Le Parlement pakistanais a adopté jeudi une réforme constitutionnelle controversée qui accorde au président et à l'actuel chef de l'armée l'immunité à vie contre toute poursuite judiciaire, dénoncée par l'opposition comme le "coup de grâce porté à la démocratie".
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Ce 27e amendement constitutionnel, adopté à la majorité des deux tiers de l'Assemblée nationale puis au Sénat, élargit aussi les pouvoirs du chef de l'armée pakistanaise et limite le rôle et l'indépendance de la plus haute Cour de justice du pays.
Considérée comme l'institution la plus puissante du Pakistan, l'armée a dirigé le pays pendant près de la moitié de son histoire depuis son indépendance en 1947. Elle est systématiquement accusée d'interférer en politique, même si elle s'en défend.
Le texte, qui doit désormais être signé par le président pour entrer en application, prévoit la création d'une nouvelle fonction de "chef des forces de Défense" attribuée au chef d'état-major de l'armée Asim Munir qui le plaçera au-dessus des chefs d'état-major de la marine et de l'armée de l'air.
Il indique que tous les militaires promus au rang de "maréchal", comme l'a été Asim Munir en mai à la suite d'un conflit éclair entre le Pakistan et l'Inde, pourront désormais conserver leur grade et privilèges à vie et bénéficier d'une immunité contre toute poursuite judiciaire.
La président, aujourd'hui Asif Ali Zardari, accusé de plusieurs affaires de corruption, se voit également accorder une immunité à vie à moins qu'il n'occupe une autre fonction publique.
"Détruire l'indépendance de la justice"
L'amendement crée aussi une Cour constitutionnelle fédérale qui sera désormais la seule à pouvoir se saisir des affaires constitutionnelles, dépouillant la Cour suprême de ses pouvoirs et en limitant son indépendance, puisque l'exécutif sera habilité à muter ses juges.
Cet amendement est "le coup de grâce porté à l'indépendance du pouvoir judiciaire et au bon fonctionnement de la démocratie", dénonce auprès de l'AFP Syed Zulfiqar Bukhari porte-parole du PTI, principal parti d'opposition dont plusieurs députés ont déchiré des copies du texte et quitté l'hémicycle avant le vote.
"Ils ont accordé au président l'immunité à vie contre toute poursuite pénale et créé un système qui concentre le pouvoir entre les mains d'une seule fonction militaire", abonde Salman Akram Raja, secrétaire général du PTI.
"Cet amendement constitutionnel renforcera l'autoritarisme et le peu de démocratie qu'il restait dans le pays va disparaître", s'inquiète aussi auprès de l'AFP Osama Malik, un avocat basé à Islamabad.
"Non seulement ce texte supprime le contrôle civil sur les activités de l'armée, mais il détruira aussi complètement la hiérarchie militaire, où tous les chefs d'état-major étaient aupavarant considérés comme égaux", a-t-il ajouté.
Ces changements "vont détruire toute indépendance de la justice", permettant au gouvernement de récompenser les juges dociles et de punir les autres en les mutant dans des tribunaux éloignés", déplore M. Malik.
Ce texte est le dernier d'une série de lois visant à réformer la justice adoptées par le fragile gouvernement de coalition du Premier ministre Shehbaz Sharif, arrivé au pouvoir en 2024 à la suite d'élections législatives entachées d'allégations de fraude.
Le parti au pouvoir avait plusieurs fois critiqué des décisions de justice favorables à l'ancien Premier ministre et chef du parti d'opposition emprisonné Imran Khan.
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