction à l’IBA Act sera passible d’une amende n’excédant pas les Rs 500 000 et un emprisonnement de cinq ans maximum. Actuellement, les sanctions sont plafonnées à Rs 100 000, avec une peine de prison ne dépassant pas les deux ans.

Réactions des opérateurs

  • Ehshan Kodarbux, Executive Chairman de Radio Plus : « Je déplore que tout ceci est, encore une fois, une fois de trop, décidé sans consultations préalables avec les stakeholders. C’est de la dictature primaire. Mais c’est, paraît-il, la version ‘good governance’ de l’IBA et consorts. J’y reviendrai après des consultations avec mes hommes de loi. »
  • Nicolas Adelson, Managing Director de Viva Voce Ltée : « À Radio One, on étudie ce qu’ils proposent. Nous réagirons en temps et lieu, car nous venons de prendre connaissance des amendements. »
  • Balkrishna Kaunhye, Chief Executive Officer de Top FM : « Nous ne pouvons commenter pour le moment, car nous venons de recevoir ces amendements. Mais, en grandes lignes, les intentions sont claires. Nous verrons éventuellement ce que diront nos hommes de loi. »

Ashok Radhakissoon : « Un mauvais signal pour la liberté d’expression »

ashokAppelé à réagir aux amendements à l’Independent Broadcasting Authority (IBA) Act que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, compte introduire en première lecture au Parlement, mardi, Me Ashok Radhakissoon, ancien président de l’IBA, mais aussi de l’Independent Communication & Technologies Authority (ICTA), se montre très critique. 

« Je suis très inquiet pour le secteur et son avenir. Avec ces amendements, on lance un mauvais signal pour la liberté d’expression et à ceux qui veulent monter des projets dans l’audiovisuel », avance-t-il.

Me Radhakissoon a le sentiment que le rôle de l’IBA se résume à mettre la pression sur les détenteurs de licence, dont font partie les radios privées. « La Freedom of Information Act, on n’en entend pas parler. On ne donne pas la liberté aux journalistes d’aller vers la matière première, qui est l’information. On a l’impression que c’est un régulateur qui pénalise et qui complique le travail des opérateurs, au lieu d’agir comme facilitateur. Le regard que porte le régulateur sur les opérateurs donne raison à ces derniers d’avoir des craintes », soutient-il.

L’ancien président de l’IBA déplore aussi que « le régulateur vient changer les règles du jeu ». « Cela, sans même consulter ni le public ni les auditeurs. C’est le quatrième amendement à l’IBA Act. Ce n’est pourtant pas une petite loi, car elle touche directement la démocratie et la liberté d’expression, depuis 2015. Nous sommes confrontés à un régulateur omniprésent et surpuissant, qui n’en fait qu’à sa guise. La régulation se fait au petit bonheur et on ne comprend pas où l’IBA veut en venir », dit-il.

Parmi les amendements qui l’inquiètent au plus haut point, l’introduction de pénalités administratives que l’ICTA peut imposer aux opérateurs, les amendes qui augmentent de Rs 100 000 à Rs 500 000 et les peines de prison qui passent de deux ans à cinq ans maximum, la durée des licences qui est réduite de trois ans à un an. « Plusieurs amendements me tracassent. Si j’étais un opérateur qui doit renouveler sa licence prochainement, je serais inquiet. Cela, car ces amendements changent les règles du jeu. Je me demande si demain quelqu’un sera encore intéressé à investir dans ce secteur, qui est verrouillé et cadenassé », conclut Ashok Radhakissoon.

 

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