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Accidents de la route : parmi les causes, l’incivisme et l’impunité des conducteurs déplorés

C’est l’homme qui est en train de se donner la mort.
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Malheureusement, cette année le nombre de morts sur nos routes ne cesse d’augmenter. Pour freiner cette tendance, il faudrait déterminer les causes. Selon des spécialistes dans le domaine de la conduite, les conducteurs ont repris leurs mauvaises habitudes. Certes, l’excès de vitesse, l’alcool ou la consommation de drogue peuvent être pointés du doigt, mais le problème est surtout dû au fait que certains automobilistes et motocyclistes croient que nos routes sont des pistes de rallye. 

Le nombre de morts sur les routes mauriciennes est-il causé uniquement par la consommation de l’alcool et de la drogue ou les excès de vitesse ? « Il ne faut pas se voiler la face. Les conducteurs, pour la plupart, prennent le volant en étant sobres.  Malheureusement, ils pensent être invincibles et se permettent de faire ce qui leur plait sur les routes », indiquent des spécialistes de la conduite. Ils prennent pour exemple l’île de la Réunion où le taux de morts est beaucoup moins élevé qu’à Maurice. Vu que l’île sœur est pourvue d’un relief montagneux et les routes sont sinueuses, les usagers doivent impérativement être vigilants. Or, à Maurice, les routes, quoique pourvues d’obstacles et de ralentisseurs, sont une invitation à l’excès de vitesse.

Selon nos interlocuteurs, les autorités doivent initier des campagnes de sensibilisation systématiques et très agressives à travers le pays afin de renverser la tendance. « Ce n’est pas la route qui tue l’homme. C’est l’homme qui est en train de se donner la mort », font-ils ressortir. Selon eux, ces campagnes doivent contenir des slogans qui sont facilement déchiffrables par tous les usagers de la route.

National Road Safety Council et moto-écoles

Nos intervenants remettent en question le fonctionnement du National Road Safety Council. Selon eux, il faut traiter le problème à la source, en l’occurrence inculquer le sens de la sécurité routière dans les écoles primaires afin de produire les résultats escomptés sur le long terme. « Il faut relancer et revisiter complètement le projet moto-école. L’idée était très bonne, mais sa mise en application était catastrophique. De plus, nous pensons qu’il y a un manque de coordination au niveau de l’organisation des activités liées à la sécurité routière depuis le confinement de 2020. Les usagers de la route, semble-t-il, ont oublié – ou oublient de manière volontaire - le Code de la route et l’importance de la sécurité routière. C’est la raison pour laquelle les ONG et le gouvernement doivent coordonner leurs efforts », proposent-ils.

Alan Ganoo : « On va peaufiner notre stratégie sur la sécurité routière »

Le ministre du Transport, Alan Ganoo n’est pas insensible face au nombre croissant d’accidents.  « Certes, en comparaison à l’année dernière, le nombre est en baisse, mais one is too many. On est encore en train de faire des campagnes de sensibilisation et on va réviser notre stratégie. La campagne précédente a fonctionné, mais rien n’est statique dans la vie. Ainsi, on va peaufiner notre stratégie sur la sécurité routière », a-t-il indiqué.


Alain Jeannot : « La limitation de vitesse doit être revue »

Alain Jeannot

Le président de l’association Prévention routière avant tout (PRAT), Alain Jeannot indique qu’il faut toujours éduquer les gens. Selon lui, il faut revoir la limitation de vitesse.

Qu’est-ce qu’on doit faire pour diminuer les accidents au pays ?
Les catégories qui sont les plus touchées sont notamment les piétons et les deux-roues, avec un taux de 80 % de morts sur nos routes. Il faut donc mettre l’accent sur ces deux catégories, mais pas que. Il faut aussi se concentrer sur les personnes âgées au vu de la hausse du nombre des fatalités dans cette catégorie en comparaison à l’année dernière. Cela dit, il faut revoir les limites de vitesse, car les véhicules sont de plus en plus performants et s’ils sont mal gérés, les conséquences peuvent être plus graves. Du coup, il faut obligatoirement respecter la limitation de la vitesse, car les automobilistes sont nombreux à conduire à vive allure.

Outre les causes les plus communes, il y a un autre facteur assez méconnu, qu’est la fatigue. De nos jours, il y a des personnes qui dorment peu et cette fatigue se ressent au volant. Ensuite, la distraction, notamment avec l’utilisation du portable au volant, fait également partie des causes des accidents de la route. 

