Pour la dernière Private Notice Question de l’année, le leader de l’opposition s’est concentré sur la subvention du lait en poudre qui a coûté, selon lui, Rs 446 millions au contribuable depuis juillet dernier, alors qu’il n’y aurait pas eu de baisse du prix pour le consommateur. Le ministre Soodesh Callichurn soutient que cette subvention était nécessaire pour éviter une flambée des prix.
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Y a-t-il eu une exagération dans les subventions accordées aux importateurs de lait en poudre et si oui, pourquoi ? De juillet dernier à ce jour, la subvention sur ce seul produit aurait coûté Rs 446 millions au contribuable, « alors qu’il n’y a pas eu un sou de réduction sur le prix de ce produit pour les consommateurs », déplore Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition. C’était le sujet central de sa Private Notice Question (PNQ), au Parlement ce vendredi 17 décembre.
Le 9 juillet dernier, le gouvernement prend la décision de subventionner 35 marques de lait en poudre à hauteur de Rs 15 le kilo. La mesure prend effet le 12 juillet. Mais certains importateurs se plaignent auprès du ministre du Commerce, Soodesh Callichurn, que ce montant est « inadéquat » et qu’ils seront « lourdement pénalisés financièrement » si le gouvernement ne décide pas de débourser davantage. Quelques importateurs laissent même entendre qu’ils pourraient arrêter de faire venir ce produit, brandissant ainsi le risque d’une pénurie. Début septembre, la subvention passe donc de Rs 15 à Rs 30 le kilo avec effet rétroactif.
Hausse de la subvention « injustifiée »
Le comité technique du ministère du Commerce et du ministère des Finances, qui avait travaillé sur la première subvention, décide de mettre sur pied un « sous-comité technique sur une subvention additionnelle du lait en poudre ». Il se réunit les 10 et 13 août. Après analyse des données, cette instance estime que la demande des importateurs pour une hausse de la subvention est injustifiée.
Car, grâce à la première subvention de Rs 15 le kilo, « il a été noté que la marge de profit moyen est de 20,09 %. La marge la plus basse est de 6,14 % et la marge la plus élevée est de 33,7 % », peut-on lire dans le rapport en date du 17 août, rendu public par le leader de l’opposition.
Alors que deux importateurs ont affirmé faire des pertes, « aucune preuve documentée n’a été soumise pour soutenir cela », indique le rapport du sous-comité. Ce dernier conclut qu’il « n’est pas suffisamment justifié qu’il y ait une révision à ce stade. Il est proposé que la subvention actuelle soit maintenue pour le moment ». Il n’y a donc aucune nécessité de dépenser davantage d’argent public pour subventionner le lait en poudre.
Les ministres Padayachy et Callichurn prennent sur eux
Mais, deux semaines plus tard, retournement de situation. Le 2 septembre, dans un e-mail envoyé par Reshma Bibi Mohuddy, Assistant Permanent Secretary au ministère du Commerce, à Visvanaden Soondram, Deputy Financial Secretary du ministère des Finances, celle-ci indique que « suite au rapport du comité technique sur la subvention additionnelle sur le lait en poudre et suite aux discussions que le ministre des Finances a eu avec le ministre du Commerce », il y a du changement.
Elle ajoute qu’il est « entendu que les deux ministres sont, pendant leur discussion, tombés d’accord pour accorder une subvention additionnelle de Rs 15 aux importateurs de lait en poudre à la lumière d’une hausse des frais d’importation » et que cette décision doit être implémentée. Selon Xavier-Luc Duval, il n’y a eu aucun procès-verbal de cette « discussion » entre les deux ministres et ce seul fait aurait constitué « un délit grave » dans un autre pays.
La subvention passe donc de Rs 15 à Rs 30 le kilo avec effet rétroactif au 1er aout 2021. Avant d’arriver à cette décision, y a-t-il eu un second comité et si oui, a-t-il soumis un rapport pour justifier ces Rs 15 supplémentaires qui ont permis de doubler la subvention, insiste Xavier-Luc Duval lors de sa PNQ. Cela fait que la subvention sur le lait en poudre a atteint Rs 446 millions « alors qu’il n’y a pas eu un sou de réduction dans les prix. C’est un scandale ».
