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Victimes de prêts sur gages : ces familles qui ne savent plus quoi faire

Ils ont perdu leurs maisons et leurs terrains. Sans se rendre compte, plusieurs habitants du Sud du pays, notamment à Chamouny, Surinam et les endroits avoisinants, ont été pris au piège des prêteurs sur gages.

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L'Independent Commission Against Corruption (ICAC) s’est saisi, il y a peu, des dossiers des habitants du Sud qui ont été victimes des prêteurs sur gages. Le modus operandi des prêteurs sur gages, communément appelés casseurs, est simple. Ils proposent des prêts à des gens dans le besoin, et de manière rapide, sans qu’il n’y ait lieu pour le demandeur de suivre des procédures ou de remplir la paperasserie. Une fois le prêt accordé sur un papier blanc, l'objet ou le bien offert en garantie est vendu au prêteur. Au cas où celui qui contracte l’emprunt ne serait pas en mesure de respecter son engagement, ses biens seraient immédiatement saisis.

Depuis environ deux ans, une famille habitant le Sud du pays s'est spécialisée dans ce domaine. Ce n'est qu'au début de cette année que des éléments de la commission anti-corruption, sous la houlette de Navin Beekarry, ont eu vent de ces transactions. Pendant plusieurs mois, des opérations de surveillance et de recoupements d'information ont été menées auprès des victimes, et surtout des prêteurs sur gages. Et au début de ce mois, l'ICAC a monté une opération qui a vu l'arrestation des principaux protagonistes de ce réseau. Il s'agit des membres d'une famille qui s'enrichissaient de manière illicite. L'enquête de l'ICAC porte sur le blanchiment d'argent et l'acquisition irrégulière des biens. Les victimes sont déjà nombreuses.

Mélanie* a reçu le Défi Media Group à son domicile. Affligée par ce qu’elle a vécu et entourée de ses proches, Mélanie fait le récit des événements. Vers la fin de 2016, elle apprend la triste nouvelle de la mort de sa mère. Elle habitait alors à Grand-Baie, et décide de retourner à Surinam, où elle vivait durant son enfance. Elle retient les services d’un camionneur pour le déménagement. Mais arrivée devant la maison de sa mère, des individus s’y sont précipités.

L'enquête de l'ICAC porte sur le blanchiment d'argent et l'acquisition irrégulière des biens.

Après une brève conversation, elle finit par comprendre que ces gens ne comptent pas la laisser accéder la maison, car celle-ci n'appartient plus à sa famille. Mélanie enclenche alors une bataille légale et jure plusieurs affidavits. Lors de ces démarches, Mélanie, qui craignait déjà le pire, se retrouve face à la réalité. « La maison n'était plus la nôtre, c'était le choc », dit-elle. Elle a tout tenté pour récupérer la maison de ses défunts parents, là où elle a tant de souvenirs, mais en vain. Selon Mélanie, elle s'est rendue au chevet de son père, qui vivait dans une maison de retraite. Quelque temps après avoir entamé des démarches pour ramener son père à la maison, ce dernier est décédé. « Lin gagne tracas après ceki finne arriv nou lakaz et line décéder. » La jeune femme décide alors de récupérer sa mère, qui vivait avec son père dans la maison de retraite. En entamant les démarches légales, Mélanie apprend que la maison de ses parents n'appartient plus à sa famille. « Nous appran que terrain la ek solakaz tou finne vender. » Cette mère de famille ne sait pas où elle ira vivre. Et d’ajouter que son époux a aussi eu recours aux prêteurs sur gages de la localité. « Nous nepli koner ki pu fer. »

À l'issue de la perte de leurs biens, les proches de Mélanie sont considérablement affectés. « Mon père et ma mère ont travaillé pendant des années dans l'industrie sucrière. C'est grâce à leurs efforts que la famille avait fait acquisition de ce terrain, mais désormais ils ont tout perdu. » Après avoir vécu pendant 38 années sous le toit de leur maison, les prêteurs sur gages leur ont demandé de quitter les lieux. Brandissant les documents de propriété en main, ils ont demandé à Mélanie d'évacuer la maison. Les nouveaux propriétaires ont cependant proposé à Mélanie de louer la maison si elle voulait continuer à habiter. « Kuma moi zordi mo bisin louer mo lakaz ek ban qui fine coquin mo lakaz, pu mo kapav resté là ? », s’indigne-t-elle. Elle dit ignorer cependant si son père avait contracté un emprunt en mettant en gage la maison. « C'est toute notre famille qui souffre. Après avoir discuté avec les prêteurs sur gages, Mélanie dira qu’elle n’a pu trouver de solution. »

Ce n'est qu'après l'ouverture de l'enquête de l’ICAC qu'elle a entrevu une lueur d'espoir. Cette propriété était destinée à elle et sa sœur. Mais lorsqu'elle a enclenché les démarches pour compléter les procédures de partage de bien, elle s'est rendue compte de la situation. « Désormais nous voulons que les autorités prennent les actions nécessaires », dit-elle. Autant que Mélanie sache, ses parents n’ont jamais contracté d’emprunt bancaire. Les prêteurs sur gages ont aussi ciblé une autre maison, appartenant à sa famille. Elle dit ne pas comprendre comment les prêteurs sur gages sont devenus propriétaires de ses biens. « Banla fine fer magouille ek compliciter lezot dimmun », affirme-t-elle.

En août 2016, Samad*, habitant le Sud légalement, s’était retrouvé dans une situation financière embarrassante. Sur les conseils de quelques amis, il part à la rencontre d’un casseur habitant la région. Il était loin de se douter qu’un prêt de Rs 100 000 allait être  le début d'un calvaire. Après avoir remboursé la somme d’argent, il verra, deux semaines plus tard, ses biens emportés de sa maison. « Zot fine prend mo télévision, frigidaire, et bijoux »,  raconte-t-il. Aucun accord n’a pu être trouvé entre les deux parties. Pour l’intimider,  un groupe de gros-bras connu pour semer la terreur devait se présenter devant sa porte. Il n’a pu alors qu’assister, impuissant, à la scène. À ce jour, il fait partie de la quarantaine des victimes habitant le Sud du pays et figurant sur la liste de l’ICAC.

 

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