Ainsi, il faut que la sécurité routière soit une culture. Certes, il faut éduquer et faire de la répression, mais il faut aussi sensibiliser les conducteurs.

Est-ce que les chauffeurs deviendront plus responsables avec l’introduction de lois plus sévères ?
Il y a déjà des lois au pays. D’ailleurs, Maurice a pratiquement tout l’arsenal légal qui répond aux normes internationales. Ce qu’il faut, c’est que les conducteurs réalisent que leur vie n’a pas de prix.

Du coup, il faut continuer à éduquer les automobilistes ?
Il faut continuellement éduquer les usagers de la route. La discipline ne commence pas sur les routes, mais à la maison et à l’école. Si la discipline n’est pas au rendez-vous depuis tout jeune, l’indiscipline va continue à régner sur nos routes. Les maux de la société se reflètent sur les routes. 

Néanmoins, tout n’est pas noir, car des améliorations sont notées chez les conducteurs. D’ailleurs, le nombre d'accidents a diminué. La sévérité de nos lois apporte leur fruit, surtout par rapport à l’alcool au volant. 


Barlen Munusami, formateur et expert en sécurité routière : « L’erreur humaine est au centre de 90 % des accidents »

Barlen Munusami

Le formateur et expert en sécurité routière, Barlen Munusami avance que l’excès de vitesse est au centre de la plupart des accidents de la route.

Le constat est-il alarmant ?
Disons que le constat est plutôt inquiétant en raison du grand nombre d’accidents fatals répertorié depuis le début de l’année. C’est un très court laps de temps.

Des spécialistes de la conduite affirment que ce ne sont pas la drogue et l’alcool au volant qui tuent, mais plutôt le manque de vigilance. Êtes-vous de cet avis ?
Il n’y a pas de cause unilatérale. Il y a plusieurs facteurs qui contribuent aux accidents de la route. C’est l’erreur humaine, voire l’excès de vitesse qui est, visiblement, au centre des accidents de la route dans 90 % des cas. L’alcool, la vitesse, le manque de discipline et de courtoisie, le non-respect des codes de la route, entre autres, viennent au second plan. N’oublions pas qu’il y a aussi le facteur des infrastructures publiques qui est la cause d’un bon nombre d’accidents.

Comment remédier à cette tendance jugée « inquiétante » ?
Les campagnes de sensibilisation et de répression doivent être systématiques et visaient principalement le public cible. De plus, il faut que la sécurité routière et la conduite défensive soient ancrées dans le cursus scolaire. Je pars du principe que les mesures répressives, qui doivent être implémentées très rapidement, ne doivent pas être discrétionnaires.

Quid des acteurs œuvrant pour la sécurité routière ?
Ils doivent travailler en concertation à travers un « multi-agency partnership » et non en isolement. Les usagers de la route doivent parallèlement être responsables, car il s’agit avant tout de la sécurité. Je pense également qu’il faut mener des opérations « crackdown » dans le pays. De plus, les conducteurs faisant preuve de conduite agressive et dangereuse doivent être sanctionnés sévèrement. De surcroit, l’utilisation des réseaux sociaux doit être omniprésente dans toutes les actions qui sont menées et les résultats escomptés.

N'oublions pas les utilisateurs des deux-roues…
Nous constatons qu’il y a un bon nombre d’accidents mortels impliquant les motocyclistes. C’est dommage de constater qu’il n’y a pas de centre de formation, à savoir une moto-école, pour les encadrer. 

Êtes-vous d’avis que les connaissances des moniteurs et des policiers doivent être mises à jour ?
Les moniteurs, surtout ceux qui sont âgés, doivent être formés dans le domaine pédagogique et en matière de communication, car ils sont responsables de la formation des conducteurs. Les policiers doivent être également soumis à des « refresher courses » afin d’éviter des « double standards » lors des examens pratiques.


Des mesures appropriées sont prises après chaque accident pour remédier à la situation

Ashok Matar.
Ashok Matar.

Chaque accident est un accident de trop. C’est dans cette optique qu’une analyse de chaque événement est effectuée afin de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier à la situation, indique l’assistant-surintendant de police (ASP) Ashok Matar.

