À Maurice, un nouveau centre offre aux femmes sans-abri ce qui leur manquait : un lieu d’accueil et d’accompagnement complet. Karousel a été inauguré hier.
Dans le petit salon d’accueil, des sofas aux tons pastel font face à une table de travail octogonale élégante. Les murs sont habillés d’un papier peint aux couleurs douces et apaisantes. Plus loin, une salle informatique équipée de huit ordinateurs, une cuisine fonctionnelle avec tout le nécessaire, et une salle de repos avec canapé et coussins confortables. Karousel, le premier centre d’accueil exclusivement dédié aux femmes sans domicile fixe à Maurice, vient d’ouvrir ses portes à Belle-Rose. L’ouverture officielle a eu lieu hier, lundi 24 novembre.
Alors que les hommes SDF disposent de trois centres résidentiels ouverts 24h/24, les femmes sans-abri n’avaient jusqu’ici aucun espace similaire. Le nouveau centre leur permet de prendre une douche chaude, de se restaurer, de se reposer et d’accéder à des services essentiels.
Le projet est porté par l’ONG Passerelle, active depuis une dizaine d’années auprès des femmes en détresse, avec le soutien de l’ambassade de France, la Poste et Accenture, notamment. « Karousel est avant tout le bébé de Passerelle, de sa conception à sa réalisation. L’accouchement n’a pas été sans douleur, mais l’équipe et moi y croyions. Forts de notre expérience, nous avons construit pierre par pierre ce qui est aujourd’hui une véritable fierté : Karousel », explique Mélanie Valère-Ciceron, la responsable du projet, journaliste de formation devenue travailleuse sociale.
Le centre s’appuie sur une étude menée par Passerelle. Selon ces données, la tranche d’âge des femmes SDF se situerait entre 35 et plus de 50 ans. Beaucoup sont jetées à la rue par leur famille pour diverses raisons. L’étude révèle aussi que 58 % d’entre elles ont déjà fréquenté des abris, ce qui démontre que le rôle de ces structures n’a pas suffi, sans doute par manque de suivi et de formation adaptée.
Formation et réinsertion
« Il ne suffit pas qu’une idée naisse dans la tête pour qu’elle se concrétise. Passerelle voulait se baser sur des chiffres, même approximatifs, concernant le nombre de femmes SDF dans nos rues. À partir de ces données, nous avons conçu Karousel, une ‘Maison d’action sociale’ sur mesure, alliant accueil (bain, repas, boissons, informatique, etc.), accompagnement, formation, écoute et même une boîte postale sociale, car souvent ces femmes sont à la fois SDF et sans adresse fixe (SAF). Nous remercions la Poste pour son soutien à ce projet », détaille Mélanie Valère-Ciceron.
Au-delà de l’hébergement d’urgence, Karousel mise sur l’accompagnement et la reconstruction progressive des femmes. Le centre dispose d’un studio équipé de micros et de casques pour dialoguer et échanger, d’un coin pour enfants et d’une boutique où elles peuvent vendre leurs créations.
Des partenaires comme Accenture mettent leurs cadres à disposition pour former ces femmes aux bases de l’informatique. « Cette formation est essentielle. Pour nous, manier la souris est banal, mais pour elles, c’est comme la magie de Noël. Cela leur permettra de remplir des formulaires et de mieux s’intégrer dans un monde numérisé », souligne la responsable du projet.
Lors de la cérémonie d’ouverture, la ministre de l’Egalité des genres, Arianne Navarre-Marie, le Junior Minister Kugan Parapen, Damien Legros, directeur du CCAS de La Réunion, Shalini Jugessur d’Accenture Maurice, et Quentin Biehier, conseiller culturel de l’ambassade de France à Maurice, ont salué cette initiative innovante.
Un parcours de ruptures
Sabrina, 36 ans, mère de trois fillettes, a accepté de témoigner à visage découvert. Employée dans une entreprise de la capitale, elle a vécu huit ans avec son compagnon avant que tout bascule. « Tout n’allait pas bien dans notre couple. Je suis séparée depuis quelque temps. Je viens de parents adoptifs et je suis fille unique. Quand j’ai décidé de le quitter, je ne savais pas où aller avec mes enfants. Certains amis nous ont accueillis, mais je ne pouvais en abuser », raconte-t-elle.
Après avoir erré de maison en maison, elle a frappé à la porte de Passerelle. « Depuis que nous vivons au centre, mes enfants vont à l’école, je travaille, nous sommes nourris, logés et blanchis, et j’ai une certaine paix d’esprit. »
Son objectif reste de retrouver un toit stable. « Tout le monde aspire à avoir un jour son propre logement. C’est mon souhait, même si je dois travailler dur et économiser. »
Des bénévoles engagées
Adrienne Perrine, 21 ans, s’est lancée dans le social dès la fin de son parcours scolaire. Elle s’investit pleinement sur trois plateformes : Passerelle, Dis-Moi et Karousel. « C’est inné, je ressens toujours le besoin d’aider les autres, surtout ceux dans le besoin. Un jour je suis à Passerelle, un autre à Dis-Moi comme Activism Support Coordinator, et je suis également bénévole à Karousel. Je suis ravie qu’il existe un centre d’accueil pour les femmes SDF : elles auront toute l’aide nécessaire, un bain chaud et des vêtements propres, grâce aux dons, car être sales et mal habillées fait d'elles des parias », explique la jeune femme.
Son message aux femmes en détresse est clair : « Ne vous laissez pas aller à l’abandon. Il existe des cellules et des personnes dévouées pour vous tendre la main. »
Audiha, d’origine guinéenne, est née en Côte d’Ivoire et vit à Maurice depuis une dizaine d’années. Elle a eu un véritable coup de cœur pour Passerelle et soutient aujourd’hui également Karousel. « Le phénomène de violence domestique progresse à Maurice, tout comme ailleurs dans le monde. Il est crucial d’éduquer les hommes sur la manière de respecter et de parler aux femmes. Malheureusement, les solutions tardent à venir de la part des autorités, car le sujet est complexe et beaucoup de personnes ne reconnaissent pas les différentes formes de violences – physiques, verbales, psychologiques, économiques. C’est un travail de longue haleine que Passerelle tente de mener avec les moyens dont elle dispose », dit-elle.
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