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25 ans après sa mort : l’héritage de Kaya pour la société mauricienne

La journaliste Jane Lutchmaya a accueilli sur le plateau Danielle Turner (à dr.) et Lindsey Collen (au c.).

L’émission « Au Cœur de l’Info » est revenue sur l’héritage social du chanteur Kaya pour la société mauricienne et sa culture.

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L’émission « Au Cœur de l’Info » sur Radio Plus et TéléPlus était consacrée, ce mercredi 21 février 2024, aux 25 ans de la mort de Joseph Reginald Topize. Le chanteur, qui portait le nom de scène de Kaya, est décédé en cellule policière le 21 février 1999. S’en sont suivies des émeutes. Les avancées en matière de cohésion sociale, les conditions de détention en cellule policière, et les activités pour rendre hommage à la légende du Seggae mauricien, ont été au centre des discussions. 

La journaliste Jane Lutchmaya a reçu sur son plateau Danielle Turner, ancienne directrice du Centre Nelson Mandela, et Lindsey Collen de Lalit. Le Dr Jimmy Harmon, chercheur et observateur social, Azaria Topize, fils de l’artiste, Stephan de Rezannah, directeur de Jorez Box, Père Philippe Franchette, et Percy Yip Tong, ancien manager de Kaya, sont intervenus par téléphone.

La brutalité policière

Lindsey Collen estime qu’il y a, à Maurice, une culture de la violence dans les cellules policières. Selon elle, il s’agit d’un phénomène répandu qui tire ses racines de l’esclavage et de l’engagisme. 

« Nous avons créé une association contre les brutalités policières. La plupart des cas de brutalité policière ont pour but d’obtenir des aveux. Il faut changer la loi qui fait valoir les aveux comme une preuve. Il faut une réforme légale pour que les aveux ne soient plus la seule preuve recevable. C’est ce qui a fait réduire les violences policières aux Etats-Unis. Il y a eu des cas choquants récemment où des personnes ont été attachées nues et battues. 74 personnes ont été tuées en cellule policière, mais certainement 100 fois plus ont été brutalisées sans mourir », affirme Lindsey Collen. 

Danielle Turner indique que la situation n’a pas évolué en 25 ans. Elle regrette l’absence d’une réforme de la police. « C’est un problème systémique. Il est clair que le système policier doit être amélioré. Nous n’avons pas de psychologues qui déterminent si des aveux ont été faits sous la contrainte. Tant que nous n’aurons pas changé la société, des personnes vont abuser de la situation, et faire des victimes. Si on aspire au meilleur, il faut éduquer nos enfants. Il ne faut pas laisser croire aux enfants que la violence est normale. La loi doit être respectée mais les suspects doivent être traités de façon humaine », affirme Danielle Turner. 

Pour le Dr Jimmy Harmon, « de 1979 à 1999, il y a eu 33 cas de morts en cellule policière. Il y en a encore eu depuis 1999. L’institut Cardinal Margéot a participé à une sensibilisation. Nous avons fait des propositions claires au gouvernement, comme une proposition de loi qui protège aussi bien les policiers que les suspects avec entre autres des caméras sur les épaules. Il faut bien sûr des sanctions pour les personnes qui ne respectent pas la loi, mais il faut que cela se fasse dans de bonnes conditions ». Il souligne qu’il y a « tout un mystère autour de la mort de Kaya. Il y a eu une volonté de faire oublier l’affaire. Nous avons la capacité à Maurice de nous retrouver ensemble. Nous formons tous une famille. Il faut faire l’effort de mieux connaître notre prochain. Si vous comprenez les autres, personne ne peut vous diviser ».

Les émeutes

Lindsey Collen estime que les émeutes étaient au début le fait de jeunes hommes qui s’en prenaient principalement à la police. « Là où il n’y avait pas de postes de police, d’autres symboles de l’autorité ont été attaqués. Je me souviens d’un jeune homme qui avait dit qu’il était désolé de n’avoir pas d’autre choix que d’attaquer un bureau de la CWA. L’inégalité sociale a augmenté, le danger est donc toujours là. Il y a eu une perception qu’il y avait un problème communautaire. Il y a aujourd’hui une inégalité entre riches et pauvres. Les émeutes ont été instrumentalisées. Nous communautarisons tout », affirme la membre de Lalit. 

Danielle Turner souligne que le combat contre l’inégalité est toujours d’actualité. « Nous ne devons pas jouer la politique de l’autruche, nous sommes sur un volcan. Je ne crois pas du tout que les émeutes étaient communautaires. C’était une colère contre l’injustice. Des personnes avaient un intérêt à rendre les émeutes communautaires. Il y a eu des émeutes certes, mais il ne faut pas que les revendications soient honteuses. A chaque fois qu’il y a un sursaut de revendications on entend ‘attention’. Il faut que les revendications soient considérées notamment dans les médias. Il faut dénoncer les injustices », déclare l’ancienne directrice du Centre Nelson Mandela. 

Langue créole

Le Père Philippe Franchette soutient que Kaya a valorisé la langue créole. « La célébration de sa mort est l’occasion de continuer le travail. La langue créole continue de vivre. Il est important de la mettre en HSC, mais le plus important est la lutte pour les droits humains. Il faut savoir comment garder la langue et la culture créoles comme éléments de lutte. Pourquoi déprécier le créole en utilisant une autre langue dans de grandes célébrations ? » s’interroge le Père Philippe Franchette.

Hommage

Azaria Topize, fils de Kaya, explique que chaque 21 février, des activités sont organisées. « Chaque année depuis quatre ans, nous faisons une marche de Roches-Bois au cimetière. Des gens nous rejoignent, nous jouons de la musique et faisons des prières. Il y a un intérêt des jeunes pour connaître Kaya. Mais nous manquons de documents sur lui », dit-il.

Stephan Rezannah souligne que Jorez Box a organisé le Seggae Day le 10 août à deux reprises. Il précise que le Conseil des ministres a ensuite avalisé une Journée nationale du Seggae. 

« Il est important qu’il y ait une transmission. Nous avons amené le seggae dans les écoles. 25 ans après la mort de Kaya, le seggae est encore vivant. Des artistes de l’époque de Kaya, puis de nouveaux jouent du Seggae. Nous arrivons à toucher tous les types d’écoles. L’idée était de brasser large et de toucher tous les jeunes de toutes les communautés. Il y a un travail qui se fait depuis 25 ans. Il y a plusieurs initiatives pour garder le seggae vivant, comme des concerts. Même si les radios n’en diffusent pas souvent, il y a quand même du seggae à la radio », déclare Stephan Rezannah. 

Percy Yip Tong estime que Kaya est plus apprécié depuis sa mort. « Cela fait 25 ans que Kaya est mort, pourtant on a l’impression qu’il est toujours avec nous. Des jeunes qui ne l’ont pas connu chantent ses chansons. C’est cela son plus grand héritage. Il a fallu quatre ans et un passage à la télévision réunionnaise pour qu’on trouve un producteur à Maurice. La cassette de Racinetatane a été la première du seggae il y a 35 ans.

Malheureusement la carrière de Kaya n’a duré que 10 ans. Aujourd’hui sa musique a plus d’ampleur car l’église catholique la joue lors de messes. La musique de Kaya est devenue immortelle. A travers ses textes, Kaya nous a montré qu’il aime Maurice », se remémore Percy Yip Tong. 

 

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