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À une semaine d’intervalle : Beendeeah et Amber meurent en donnant naissance

Sailesh Jhugaroo et Amber Kurmally L’époux d’une des victimes, Sailesh Jhugaroo. Amber Kurmally était enseignante.

Les familles Jhugaroo et Kurmally attendaient un heureux événement : la naissance d’un enfant. Mais cette joie a laissé place au désarroi. Beendeeah Jhugaroo et Amber Kurmally, les deux âgées d’une quarantaine d’années, sont mortes en couches à une semaine d’intervalle. La première nommée est décédée le mercredi 19 juin à l’hôpital du Nord, Pamplemousses, et le deuxième, le mardi 25 juin à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo. Le ministère de la Santé enquête.

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Sailesh Jhugaroo est un homme abattu. Mercredi 19 juin, il s’apprêtait à rendre visite à son épouse Beendeeah et à son bébé, né la veille à l’hôpital SSRN. Il était en compagnie de sa fille Nandeesha, 10 ans. Mais arrivés à l’hôpital, c’est le choc. On lui a annoncé que sa femme est décédée aux petites heures du matin. « Ce jour-là, quand nous sommes arrivés à l’hôpital, on m’a simplement autorisé à la déposer. On n’a pas voulu me dire ce qui se passait », dit-il.

Ce n’est qu’après qu’on a expliqué à Sailesh Jhugaroo qu’elle avait subi plusieurs examens avant l’accouchement : analyse sanguine et échographie, entre autres. Il a laissé son épouse à l’hôpital pour aller récupérer leur fille à l’école avec l’idée de revenir pour voir le bébé. Mais à leur retour, ils n’ont pu voir Beendeeah, le personnel leur a fait comprendre qu’elle n’avait pas encore accouché et que le médecin s’occupait d’elle, sans plus de détails. « On nous a dit d’aller attendre dehors », soutient Sailesh Jhugaroo. 

Selon Sailesh Jhugaroo, ce n’est que vers 16 h 30 qu’un médecin l’a informé qu’il y a eu des complications et qu’on a dû faire une incision à son épouse pour faire sortir le bébé. « On m’a dit que le cordon ombilical était enroulé autour du cou du bébé », explique-t-il. Selon lui, le personnel soignant aurait dû avoir « décelé ce problème lors de l’échographie et pratiquer une césarienne au lieu de la laisser accoucher par voie basse ». D’autant que le nourrisson pesait 3,4 kg à la naissance.

« J’étais là. Pourquoi ne m’a-t-on pas appelé pour m’informer de la situation ? » se demande-t-il. Sailesh Jhugaroo a appris que son épouse saignait abondamment. Malgré les nombreuses pintes de sang qu’on lui a administrées, son état de santé a empiré. « Le médecin m’a alors dit qu’il fallait lui enlever l’utérus afin d’arrêter l’hémorragie », dit-il.

Après l’intervention, Sailesh Jhugaroo explique qu’il n’a pu voir sa femme. Il a été contraint de revenir le lendemain matin. Il déplore le fait que personne ne lui a dit comment s’est passée l’opération. Ce n’est que quand il arrivait à l’hôpital, mercredi vers 6 heures qu’on l’a appelé pour l’informer du décès de son épouse. « J’ai été abasourdi, je ne savais plus quoi faire » dit-il.

Selon les explications qu’on lui a données, son épouse était anémique au début de sa grossesse et elle aurait raté certains traitements. « Au moment de l’accouchement, tout était normal. Comment peuvent-ils prétendre que son sang était faible ? Qu’a-t-on fait pour remédier au problème ? » demande Sailesh Jhugaroo.

Quant à son bébé, il a été placé à la Neonatal Intensive Care Unit, car il a des caillots de sang dans le cerveau, selon Sailesh Jhugaroo. « Linn pass dan sok me li bien », dit-il en se fiant à l’assurance donnée par le personnel médical. Cela fait une semaine que le petit est à l’hôpital. La famille a hâte qu’il rentre pour redonner vie à la maison endeuillée depuis la disparition de Beendeeah Jhugaroo.