« Un accident, comme le mot l’indique, est un événement qui se produit fortuitement. Toutefois,  la force policière suit la tendance des accidents afin de terminer les causes et prendre les mesures appropriées qui s’imposent. Cette analyse se fait à partir des informations que nous recevons quotidiennement pour observer par exemple la tranche d’âge, la catégorie (motocyclistes /cyclistes / piétons) et l’heure de l’accident. On fait aussi une visite sur les lieux de chaque accident pour déterminer les circonstances et établir s’il y a eu un manquement au niveau des infrastructures, comme l’éclairage routier. Nous étudions aussi la topographie de la route. L’objectif est de renforcer les mesures de contrôle à la lumière des renseignements collectés », ajoute-t-il.

Il indique aussi : « Le nombre des accidents fatals de la route semble être en hausse, toutefois, elle a baissé en comparaison des trois années précédentes grâce aux mesures que nous avons prises. À titre d’exemple, il y a eu 83 accidents fatals et 90 morts à pareille époque en 2021, alors que cette année le nombre est de 71 accidents fatals et 75 morts. Sans se glorifier du fait qu’il y a eu moins de morts et du travail accompli, la police ne compte pas dormir sur ses lauriers. Il y a un travail continu à accomplir et c’est ce à quoi nous nous attelons ».

« Toutes les mesures prises sont importantes et rien n’est statique, mais dynamique, en fonction des conditions routières, fait-il ressortir. Ainsi, quand il a été noté une recrudescence d’accidents de la route parmi les personnes âgées, des campagnes de prévention ont été organisées à leur intention pour expliquer les précautions à prendre en chemin. Des campagnes régulières sont aussi organisées à l’intention des écoliers, des motocyclistes et cyclistes. Ces opérations ciblées sont systématiques », précise-t-il. La police prend également des mesures à court terme pour identifier les lieux propices aux accidents.


La formation des automobilistes doit être taillée sur mesure

La formation des automobilistes est très importante et doit se faire selon la demande. L’éducation doit aussi être ciblée en fonction de la catégorie de personnes avec une approche adaptée par rapport à l’âge. C’est sur cela que doivent s’appuyer les moniteurs des auto-écoles lors de la formation des apprentis conducteurs. La police effectue des formations continues là où c’est nécessaire.

L’ASP Muttur ne recommande pas l’apprentissage de la conduite avec un ami ou un proche. Selon lui, ces personnes ne sont pas habilitées à évaluer la conduite, contrairement à un moniteur d’auto-école. « Il y a beaucoup à apprendre avant de pouvoir obtenir son permis de conduire », rappelle-t-il. Un conducteur doit aussi connaître ses responsabilités et l’apprentissage doit se faire de manière professionnelle. La route est un lieu de partage et il faut savoir quand accorder la priorité.

Une piste devrait être créée pour l’apprentissage de la conduite

Les automobilistes sont appelés à conduire de jour comme de nuit et dans différentes conditions météorologiques. La création d’une piste réunissant ces différentes situations devrait être créée afin de les préparer à ces diverses situations. Tel est l'avis de l'ASP Muttur. « De nombreux accidents surviennent la nuit. Malheureusement, ils ne sont pas nombreux à apprendre à conduire le soir. Or, les conditions de la route ne sont pas les mêmes que pendant la journée. Idem en temps de pluie. Il faudrait peut-être commencer à se pencher dessus pour améliorer la formation afin de donner à chaque usager les outils pour y faire face », dit-il. 

Certes, cet aspect est déjà inclus dans le manuel des auto-écoles, mais c’est à chacun de s’assurer que les apprenants puissent acquérir les bases et les appliquer, fait-il ressortir. Notre interlocuteur espère un partenariat multisectoriel afin de pouvoir réaliser la création d’une piste pour l’apprentissage ou un centre de formation pour la conduite à destination des motocyclistes et des automobilistes.

Chaque accident coûte en moyenne Rs 105 609

Les accidents de la route coûtent Rs 6 milliards au pays chaque année selon le rapport de « Research on Road Safety in Mauritius » publié par le National Road Safety Observatory du ministère du Transport. Ce qui équivaut à 1,25 % du produit intérieur brut. Ce chiffre révèle un excès de Rs 4,5 milliards.

Les accidents mortels coûtent Rs 1,1 milliard chaque année alors qu’il est de Rs 26,5 millions pour les accidents qui ont causé des blessures graves. Les accidents mineurs ont été évalués à Rs 18,9 millions, ce qui donne un coût moyen de Rs 105 609 par accident. 

 

 

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