Fraîchement nommé, le nouvel homme fort de la Central Water Authority (CWA) énumère ses priorités. Il est temps, dit-il, pour cet organisme de gagner la bataille de la communication et de mériter la confiance du public.
Comment un Chief Economist, de surcroît un des principaux porte-parole de l’industrie des services financiers à Maurice, se retrouve directeur général d’un organisme parapublic?
J’ai siégé au conseil d’administration de la CWA pendant trois ans et demi. Je connais les rouages. Le métier d’économiste est surtout de gérer et d’élaborer des stratégies pour le bien de la compagnie, quel que soit le secteur. Et c’est ce que je vais faire.
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Pourquoi?
Pour leur faire comprendre qu’en volant des compteurs pour le cuivre qui s’y trouve, qu’en volant de l’eau, qu’en refusant de payer leurs factures, ils se pénalisent eux- mêmes. On n’imagine pas le manque à gagner de la CWA quand on comptabilise toute ces pertes. Pour vous dire : l’industrie de l’eau embouteillée génère plus de Rs 3,5 à 4 milliards annuellement alors que la CWA ne récolte que Rs 1,2 milliard. J’invite la population à réfléchir à ses priorités. L’eau est une commodité essentielle et souvent rare. Il faut l’utiliser judicieusement.
Qu’en est-il de la qualité de l’eau à Maurice?
Elle est une des meilleures qui soit au monde. Nous faisons tout pour que l’eau qui coule du robinet soit propre à la consommation. C’est aux consommateurs de savoir maintenir sa potabilité. Par contre, je dois dire que nous sommes parmi les pays qui gaspillent le plus d’eau. À Maurice, une personne utilise 175 à 180 litres d’eau par jour alors qu’ailleurs, c’est 90 litres. Il y a aussi l’industrie touristique qui utilise beaucoup d’eau. C’est à nous de savoir comment gérer cette ressource.
Peut-on s’attendre à une hausse du tarif dans l’immédiat ?
On ne peut envisager cette éventualité tant que le service ne sera pas amélioré. C’est un fait que nous avons le tarif le moins cher du monde, mais on est aussi le pays où il y a le plus d’abus.
Qu’en est-il du remplacement des tuyaux usés?
Nous avons un réseau de 4 200 km de tuyaux dont certains nécessitent un remplacement urgent. Ces travaux vont nous coûter quelque Rs 5 milliards. Nous avons déjà commencé ce travail, notamment à Vacoas.
Quand le Bagatelle Dam sera-t-il prêt?
J’espère que d’ici mars 2017, il sera rempli d’eau. En fait, il est en passe d’être complété. Mais même si nous finissons dans les temps, nous aurons un souci avec le treatment plant à cause d’une affaire en Cour. Mais là aussi, nous avons une solution. On va dévier l’eau vers d’autres stations pour traiter l’eau avant sa distribution.
Maintenant que le principe d’un partenaire stratégique pour la CWA est acquis, quelle est la prochaine étape?
Il faut redresser la situation pour rendre la CWA plus « attirante » avant qu’on puisse prétendre avoir un partenaire. Même si quelqu’un se présente demain, au vu de ce que nous avons à offrir valeur du jour, je doute qu’il veuille prendre le risque de s’aventurer. En tout cas, voilà une raison de plus qui justifie ma mission de restructurer et de rendre la CWA plus efficace .
La rumeur veut que ce soit le groupe Veolia qui se positionnerait pour être ce partenaire. N’y aurait-il pas là un possible conflit d’intérêts avec l’actuel président du conseil d’administration?
Premièrement, c’est le conseil qui décidera d’aller de l’avant ou non avec un quelconque partenaire. Si un membre de cette instance a un intérêt quelconque, il devra le déclarer. Et si le board voit qu’il y a un conflit d’intérêts, il avisera. Je ne peux me prononcer à ce sujet. C’est une décision qui sera prise basée sur les faits et toutes les options présentées.
Pour vous, quel serait le cas de figure idéal?