Nous avons sollicité le ministère de la Santé, mais nous n’avons pas eu réponse au moment où nous mettions sous presse.


7 cas par an

Une moyenne de sept cas de mortalité maternelle est enregistrée chaque année. C’est ce qu’indiquent les chiffres du ministère de la Santé. Selon le Health Statistics Report, 10 cas ont été enregistrés en 2017 contre 6 en 2016. Le nombre était de 4 en 2010.


Bin Yamine Kurmally : «Je suis anéanti»

Bin Yamine Kurmally a perdu son épouse et son bébé et se retrouve avec deux enfants en bas âge (une fillette de trois ans et un bébé d’un an) sur les bras. Il espère avoir le courage pour surmonter cette épreuve.

C’est aux petites heures du mardi 25 juin que son épouse Amber Hassan Kurmally a commencé à se sentir mal. Enceinte de neuf mois, elle devait accoucher de leur troisième enfant le jeudi 27 juin. Conduite à l’hôpital en urgence par ambulance, elle perdra le bébé. « Elle n’était plus réactive à un certain moment. Je pense que c’est cela qui a provoqué la mort du bébé », tente d’expliquer Bin Yamine Kurmally. Il ne pensait pas à cet instant qu’il allait aussi perdre son épouse dans les heures qui allaient suivre. « Le médecin m’a alors expliqué qu’il fallait pratiquer une intervention chirurgicale pour extirper le bébé et qu’il faudrait aussi enlever l’utérus. L’état de ma femme était très critique ». Elle avait moins de 40 % de chance de survie, selon lui. Amber Hassan Kurmally n’a pas survécu à cette intervention. Elle est morte d’une hypovolémie, qui est une hémorragie abondante. (Voir hors texte). « C’était une très bonne épouse », dit-il en larmes. Enseignante, Amber Hassan Kurmally était d’origine pakistanaise.


Dr Nawoor, Regional Health Director de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo : «Un accouchement à un âge avancé peut provoquer des décès»

« Un accouchement n’est pas un exercice simple et comporte des risques. Différents problèmes peuvent surgir à tout moment », affirme le Dr Ismet Nawoor, gynécologue et Regional Health Director de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo. Il cite l’hypovolémie, qui est une hémorragie abondante qui peut entraîner le décès de la patiente.

Le décollement placentaire peut aussi s’avérer dangereux. Cela peut arriver au cours du 2e ou 3e trimestre de la grossesse. Il y a aussi le décollement prématuré du col utérin qui peut causer des saignements au cours du 2e ou 3e trimestre. Ce problème peut être détecté lors du traitement anténatal et des dispositions doivent être prises afin que l’accouchement se fasse par césarienne. « L’accouchement par voie basse est proscrit dans ce genre de situation », souligne le Dr Nawoor.

Dans d’autres circonstances, il y a l’atonie de l’utérus qui fait que le muscle ne se contracte pas et provoque alors une hémorragie. Mais certaines patientes peuvent souffrir d’un problème de coagulation, ce qui entraîne un saignement abondant.

Des problèmes peuvent surgir au niveau du bébé. Ce n’est cependant qu’au moment de l’accouchement que cela survient. Le cordon ombilical peut s’enrouler autour du cou, des membres ou du corps du fœtus et rendre l’accouchement plus difficile que prévu. Ce diagnostic ne peut se faire en amont affirme, le gynécologue. Pour lui, un accouchement n’est pas aussi simple même si les risques sont moindres. Il affirme que le taux de mortalité infantile et maternelle n’est pas « mauvais » même si « chaque décès est un cas de trop ». Il conclut en disant que l’âge est un grand facteur de risque pouvant provoquer ces types de décès, notamment la grossesse juvénile et au-delà de 30 ou 40 ans.

 

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