Victoire des Travaillistes en Grande-Bretagne : Maurice dans l’espoir d’une solution rapide sur les Chagos

L’arrivée au pouvoir des travaillistes au Royaume-Uni serait a priori de bon augure en ce qui concerne l’épineux dossier des Chagos. D’autant que certains dirigeants de la nouvelle majorité britannique se sont, dans le passé, exprimés en faveur de la rétrocession de l’archipel à Maurice. 

La grande victoire des travaillistes aux élections législatives britanniques, le 4 juillet, sera-t-elle bénéfique à Maurice sur la question des Chagos ? Du côté du gouvernement mauricien, on avance qu’on laisse le nouveau gouvernement s’installer avant de remettre le dossier à la table des discussions. Mais, à la vue des positions de certains dirigeants travaillistes, on espère pouvoir trouver un accord dans un délai plus ou moins rapide.

Pour rappel, sous le gouvernement conservateur, le gouvernement a vu le dossier de retour de l’archipel dans le portfolio mauricien être repoussé à de multiples reprises sous couvert de négociations qui s’éternisent.

Des négociations avaient été rouvertes en 2022. Celles-ci laissaient entrevoir la bonne foi des Britanniques sur la question. Le 29 avril dernier, Rishi Sunak, alors Premier ministre, devait laisser transparaître un espoir qu’un accord était encore possible. Un communiqué émis par le 10 Downing Street, le 29 avril, devait indiquer que Pravind Jugnauth, Premier ministre mauricien, et Rishi Sunak « ont discuté des progrès réalisés dans les négociations entre le Royaume-Uni et Maurice concernant l’exercice de la souveraineté sur le Territoire britannique de l’océan Indien/l’archipel des Chagos. Les deux dirigeants ont réitéré leur engagement en faveur d’un résultat mutuellement bénéfique et ont demandé à leurs équipes de continuer à travailler rapidement. Ils se réjouissent de pouvoir se reparler prochainement ». À l’époque, Rishi Sunak n’avait pas encore annoncé les élections.

Le parti travailliste britannique au pouvoir pourrait-il débloquer la situation ? « On a espoir que les choses pourront avancer dans le bon sens et qu’on pourrait enfin conclure un deal. Les pourparlers reprendront probablement là ou les conservateurs les ont laissés. Au niveau de Maurice, on ne change rien dans nos revendications et conditions. Notre position reste la même à propos de la base militaire de Diego Garcia, pour lequel nous sommes prêts à offrir un bail à très long terme moyennant un loyer », confie-t-on au Bureau du Premier ministre.

Point de vue différent

La preuve que les travaillistes britanniques ont un point de vue différent sur l’archipel, c’est bien l’engagement pris par Jeremy Corbyn, durant la campagne électorale pour les élections du 12 décembre 2019. Alors leader du Parti travailliste britannique, il s’était engagé à rendre les îles Chagos à Maurice s’il parvenait à devenir Premier ministre.

Questionné à l’époque par la presse anglaise sur la décision de la Cour internationale de justice, qui avait ordonné le retour des Chagos à Maurice dans un délai de six mois - délai qui avait expiré le 22 novembre 2019 -, Jeremy Corbyn avait déclaré être totalement en faveur d’une rétrocession.
« Je suis impliqué dans la campagne pour les Chagos depuis très longtemps. Ce qui est arrivé aux habitants des îles Chagos est absolument honteux. [Ils ont été] expulsés de force de leurs propres îles, malheureusement, par ce pays. Le droit de retour sur ces îles est absolument important en tant que symbole de la manière dont nous souhaitons nous comporter en droit international. Donc oui, nous allons le réaliser », avait-il alors affirmé. Ce point de vue était, à ce moment-là, épousé par son parti.

Et la position ne semble pas avoir changé chez les travaillistes. Le 10 juillet dernier, David Lammy, le tout nouveau Secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, équivalent du ministre des Affaires étrangères à Maurice, qui était alors un député de l’opposition, avait pris un engagement formel que Maurice espère bien voir respecté.

Dans un discours au Bingham Centre for the Rule of Law, il devait affirmer que « pendant des années, le gouvernement a ignoré les avis de la Cour internationale de justice, du Tribunal international du droit de la mer et de l’Assemblée générale de l’ONU concernant les îles Chagos. Ce n’est que tardivement que le gouvernement a recherché ce que nous réclamions depuis longtemps : un nouveau règlement qui amène le Royaume-Uni à se conformer au droit international, répare l’injustice historique faite aux Chagossiens, maintient l’environnement marin protégé autour des îles et répond aux préoccupations de sécurité stratégique ».

Il avait ajouté qu’« un principe central qui sous-tendra la politique étrangère du prochain gouvernement travailliste est le respect inébranlable de l’État de droit, tant en droit national qu’en droit international ».

Le nouveau Premier ministre britannique, Keir Starmer, est, pour sa part, un ami de Maurice. En 2013, celui-ci, qui était alors Directeur des poursuites publiques du Royaume-Uni, avait rencontré le Premier ministre d’alors, Navin Ramgoolam. Keir Starmer était à Maurice pour délivrer un discours dans le cadre d’un événement en l’honneur de l’ancien chef juge Rajsoomer Lallah. Navin Ramgoolam l’a d’ailleurs rappelé sur sa page Facebook, vendredi, tout en le félicitant pour sa victoire.

Dans ses félicitations, Pravind Jugnauth a, pour sa part, rappelé à Keir Starmer que « Maurice et le Royaume-Uni partagent des valeurs et principes communs » et souhaite que les deux pays « renforcent davantage leurs liens historiques ».

Quant à Jeremy Corbyn, il ne fait plus partie des travaillistes, mais a été réélu député comme candidat indépendant et fera, sans doute, pression sur le gouvernement par rapport au dossier Chagos.