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Affaire Eco Deer Park - Demande de mandamus : ce qu’il faut savoir

L’avoué Pazhany Rangasamy. Me Robin Ramburn, Senior Counsel.

Instrument juridique, le mandamus permet aux citoyens d’obtenir justice en obligeant les autorités à remplir leurs devoirs légaux. Mes Robin Ramburn, Senior Counsel, et Pazhany Rangasamy, avoué, se penchent sur ce recours.  

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Le vendredi 15 septembre 2023, Vivay Kanum Pursun a déposé une demande de mandamus devant la Cour suprême. Il cherche à obtenir l’autorisation de la cour pour enjoindre à l’Independent Commission Against Corruption (Icac) de fournir tous les documents, dépositions et déclarations des témoins dans l’affaire présumée de pot-de-vin lié à l’octroi d’un bail à l’association Eco Deer Park. Plus particulièrement, Vivay Kanum Pursun demande les dépositions d’Ajay Jeetoo et de Keegan Etwaroo, ainsi que le bail d’Eco Deer Park. Ceci, dans le but de permettre à la Cour suprême d’évaluer si l’Attorney General Maneesh Gobin est impliqué dans un trafic d’influence ou d’autres délits.

En quoi consiste une demande de mandamus ? Le terme « mandamus  », venant du latin, signifie littéralement « nous ordonnons », explique Me Robin Ramburn, Senior Counsel. Il s’agit d’un ordre, c’est-à-dire un acte juridique, émis par un tribunal à l’attention d’un fonctionnaire gouvernemental, d’un tribunal inférieur ou d’une autorité publique. Son but est de les enjoindre à accomplir une tâche spécifique qui relève de leur devoir en vertu de la loi, ou de les empêcher de faire quelque chose qui constitue une violation de leur devoir public selon les dispositions de la loi, précise l’homme de loi.
En d’autres termes, souligne l’avoué Pazhany Rangasamy, l’objectif d’une demande de mandamus « est de remédier aux défauts de justice ». Un tel ordre est accordé dans « des circonstances spéciales, lorsqu’une bonne cause est démontrée », dit-il. 

Selon l’avoué, le tribunal accordera un ordre de mandamus uniquement si aucun autre recours adéquat ne peut être obtenu. La partie lésée, cherchant un recours sous forme de mandamus, doit se présenter devant le tribunal avec les mains propres. « Le tribunal exercera alors son pouvoir discrétionnaire, ainsi que de supervision », ajoute Me Pazhany Rangasamy. 

À l’origine, relate Me Robin Ramburn, le mandamus était un ordre émis par la Couronne anglaise à un fonctionnaire afin de lui enjoindre d’accomplir une tâche particulière relevant de ses fonctions officielles. Cependant, cette fonction a été progressivement transférée des mains de la Couronne aux tribunaux. À Maurice, en l’absence de règles spécifiques, le pays suit la pratique anglaise énoncée dans l’Ordre 53 des règles de la Cour suprême d’Angleterre, indique-t-il.

« Une demande de révision judiciaire, connue dans le jargon comme une judicial review, peut inclure une requête (NdlR : prayer) pour un ordre de mandamus, de prohibition ou de certiorari. Le certiorari vise à annuler une décision, la prohibition sert à empêcher le défendeur visé de prendre certaines mesures, tandis que le mandamus ordonne au défendeur d’accomplir une action qu’il a omis de faire », avance Me Robin Ramburn.
Bien que rare, il existe des cas où la Cour suprême à Maurice a accordé des ordres de mandamus. Me Pazhany Rangasamy évoque notamment un jugement rendu par la Cour suprême dans l’affaire Ms Bassanti Sujore & Ors v The Pharmacy Board [1997 SCJ 25]. La cour avait estimé que le Pharmacy Board avait failli à mettre en œuvre les dispositions relatives à l’organisation des examens pour les assistants pharmaciens. Un ordre de mandamus avait été émis. La cour avait alors ordonné la mise en place des cours en question dans un délai d’un mois. Elle avait également exigé l’organisation des examens pour les candidats qualifiés, y compris les demandeurs dans l’affaire, une fois l’aval du ministre en question obtenu.

Procédures et défis 

Comment est formulée une demande de mandamus ? Me Pazhany Rangasamy indique qu’elle est généralement présentée par la partie lésée de manière ex-parte (en l’absence de la partie adverse), par l’intermédiaire d’un avoué. La requête est déposée devant le tribunal sous forme d’une motion, étayée par un affidavit exposant les faits de l’affaire, les réparations demandées et les motifs à l’appui. 
Ce que confirme Me Robin Ramburn. Selon le Senior Counsel, pour déposer une demande de mandamus, la Cour suprême a établi que la présentation d’un statement of case est essentielle. Ce document doit spécifier clairement les motifs de la demande et la nature de la réparation recherchée. La cour empêche également la partie demanderesse de solliciter des réparations qui ne sont pas spécifiquement mentionnées dans sa demande.
La cour a justifié cette règle en soulignant que les ordres de mandamus, de prohibition et de certiorari ont souvent des conséquences importantes, d’où la nécessité d’une clarté absolue dans les demandes. De plus, aucun mandamus ne devrait être délivré s’il existe d’autres recours juridiques spécifiques, tout aussi pratiques et efficaces, précise Me Robin Ramburn.

Une fois la demande examinée, le tribunal peut soit accorder l’ordre, soit le refuser. En cas de refus, il peut plutôt convoquer le représentant de l’autorité publique à comparaître. Celui-ci devra alors démontrer pourquoi l’ordre en question ne devrait pas être accordé. Si le tribunal estime que la demande est « frivole, vexatoire et dépourvue de fondement », il la rejettera, fait savoir l’avoué Pazhany Rangasamy.

La demande se déroule en deux étapes. « Une fois l’autorisation accordée, le demandeur doit passer à la deuxième étape, c’est-à-dire la présentation de la demande de révision judiciaire. Le tribunal rendra sa décision après avoir examiné tous les documents pertinents, les déclarations sous serment et les preuves de toutes les parties concernées », déclare Me Pazhany Rangasamy.

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