
À 90 ans, le Dalaï Lama inspire toujours. À Maurice, Vimla Cahoolessur raconte comment une rencontre bouleversante a transformé sa vie et nourri sa mission de transmettre la compassion.
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Loin du faste et des projecteurs, le Dalaï Lama a soufflé ses 90 bougies, le 6 juillet 2025. Une célébration dans la paix et la profondeur d’un chemin parcouru. Celui d’un homme devenu, pour des millions de personnes à travers le monde, le visage de la compassion, la voix de la sagesse, et l’incarnation du désarmement intérieur. À Maurice, cette figure spirituelle a été honorée au Shakyamuni Mahayana Buddhist Centre, à Vacoas.
Le samedi 5 juillet, l’atmosphère était suspendue. Les prières s’élevaient dans le silence vibrant du centre. Les mantras résonnaient, les mains s’unissaient, et les regards brillaient d’un profond recueillement. Des dons ont été faits aux plus démunis. Les cœurs étaient tournés vers une même direction : celle d’un homme qui, toute sa vie, a cherché à apaiser, à rassembler.
La compassion. Avant tout. C’est ce qui manque à Maurice.»
Mais derrière les cérémonies, au-delà des rituels et des chants sacrés, c’est une rencontre humaine, intime, qui nous a été confiée. Celle de Vimla Cahoolessur, responsable du centre depuis près de vingt ans. Une femme douce et déterminée, qui, dans un coin tranquille du centre, accepte de revenir sur l’histoire d’une rencontre qui a transformé sa vie.
Tout a commencé, comme souvent dans les grands tournants de l’existence, par un simple livre. « Océan de sagesse », se souvient-elle. « J’étais dans une période de questionnements. Ce livre, je ne sais pas pourquoi, mais c’était comme s’il me parlait directement. J’ai regardé le nom de l’auteur : le Dalaï Lama. Et là, quelque chose s’est déclenché. Je voulais le rencontrer. »
En 2000, elle décide de suivre cet appel du cœur. Avec une amie, elle prend l’avion pour Dharamsala, en Inde, la terre d’accueil du chef spirituel tibétain. « Je ne savais pas à quoi m’attendre. Je voulais juste assister à ses enseignements. Mais ce que j’ai vécu a dépassé tout ce que j’aurais pu imaginer. »
Elle marque une pause, émue. Puis raconte : « La première fois que je l’ai vu… il sortait de sa résidence pour venir dans la salle. Il est passé près de moi. Il s’est arrêté. Il m’a tenu la main. Je ne comprenais pas. Et là, j’ai fondu en larmes. Sans raison apparente. C’était bouleversant. »
Pour Vimla, ce moment a marqué un point de bascule. Une reconnexion, peut-être. « Il y avait quelque chose de très fort. Une énergie, une bienveillance, une chaleur. C’est à ce moment que j’ai commencé à m’approfondir vraiment dans la tradition bouddhiste. »
Depuis ce jour, elle a revu le Dalaï Lama à quatre reprises, lors de grandes audiences spirituelles. La dernière, en 2023. Et à chaque fois, le même sentiment de paix. « Ce n’est pas réservé aux bouddhistes. Il y a des gens de toutes les cultures, de toutes les religions. C’est universel. »
Le bouddhisme est une philosophie de vie, une manière d’être au monde. Universelle.»
Parmi tous les enseignements qu’elle a reçus, un la touche particulièrement : le désarmement intérieur. « On parle souvent des conflits extérieurs, mais les véritables obstacles sont en nous. La colère, l’envie, la peur. C’est ça qu’il faut désarmer. Travailler sur soi, c’est la première étape vers la paix. »
Ce travail sur soi, Vimla l’a fait. Lentement, profondément. Et aujourd’hui, elle transmet. Avec humilité. Avec douceur. Au centre qu’elle a fondé en 2005, elle accueille des personnes de tous horizons. Des jeunes, des retraités, des chercheurs de sens. « Je ne prêche rien. Je partage ce que j’ai appris. »
Elle insiste : la compassion est la clé. Celle qui ouvre toutes les portes. « La vraie compassion, c’est quand on dépasse le jugement. Quand on peut se mettre à la place de l’autre, même s’il est dur, agressif, jaloux. Parce qu’il souffre. Et reconnaître cette souffrance, c’est déjà un pas vers l’amour. »
Ce qu’elle retient aussi du Dalaï Lama, c’est son rire. Ce rire désarmant, joyeux, contagieux. « Il rit tout le temps. Il y a des centaines de gens qui veulent l’approcher, et lui, il sourit, il blague, il accueille. Ce rire, c’est sa force. Une force intérieure, joyeuse, profonde. »
Chaque matin, dit-elle, il faut se réveiller avec de la gratitude. Même dans la tempête. « Et parfois, il faut apprendre à rire de nos malheurs. C’est aussi ça, la sagesse. »
Si elle respecte l’engagement politique du Dalaï Lama pour la cause tibétaine, Vimla préfère rester concentrée sur sa mission spirituelle. « Moi, je ne suis pas dans la politique. Ce qui me touche, ce sont les enseignements issus des Écritures du Bouddha, ce qu’il nous transmet à travers elles. »
Dans un monde de plus en plus agité, où les divisions s’intensifient, elle estime que la voix du Dalaï Lama reste plus que jamais nécessaire. Pour les jeunes, surtout. « Ici, à Maurice, on a la chance de vivre en paix. Mais il ne faut pas être aveugles. Il y a des guerres, des souffrances, des injustices ailleurs. Il faut garder le cœur ouvert. »
Elle-même n’a pas toujours suivi ce chemin. Née dans une famille hindoue, passée par les écoles catholiques, Vimla a exploré plusieurs voies. « Je ne dis pas que les autres religions ne sont pas bonnes. Mais moi, j’ai cherché quelque chose qui résonne en moi. Et je l’ai trouvé dans le bouddhisme, dans la parole du Dalaï Lama. »
C’est un maître, Lama Lhundrup, qui l’a poussée à transmettre : « Il m’a dit un jour : “Partage ce que tu as appris dans ton pays.” C’est ce que j’essaie de faire, humblement. » Depuis, le centre accueille, écoute, accompagne.
Elle regrette que beaucoup de Mauriciens réduisent encore le bouddhisme à une image folklorique. « On pense que c’est une affaire de pagodes et de traditions chinoises. Mais c’est tellement plus que ça. C’est une philosophie de vie, une manière d’être au monde. Universelle. »
Elle croit en la transmission. Aux jeunes surtout. « Si on les guide, s’ils s’y intéressent, alors on pourra préserver ces enseignements si précieux. »
Et si elle devait résumer en une seule valeur ce que Maurice devrait cultiver, elle répond sans hésiter : « La compassion. Avant tout. C’est ce qui manque. » Avant de nous quitter, Vimla adresse un vœu, sincère, à celui qui a transformé sa vie : « Il a dit qu’il vivrait jusqu’à 110 ou 112 ans. Je lui souhaite simplement une bonne vie. Qu’il continue à éclairer le monde. »
Une main tendue. Un regard. Un rire. Et tout un monde intérieur qui s’ouvre. Le Dalaï Lama, à 90 ans, continue de changer des vies. Et celle de Vimla, ici à Maurice, en est la preuve la plus touchante.

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