Idéalement, je voudrais qu’on ne soit plus sous la tutelle du Pay Research Bureau (PRB), qu’on devienne une compagnie publique. Nous avons perdu beaucoup de professionnels chevronnés à cause de quelques milliers de roupies.
Qu’allez-vous pouvoir faire de plus que vous n’avez pas pu faire ces trois dernières années?
J’ai essayé de faire bouger les choses mais malheureusement, il y avait un manque d’alignement entre le conseil d’administration et l’ancien management. En tout cas, c’est un secteur que je connais. Ma formation d’économiste et de gestionnaire va me permettre de redresser la situation à la CWA et de revoir certaines stratégies pour la rendre plus efficace.
[blockquote]« Il y avait un manque d’alignement entre le conseil d’administration et l’ancien management »[/blockquote]
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Devons-nous comprendre que les mauvaises langues qui soutiennent que c’est une nomination politique ont tort?
Certainement. D’ailleurs, quand l’offre m’avait été faite, j’ai pris le temps de réfléchir et de discuter avec mes proches avant de l’accepter. Vous n’êtes pas sans savoir que j’ai tout mon confort dans le secteur privé. J’ai pensé qu’après m’être consacré à ma carrière aux niveaux national et international, il était temps maintenant de donner de mon temps à mon pays.
Quid de la différence entre la culture de travail du secteur public et celle du privé?
L’eau est un élément important pour le développement du pays et c’est une des raisons pour lesquelles je suis là. La lourdeur existe partout. Il est important que l’équipe comprenne les objectifs et les défis de l’organisation. Je dispose d’une bonne équipe. Et nous avons un objectif commun qui est de satisfaire nos clients. At the end of the day we have to get the basics right. Je vais sanctionner ceux qui ne travaillent pas. Je ne compte pas cautionner l’irresponsabilité.
Le ministre de tutelle a qualifié la situation à la CWA de « pourrie ». Est-ce également votre avis ?
Il y a la perception généralisée, du gouvernement, des syndicats et des consommateurs, que la CWA ne fonctionne pas comme il se doit, que rien n’est fait. Les plaintes sont légion.
Cette perception est-elle justifiée?
Je ne suis pas là pour cacher quoi que ce soit ou pour juger. Le fait est que la CWA est trop passive. Nous sommes une organisation pourvoyeuse d’un service. Je suis pour un personnel proactif. Nous nous devons de gagner la bataille de la communication et de mériter la confiance du public. C’est l’absence d’information fiable qui génère toutes sortes de rumeurs et, au final, le public réagit de manière brutale.
Difficile de ne pas réagir de cette façon quand l’eau ne coule pas plusieurs jours d’affilée...
Je demande la patience et l’indulgence du public. J’ai mis des objectifs bien précis, surtout en ce qu’il s’agit de l’augmentation des heures de distribution d’eau. À Port-Louis, chaque averse était suivie de coupures drastiques car l’unité de traitement de Pailles avait un problème. Tel n’est plus le cas. Nous allons maintenant nous attaquer au Sud, notamment à Rivière-du-Poste et Mont-Blanc. C’est sûr qu’un pays moderne a besoin d’un service de distribution d’eau moderne.
Tout un programme de modernisation?
La modernisation est le maître mot. Que ce soit dans la culture du travail à la CWA, dans l’innovation des services, dans l’informatisation des équipements et dans les infrastructures. Il faut aussi changer la mentalité des gens.
Un professionnel de la finance
Âgé d’une quarantaine d’années, Yousouf Ismaël est détenteur d’une maîtrise en développement économique et planification et d’un doctorat en économie. Avant d’être nommé directeur général de la CWA, il occupait les fonctions de Chief Executive Officer de Global Finance Mauritius. Il est l’un des principaux porte-parole de l’industrie des services financiers à Maurice. Il a aussi travaillé en Afrique du Sud, en Inde, en Grande Bretagne, au Mali, au Malawi et au Kenya. Il a agi comme consultant stratégique pour le compte de plusieurs entreprises du secteur privé mauricien. Yousouf Ismaël est marié à Rizwana qui est experte-comptable. Il est père de deux fils. <Publicité
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