Le cabinet mauricien a approuvé la modification de l’accord de prévention de la double imposition (DTAA) avec l'Inde. Selon les opérateurs, le traité est pour l’heure dans un sens unique et est défavorable à Maurice.
Les autorités mauriciennes visent à élever la convention fiscale entre l'Inde et Maurice au rang d'accord fiscal couvert par l'initiative BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) MLI (Multilateral Instrument). C’est dans cette optique que s’inscrit la révision du traité Inde-Maurice. Le but est de se conformer aux normes minimales de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière d'érosion de la base d'imposition et de transfert de bénéfices.
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Maurice a signé la Convention multilatérale pour la mise en œuvre de mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (la MLI) en 2017. La plupart des conventions fiscales signées par Maurice intègrent déjà les dispositions anti-abus de l'Action 6 du BEPS, qui comprennent le Principal Purpose Test (PPT). Un protocole d’accord relatif au DTAA a été signé le 7 mars dernier. L’amendement va inclure un PPT qui déterminera si un investisseur étranger investissant en Inde via Maurice peut ou non prétendre aux avantages du DTAA. Les multinationales qui ont des entités en Inde et à Maurice seront quant à elles confrontées à des règles conventionnelles plus strictes.
Le protocole aura cependant un impact sur certaines structures mises en place à Maurice pour investir en Inde. Du côté de Rogers Capital, on soutient qu’il est peu probable que les transactions commerciales de bonne foi pour lesquelles l'avantage commercial l'emporte sur l'avantage fiscal soient affectées. « Il sera difficile de justifier la logique commerciale d'un Special Purpose Vehicle (SPV) créé à Maurice uniquement pour détenir des investissements dans une filiale en Inde, en particulier lorsque le seul but semble être d'acheminer les dividendes reçus de la filiale vers son actionnaire. Toutefois, il ne devrait pas être difficile de prouver l'intention commerciale d'une société holding établie à Maurice, qui détient des investissements dans diverses sociétés en Inde et dans d'autres pays », fait-on comprendre. Pour sa part, Kamal Hawabhay, Managing Director de GWMS Ltd, est d’avis que le PPT rend la situation plus difficile pour les investisseurs souhaitant utiliser Maurice pour investir en Inde. L’investisseur, explique-t-il, devra prouver que son but principal n’est pas de bénéficier d’une taxation favorable.
Bilatéral ou unilatéral ?
Le protocole va-t-il s'appliquer à des faits imposables survenus avant son entrée en vigueur avec des implications rétroactives ? Difficile à dire pour le moment. Toutefois, argue-t-on chez Rogers Capital, il semble qu'il sera applicable aux structures créées avant l'entrée en vigueur du protocole lorsque le fait générateur de l'impôt se produira après l'entrée en vigueur du protocole. « Lorsqu'une structure a été mise en place avant l'entrée en vigueur du nouveau protocole, il n'est pas clair si l'on doit se référer à l'ancien ou au nouveau préambule pour déterminer si la structure est conforme à l'objet et au but du traité. Il serait toutefois surprenant qu'il soit établi qu'une structure qui, au moment de sa création, était pleinement conforme à l'objet et au but du traité », poursuit-on.
Certains opérateurs ne cachent pas leur mécontentement concernant cette modification du traité. Ils mettent en doute les compétences des négociateurs au sein des autorités locales. Cela alors que l’Inde a choisi Maurice d’abord pour modifier ce traité avant les autres juridictions. « Les autorités indiennes regardent leurs propres intérêts. Le but de l’Inde est d’éliminer les autres centres financiers de la compétition au profit de son GIFT City. En fait-on de même à Maurice ? », se demande un opérateur. Un responsable d’une Management Company est d’avis que le gouvernement mauricien aurait dû négocier un accord gagnant-gagnant. Le risque d’un problème de contagion pour les autres traités, avance-t-il, est que d’autres pays fassent la même demande de modification avec Maurice. « Un amendement dans un traité ne concerne pas uniquement le ou les changements apportés, mais aussi la perception qu’auront les acteurs du monde entier », concède l’opérateur.
Par ailleurs, dans un communiqué publié le 12 avril dernier, les autorités indiennes soutiennent que les inquiétudes étaient prématurées. Elles précisent que le protocole n'avait pas encore été ratifié et n'était pas encore entré en vigueur. Ben Lim, CEO de l’Intercontinental Trust Ltd, insiste pour sa part que l’Inde n’est pas l’avenir du centre financier mauricien. Il préconise d’aller dans le sens de l’évolution vers un asset management centre ou un networth centre, entre autres. « Notre centre financier n’est plus comme avant. Il nous faut regarder les autres opportunités qui existent », conclut-il.
Quelques dispositions de l’accord
- Les deux gouvernements entendent éliminer la double imposition en ce qui concerne les impôts visés par la présente Convention sans créer de possibilités de non-imposition ou d'imposition réduite par la fraude ou l'évasion fiscale.
- Le protocole du DTAA représente l'engagement de l'Inde et de Maurice à s'aligner sur les exigences de l'action 6 du BEPS pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscales.
- En supprimant la formulation "pour l'encouragement du commerce et de l'investissement mutuels", l'objectif est d'exclure les transactions qui ne sont pas authentiques et/ou de bonne foi.
- Le PPT n'est soumis à aucune autre disposition de la convention fiscale.
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