Interrogé à plusieurs reprises sur le doublement des subventions, le ministre Callichurn botte en touche. « Le comité n’avait pas pris en considération des coûts tels que la distribution, l’emballage, entre autres. Et nous avons décidé que ces frais devaient être pris en considération. »
Le ministre souligne aussi que les coûts d’opération sur le plan local ont augmenté de 19 % pour les importateurs de lait en poudre, mais le leader de l’opposition manifeste son désaccord. « Le ministre a dit que l’inflation est de 4 à 5 % cette année, mais il trouve que les coûts d’opération sur le plan local ont augmenté de 19 %. Qu’est-ce qui peut expliquer cette hausse de 19 % si l’inflation est de 4 à 5 % ?», demande-t-il.
Soodesh Callichurn soutient que ces chiffres « ont été travaillés par les techniciens du ministère des Finances. Je ne suis pas technicien. J’espère que (le leader de l’opposition) ne s’attend pas que je connaisse les détails techniques des chiffres. Il y a un ministère qui a ses techniciens pour travailler sur ces chiffres ».
Xavier-Luc Duval affirme ne pas être contre la subvention sur le lait en poudre, « mais chaque sou provient du contribuable. Vous avez donné Rs 446 millions de notre argent aux importateurs sans même leur demander de réduire leur marge de profit, ni leur prix pour le bien du consommateur. Il n’est pas trop tard. Au nom de l’intérêt public, je demande que la Mauritius Revenue Authority aille voir dans les livres de comptes de ces importateurs pour savoir où des profits excessifs ont été réalisés. Pour 90 % des importateurs, il n’était pas nécessaire d’accorder Rs 30 de subvention ».
Le leader de l’opposition estime que le prix du kilo de lait en poudre peut être réduit de Rs 20 à Rs 60 « avec effet immédiat ». Il souhaite que la même chose soit faite pour le lait en poudre pour bébé. Soodesh Callichurn n’est pas d’accord : « Qui va porter la responsabilité s’il y a une pénurie de lait en poudre dans les semaines à venir ? Si nous recevons des informations selon lesquelles le prix a baissé au niveau international, nous sommes prêts à prendre cela en considération. Agissons de manière responsable. »
La subvention de sept produits de base étendue jusqu’au 30 juin
Les subventions sur le poisson en conserve (sardines et pilchards), le lait en poudre, la margarine, les légumineuses, l’huile comestible, le fromage et les tomates en conserve sont maintenues jusqu’au 30 juin 2022 afin de « protéger les consommateurs », a annoncé le ministre du Commerce, Soodesh Callichurn. Le subventionnement de ces produits alimentaires, qui est entré en vigueur en juillet dernier, devait prendre fin le 31 décembre. La décision d’étendre cette mesure a été prise à l’issue d’un comité tripartite qui s’est réuni les 2 et 9 décembre. Au cours de ces réunions, les importateurs ont fait valoir qu’ils sont toujours confrontés à une hausse des prix de leurs marchandises, mais aussi du coût du fret et d’autres postes de dépenses.
Le lait pour bébé passe de Rs 289,32 à Rs 351,98
Selon une analyse effectuée par les officiers du ministère du Commerce, le prix du lait en poudre pour bébé a connu une forte hausse en deux ans. De Rs 289,32 le kilo en 2019, il est passé à Rs 322,88 le kilo en 2020, soit 11,6 % de plus. Cette année-ci, le prix du kilo a atteint Rs 351,98, soit une hausse de 21,7 % par rapport à 2019. Ces chiffres excluent la marge des importateurs et des revendeurs. « D’autres éléments du coût sont encore en train d’être analysés. Une décision sera prise à la lumière des résultats de cette analyse », affirme le ministre Callichurn.
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