Les conclusions du tout dernier sondage Afrobarometer consacré à l’importance du patriotisme et de l’appartenance communautaire ont mis en lumière certains clivages. Il brosse un portrait identitaire de la société mauricienne. Que faut-il en retenir ?
Dans le dernier sondage Afrobarometer de Straconsult, 55 % des personnes interrogées disent accorder la même valeur à leur identité nationale qu’à celle de leur groupe ethnique. Si 13 % des sondés affirment que leur appartenance communautaire importe davantage alors que 5 % s’identifient uniquement à leur communauté , dans l’ensemble « plus de huit Mauriciens sur dix (83 %) déclarent accorder au moins autant d’importance à leur identité nationale qu’à celle de leur groupe ethnique ». Faut-il s’en inquiéter ? Doit-on y voir les prémices d’un repli identitaire ? Le constat des observateurs que nous avons interrogés est sans appel. Selon eux, la fibre patriotique s’étiole.
Le père Filip Fanchette met ce penchant pour l’identité ethnique et la perte du sens du mauricianisme sur le compte d’une perte des valeurs. « Avec tout ce qui s’est passé ces derniers temps, les Mauriciens sont dégoûtés et se réfugient dans l’ethnicité. Ils oublient qu’ils sont avant tout des Mauriciens. Puis, il y a ce repli identitaire quand notre pays s’approche trop d’un autre, les autres communautés se cambrent, le mauricianisme fout alors le camp », dit le prêtre.
Il avance aussi que « les jeunes ne se regroupent plus juste entre eux, mais en communauté sur les réseaux sociaux ». « Ils défendent leurs causes entre eux, sans penser aux autres. Il y a un repli sur soi qui est dangereux », souligne le père Fanchette.
Quant à Faizal Jeerooburkhan, de Think Mauritius, il parle d’érosion des valeurs. « Il y a quelque chose qui va mal et le constat de ce sondage est flagrant. Le mauricianisme se perd, alors que c’est important pour le pays », fait-il ressortir. L’observateur prend l’exemple de Singapour. « À l’université, les étudiants sont regroupés entre eux et ils sont fiers d’être Singapouriens. C’est remarquable. Mais à Maurice, on n’encourage pas le mauricianisme pour que quand les jeunes deviennent adultes, ils aient ce sens d’appartenance au drapeau », déplore-t-il.
Faizal Jeerooburkhan en conclut que « la fibre patriotique se perd, à voir le sondage ». « C’est à l’école qu’il faut enseigner les valeurs citoyennes et le respect de la patrie. Il faut introduire l’éducation à la citoyenneté dans le cursus pour former des adultes patriotes », ajoute-t-il.
Le député du Parti travailliste Shakeel Mohamed affirme, pour sa part, ne pas être étonné par ces chiffres mis en avant dans le sondage Afrobarometer. Cela, car selon lui, à Maurice, « on a institutionnalisé l’éthnicité ». « Si on compare les chiffres, le nombre de Mauriciens qui pensent avant tout en termes ethniques a augmenté, l’arc-en-ciel est en phase de destruction et cette dégradation a empiré depuis que ce gouvernement est au pouvoir », estime le parlementaire. « Ce qui me dérange, c’est que n’importe quel enfant ne peut aspirer à diriger ce pays. Pourquoi un Premier ministre doit-il être issu d’une seule communauté et d’une caste spécifique ? Pourquoi le DPM devrait toujours être d’une certaine communauté ? Le pays a dans son ADN des citoyens de deuxième grade. »
Au niveau de Rezistans ek Alternativ, qui mène un combat de longue haleine contre l’obligation de déclarer son appartenance ethnique pour pouvoir participer aux législatives, on ne veut pas faire de commentaire officiel parce que l’affaire est toujours devant la Cour. Mais selon un membre, ce sondage est contestable.
« Les questions sont ‘loaded’, voire préjugées. C’est quoi l’ethnicité ? Personne ne peut répondre à cette question. Notre combat se base sur le fait qu’on ne peut nous classifier dans n’importe quelle catégorie », fait-il valoir.
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