La nomination de Somduth Dulthumun comme président du Mauritius Museum Council en 2020, ainsi que ses nouvelles activités dans le secteur bancaire, mettent en lumière son impact significatif en tant que figure-clé tant dans le paysage des organisations socioculturelles que dans la vie politique.
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à Maurice, les groupes socioculturels exercent leur influence de diverses manières. Ils agissent souvent en tant que lobbyistes, cherchant à convaincre les décideurs politiques de soutenir des causes spécifiques servant leurs intérêts. Leur accès aux représentants élus leur confère un pouvoir significatif dans les coulisses du pouvoir.
Dans le contexte politique mauricien, de nombreux observateurs soulignent l’impact majeur des groupes socioculturels sur la mobilisation électorale. En incitant leurs membres à s’engager politiquement, ces groupes exercent une influence notable sur les résultats des élections et par conséquent, sur les orientations politiques adoptées par les autorités gouvernementales.
La proximité entre les dirigeants des organisations socioculturelles et la classe politique, en particulier ceux au pouvoir, génère de vifs débats et de grandes controverses. Souvent, l’opinion publique considère que cette proximité ne sert qu’à promouvoir les intérêts des politiciens et des organisations socioculturelles, au détriment de l’intérêt public.
Un cas emblématique illustrant ces débats est celui de Somduth Dulthumun, ancien président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF). Ayant bénéficié du soutien du Parti travailliste (PTr) à travers des nominations au conseil d’administration d’institutions publiques telles que l’Information and Communication Technologies Authority (Icta), Somduth Dulthumun continue de jouir de certains privilèges politiques.
Sa nomination peu après les élections générales de 2019 en tant que président du Mauritius Museums Council, suivi de son implication dans la Banque Patronus Limitée (il est parmi les directeurs de cette banque qui vient d’obtenir une licence de la Banque de Maurice ; NdlR), souligne une fois de plus les liens étroits entre la politique et les organisations socioculturelles.
Afin de mieux appréhender l’influence et le mode de fonctionnement des organisations socioculturelles à Maurice, Le Défi Plus a recueilli le point de vue de Navin Unoop, vice-président de la Voice of Hindu (VoH). Cette organisation, qui avait établi des liens non négligeables avec le PTr entre 2005 et 2014, était devenue une force incontournable qui, aux yeux de l’opinion publique, était perçue comme capable d’exercer une influence déterminante.
Navin Unoop met en lumière comment la VoH est parvenue à devenir un acteur politique majeur sous le gouvernement du PTr. « Notre organisation était en mesure de défendre les intérêts de la communauté et d’agir comme un groupe de pression lorsque c’était nécessaire, notamment dans des situations de difficulté pour les membres de la communauté », dit-il.
À la question de savoir comment la VoH a réussi à obtenir l’écoute du gouvernement travailliste, Navin Unopp souligne que durant la campagne électorale de 2005, la VoH avait été attentive aux promesses du PTr et de ses candidats, qui s’étaient engagés à soutenir leurs actions. « Nous avions clairement fait comprendre que nous allions scruter leurs actions une fois au pouvoir afin de vérifier s’ils tenaient parole », affirme-t-il. « Nous avions également fait comprendre que si nos revendications étaient ignorées, nous ferions pression, à travers des manifestations et des grèves, ainsi qu’en rendant la vie des ministres difficile dans leurs circonscriptions. »
L’influence de la VOH était telle que ce groupe socioculturel, d’après plusieurs éléments d’information, parvenait souvent à se tirer d’affaire lorsque ses membres étaient impliqués dans des affaires d’agressions. De plus, la VOH avait étendu ses tentacules dans les affaires publiques du pays, notamment en décrochant des contrats de plusieurs millions de roupies.
Les membres de la VOH étaient réputés pour remporter plusieurs contrats pour assurer le transport des employés d’Air Mauritius ou d’Airports Mauritius Limited. « Oui, nos membres avaient obtenu plusieurs contrats durant cette période, mais uniquement après avoir participé à des appels d’offres, tout comme d’autres entreprises », précise Navin Unoop.
Les organisations socioculturelles et leur impact sont souvent critiqués, tant par l’opposition que par d’autres observateurs, en raison de leur proximité avec les partis au pouvoir. Cependant, il est intéressant de noter que lorsque ces mêmes partis de l’opposition accèdent au pouvoir, ils semblent céder à l’influence de ces organisations socioculturelles. Navin Unoop souligne que la VOH a su maintenir des relations avec les différents Premiers ministres ayant dirigé le pays, des Ramgoolam aux Jugnauth, en passant par Paul Bérenger.
S’il est aujourd’hui indéniable que Somduth Dulthumun entretient des relations privilégiées avec le Mouvement socialiste militant (MSM), il est intéressant de noter que Pravind Jugnauth avait précédemment critiqué l’influence de cet homme entre 2011 et 2014. Le leader du parti soleil s’était interrogé sur les compétences de l’ancien président de la MSDTF, qui siégeait alors comme membre du conseil d’administration de l’Icta.
L’ironie a voulu que ce soit sous ce même gouvernement dirigé par Pravind Jugnauth que Somduth Dulthumun a obtenu une nomination politique. Au sein du MSM, on reconnaît volontiers l’impact de ce dernier aux élections générales de 2019, où il avait ouvertement critiqué les propos tenus par Navin Ramgoolam lors d’un meeting à Plaine-Verte. Ces critiques, selon le MSM, ont eu un poids significatif auprès de la communauté majoritaire à Maurice.
L’influence des organisations socioculturelles dans la vie politique d’un pays envoie cependant un signal préoccupant, selon l’observateur politique Faizal Jeerooburkhan. Il souligne que le développement d’un pays repose sur plusieurs impératifs, tels que la démocratie, le patriotisme (le mauricianisme dans le cas présent ; NdlR), la méritocratie, la transparence, l’égalité des chances et la bonne gouvernance.
Cependant, dit-il, lorsque les organisations socioculturelles parviennent à influer sur la vie politique d’un pays, les principes démocratiques sont faussés. « Les grandes corporations, par exemple, donnent de l’argent aux partis politiques et, en retour, reçoivent souvent des avantages considérables. En revanche, les socioculturels n’offrent pas d’argent. Ils promettent des votes en échange d’un retour d’ascenseur », dit-il, avant d’ajouter : « Cela signifie-t-il qu’on peut travailler sans se soucier du communalisme, du castéisme, de la compétence, de la fraude et de la corruption. »
Alors que nous nous approchons à grands pas des prochaines élections générales, cet épisode impliquant Somduth Dulthumun vient une nouvelle fois souligner l’importance du rôle que devraient jouer les organisations socioculturelles dans ce contexte électoral…
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