Le 8 octobre 1967, à 13 h 10, Ernesto ‘Che’ Guevara était exécuté par des soldats boliviens dirigés par la CIA. Un demi-siècle plus tard, l’héritage du ‘Che’ est encore vivant dans certains pays latino-américains, qui souhaitent leur indépendance économique, afin de mettre en place une économie fondée sur la justice sociale.
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Pour Alain Laridon, ancien ambassadeur au Mozambique et observateur politique, la figure du révolutionnaire a su s’imposer à toutes les générations en raison de la dimension internationaliste de son engagement, mais aussi à cause de son intégrité à tous les niveaux.
Lors de sa visite à Cuba en 1991, Nelson Mandela fit cette déclaration : « Les exploits de Che Guevara dans notre continent étaient d’une telle ampleur qu’aucune prison ou censure ne pouvait nous les cacher. La vie du Che est une inspiration pour tous les êtres humains qui aiment la liberté. »
Alain Laridon fait, lui, ressortir l’action internationaliste dans la démarche de ‘Che’ Guevara, qui souhaitait voir émerger un monde épris de solidarité et de justice sociale. À ce titre, il cite la conférence de Tricontinentale, qui eut lieu à Cuba en 1966. « C’était une organisation qui regroupait les forces ‘anti-impérialistes’ d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Il y avait quatre-vingt-deux délégations de pays décolonisés, de mouvements de libération afro-asiatiques et de formations de guérilla d’Amérique latine, sans oublier les Chinois et les Soviétiques, dont le gouvernement de Fidel Castro avait réussi à obtenir la présence, malgré leurs divergences profondes en termes de politique étrangère. Parmi ceux qui avaient contribué à préparer cette rencontre historique, il y avait Mehdi Ben Barka, Che Guevara lui-même, Ahmed Ben Bella, Salvador Allende, Ho Chi Minh, Amilcar Cabral. Il y avait aussi Joséphine Baker. L’idée était de s’opposer à l’impérialisme américain, qui menait une politique de déstabilisation, soit par la CIA, soit à travers ses multinationales, sans pour autant dépendre de Moscou et de Pékin. La conférence a posé les jalons de ce qui aurait pu être une véritable coopération économique, mais en matière de transfert des connaissances entre les pays sud-sud, où se trouvent les plus gros gisements de matières premières mondiales. »
Le partage du monde
L’empreinte du ‘Che’ à Maurice reste confinée à un petit cercle de personnes composée d’individus engagés dans la mouvance de la gauche, de Lalit à Rezistans ek Alternative, en passant par d’ex-membres du MMM de la deuxième génération. « Dans l’imagerie populaire des jeunes d’aujourd’hui, le ‘Che’ est très mal connu, fait ressortir Alain Laridon. Elle fascine à cause du cliché pris en mars 1960 par Alberto Korda, lors d’un rassemblement à La Havane. Puis, le ‘Che’ est décédé jeune, à 39 ans, ce qui lui confère un statut d’icône. » Son combat, qui reste méconnu, mérite qu’on s’y attarde, car il intervient à une époque charnière de l’histoire, lorsque les deux grands blocs, les États-Unis et l’Union soviétique, se disputaient le partage du monde.
Ernesto Guevara de la Serna, que les Cubains appelleront plus tard ‘Che’, natif d’une famille de la petite aristocratie argentine, se démarque très tôt. Après ses études de médecine, il voyage beaucoup à travers l’Amérique du Sud. Au Chili, il découvre les conditions de travail des ouvriers dans les mines. Au Pérou, il apporte son aide dans une léproserie. Après l’achèvement complet de ses études, il part s’engager au sein d’un mouvement de libération en Bolivie, mais il s’en éloignera lorsqu’il se rend compte des inégalités raciales parmi ses membres. En 1954, au Mexique, il rencontre les exilés cubains qui préparent une expédition pour renverser le gouvernement corrompu de Fulgencio Batista, à Cuba, soutenu par la mafia et les États-Unis. Il se joint à eux. Le petit groupe est mené par Fidel Castro, un avocat nationaliste, mais pour le ‘Che’ qui, lui, est résolument marxiste, c’est l’occasion de transformer le renversement de Batista en une révolution socialiste.
« Véritable révolutionnaire »
« Le ‘Che’ était un véritable révolutionnaire, avec un haut degré du devoir et un sens de l’éthique, c’est pourquoi il n’a jamais toléré les trahisons, les écarts de conduite parmi ses compagnons, déclare Alain Laridon. C’est la raison pour laquelle les États-Unis le considéraient comme l’ennemi principal, d’abord en Amérique du Sud, mais aussi en Afrique, où il souhaitait instiller la révolution, notamment au Congo. » Toutefois, cette vision d’extension de la révolution s’est heurtée à sa méconnaissance des réalités des pays en lutte, comme en Bolivie - où il a été exécuté – où son mouvement n’a jamais pu obtenir le soutien de la population, ni celui de Fidel Castro, plus soucieux de consolider les relations économiques avec l’ex-Union soviétique que d’engager la toute nouvelle et fragile république socialiste dans un engagement militaire dont il n’était pas assuré de la victoire.
Que reste-t-il de l’héritage politique du ‘Che’ dans un monde gagné par les vertus libérales et transformé comme un « village » par le miracle de l’Internet ? « C’est précisément en raison du triomphe de la pensée unique et des multinationales que son combat prend encore plus de signification, fait observer Alain Laridon. Chaque année, les rapports des institutions sociales et économiques internationales font ressortir l’écart grandissant entre les riches, encore plus riches, et les pauvres, qui n’en sortent pas. Lorsqu’il avait co-organisé la conférence du Tricontinental, il avait fait preuve de vision, il voyait la domination économique des pays du Nord sur ceux du Sud. Ce rapport n’a pas véritablement changé, il faut aujourd’hui repenser le développement des pays du Sud dans une perspective de solidarité et de justice sociale. Le combat du ‘Che’ reste d’actualité, mais sous d’autres formes. »
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