Vingt-trois ans après le meurtre de la styliste Vanessa Lagesse, l’homme d’affaires Bernard Maigrot a été reconnu coupable par une majorité de sept contre deux jurés aux Assises. Un verdict qui met en lumière les impacts des avancées médico-légales et les défis des longues procédures judiciaires.
Le jeudi 27 juin 2024, après plus de six heures de délibérations, les neuf jurés dans le procès intenté à l’homme d’affaires Bernard Maigrot le déclarent coupable, à une majorité de sept contre deux. Le verdict intervient plus de 23 ans après le meurtre de la styliste Vanessa Lagesse, alors âgée de 35 ans, dans la nuit du 9 au 10 mars 2001.
Bernard Maigrot, âgé de 62 ans, a été menotté par la police et conduit à la prison centrale de Beau-Bassin. Il comparaîtra à nouveau aux Assises le 16 juillet 2024 pour la plaidoirie sur la peine qui lui sera infligée. Des avocats examinent l’affaire et les implications de ce délai en relation avec la peine à être prononcée.
Me Neil Pillay : « Une première dans les annales »
Selon Me Neil Pillay, ce verdict est une première dans les annales judiciaires mauriciennes, survenant 23 ans après les faits. « C’est énorme, bien qu’il n’y ait pas de prescription dans les affaires pénales. » Cette affaire est marquante, car elle a été reprise plus d’une fois. « C’est très rare que la justice interrompe une affaire criminelle pour la relancer ensuite. Je pense que le juge devra prendre en compte le délai de 23 ans avant de prononcer la peine. » La peine, ajoute Me Neil Pillay, doit être conforme à la loi en vigueur à l’époque du crime, c’est-à-dire celle de 2001. « Si la loi a été modifiée pour devenir moins sévère, c’est la peine la plus clémente qui est appliquée », précise-t-il.
Me Shazaad Mungroo : « Une affaire hors du commun »
Pour Me Shazaad Mungroo, cette affaire est loin d’être ordinaire. « Il s’agit d’une affaire hors du commun. S’il est vrai que certaines affaires devant la Cour d’assises prennent du temps à aboutir, celle-ci a néanmoins pris 23 ans. À ma connaissance, je ne connais aucun autre cas qui ait été interrompu, puis relancé autant de fois », déclare-t-il. De nouvelles preuves scientifiques obtenues bien après l’enquête initiale ont nécessité la réouverture de l’enquête policière. « Le fait que le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) a prononcé un non-lieu (nolle prosequi) ne l’empêche pas de relancer les poursuites avec un nouveau procès », poursuit Me Shazaad Mungroo.
« L’accusé a vécu tout ce temps avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je suis convaincu que le délai de 23 ans entre la date du crime et la condamnation sera pris en considération lors du prononcé de la peine », anticipe Me Shazaad Mungroo.
Me Lovena Sowkhee : « La voix du peuple s’est exprimée »
Me Lovena Sowkhee souligne qu’aucune disposition légale n’interdit de juger une personne 23 ans après les faits, car les affaires pénales à Maurice ne sont pas prescrites. Bernard Maigrot dispose du droit de faire appel, précise-t-elle. « Lors d’un procès avec jury, les jurés incarnent la voix du peuple, et celle-ci s’est exprimée », déclare-t-elle. L’avocate insiste également sur le fait que les progrès technologiques et médico-légaux permettent de confronter les accusés à leur passé, tout en soulignant que le délai important écoulé pourrait influencer la peine prononcée, conformément à l’arrêt du Conseil privé dans l’affaire Prakash Boolell.
Me Yuvir Bandhu : « Le délai aura un impact sur la sentence »
L’avocat Yuvir Bandhu estime également qu’il s’agit d’un « cas unique ». Selon lui, le long délai écoulé aura un impact sur la détermination de la peine. Il évoque des jurisprudences établies qui considèrent qu’un retard excessif dans le jugement d’une affaire pénale constitue une violation de l’article 10(1) de la Constitution. « La cour examinera la complexité de l’affaire, le comportement de l’accusé, ainsi que celui des autorités administratives et judiciaires, avant de se prononcer », indique-t-il.
Conformément à l’article 215 du Code pénal, pour le délit de manslaughter dont Bernard Maigrot a été reconnu coupable, l’article 223(3) prévoit actuellement une peine maximale de 45 ans de servitude pénale. Cependant, précise-t-il, il faut tenir compte du fait que le délit a été commis en 2001, lorsque la peine applicable était d’environ 25 ans de prison. L’avocat anticipe néanmoins un probable appel dans cette affaire.
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