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Secteur du transport : quelles réformes pour plus d’efficacité?

C’est un service essentiel pour la mobilité des citoyens, permettant à tous de se déplacer de manière abordable et accessible. Pourtant, le transport public fait l’objet de vives critiques de la part des usagers, qui se plaignent des conditions souvent déplorables. Retards récurrents, bus vétustes et surpeuplés... sont autant de problèmes soulevés par des passagers. Quelles sont les réformes à adopter pour un transport public plus efficace ? Le point. 

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Main-d’œuvre : véritable casse-tête chinois

Le Finance Director chez UBS, Muhammad Haji Adam, explique que le secteur du transport fait face à de gros problèmes de main-d’œuvre. « Les chauffeurs, receveurs et mécaniciens partent à la retraite et ne sont pas remplacés. Aujourd’hui, tous les enfants vont à l’école et à l’université. Il n’y a plus de travailleurs disponibles. Les entreprises sont donc obligées de recruter des travailleurs étrangers », fait-il ressortir. 

Il indique que des mécaniciens étrangers ont été recrutés pour pallier le manque. Toutefois, pour les chauffeurs, c’est encore au stade de la demande pour obtenir les permis de travail. « La plus grande réforme à faire est de faciliter le recrutement des travailleurs étrangers. C’est un secteur labor-intensif. Sans chauffeurs ni receveurs, les bus ne peuvent pas rouler. Quelle que soit la réforme envisagée, la première étape est la main-d’œuvre. Sans ça, pas de progrès possible », souligne Muhammad Haji Adam.

Le Finance Director de UBS affirme que quand il a rejoint le secteur du transport il y a 25 ans, il était facile de recruter. Mais avec le vieillissement de la population, c’est devenu plus difficile. « Certes, il y a des secteurs qui peuvent être automatisés, mais cela ne s’applique pas au transport. Quand les gens arrivent à l’arrêt de bus, ils veulent savoir quand le bus arrive. Mais si on n’a pas de main-d’œuvre, le système va flancher avec l’absentéisme », estime-t-il. 

Sunil Jeewoonarain, secrétaire de la Mauritius Bus Owners Cooperative Federation, abonde dans le même sens. « Nous constatons qu’une centaine de bus ne sont pas en opération par jour en raison du manque de chauffeurs et de receveurs. Déjà, il y a des postes à remplir, mais ajouté à l’absentéisme, cela perturbe le service. Encore une fois, le gouvernement doit décider d’apporter un soutien, non pas pour remplacer les Mauriciens, mais pour combler le manque de main-d’œuvre », dit-il.

Il ajoute que si les opérateurs mettent la clé sous le paillasson, cela signifie des pertes d’emplois. « Si nous voulons la survie de ce secteur, il faut faire appel à la main-d’œuvre étrangère. Si à l’avenir, nous avons des ressources sur le plan local, bien évidemment nous allons prioriser les chauffeurs et receveurs mauriciens, car cela coûte plus cher d’importer de la main-d’œuvre », affirme notre interlocuteur. 

Sunil Jeewoonarain explique que lorsque le personnel fait défaut, des problèmes d’indiscipline surviennent. « En revanche, lorsque nous avons suffisamment de main-d’œuvre, nous pouvons instaurer une discipline qui permettra d’améliorer progressivement le service », croit-il. 

Le directeur de la CNT, Rao Rama, met également en exergue cette pénurie de main-d’œuvre. Ce qui, selon lui, est un défi à relever. « Bien que ce problème soit moins accentué chez nous, les autres opérateurs rencontrent de grandes difficultés. L’absentéisme est un problème, même avec plus de bus, car il faut davantage de personnel pour assurer le service », soutient-il.

Recette

Le système de recette est aussi à revoir. « Si on veut des transports modernes comme dans les grands pays, ça a un coût. Il faut des financements, soit par une aide de l’État, soit par une augmentation des tarifs », avance Muhammad Haji Adam.

Système cashless

Avec la modernisation à Maurice, Sunil Jeewoonarain est d’avis qu’un « cashless system » doit être adopté, ce qui, à son avis faciliterait le travail des employés et des passagers. « Une carte universelle à travers l’île serait idéale, autrement en avoir une carte pour chaque opérateur compliquerait énormément le système. Les voyageurs devraient pouvoir l’utiliser dans n’importe quel bus et partout dans l’île », recommande-t-il. 

Application mobile

Sunil Jeewoonarain pense qu’il est essentiel que les usagers bénéficient d’un bon service. Pour lui, cela implique l’utilisation de la technologie. « Ils doivent savoir à quelle heure le bus arrive à l’arrêt. Il est inacceptable de perdre du temps à attendre un bus, surtout s’il n’y a pas de visibilité sur son heure d’arrivée. Si des outils précis sont disponibles, comme une application mobile, cela peut grandement améliorer l’expérience des passagers », plaide-t-il. 

Au niveau de la CNT, le directeur Rao Rama revient sur l’aspect de la digitalisation, ajoutant que la compagnie a lancé son application mobile, Mobis. « Ce qui permet à chaque passager d’avoir des informations sur les bus. En ouvrant l’application, ils peuvent voir où ils se trouvent et quand le bus va passer. Cela permet aux gens de ne pas perdre de temps et d’optimiser leur trajet », précise notre interlocuteur. 

Certaines personnes ont recommandé que des écrans soient installés aux arrêts d’autobus pour que les passagers soient informés sur les bus qu’ils attendent. Sunil Jeewoonarain ne pense pas que cela soit une solution. 

« Les écrans aux arrêts de bus ne sont pas toujours fonctionnels, et il y a encore des cas de vandalisme. Tout le monde possède un portable ou un ordinateur portable, il n’est donc pas nécessaire d’inventer de nouveaux systèmes. Une application mobile est mieux adaptée », lance notre intervenant. 

Gestion de flotte

Sunil Jeewoonarain estime que nous avons besoin d’une autorité qui exerce un certain contrôle via un système de gestion de flotte (« fleet management ») à mettre en place. « Le réseau de bus doit être en mesure de fournir des données en temps réel. En cas de plaintes dans une région, il est crucial d’agir rapidement, et non après un ou deux mois. À travers un tel système, les informations pourront être traitées avec preuve et en peu de temps », dit notre interlocuteur qui estime que ce système pourrait servir de prévention contre les défaillances. « Il y a des brebis galeuses parmi les opérateurs et personne ne sait s’il y a une surveillance adéquate. Chaque fois qu’un problème survient, les autorités doivent prendre des sanctions. Si un opérateur ne respecte pas les règles, il doit être retiré du système et ne pas blâmer l’ensemble de ce dernier pour les erreurs de quelques-uns », estime-t-il.

Service de qualité

Il est important de maintenir un service de qualité. « Il faudrait mettre en place un système qui répond aux attentes des usagers avec l’assurance que les bus effectuent leurs trajets dans les délais. En cas de plainte, il faut rectifier la situation le même jour », fait ressortir Sunil Jeewoonarain.

Formation 

Rao Rama soutient que la formation est tout aussi essentielle. « Nous avons mis en place une formation pour les chauffeurs et receveurs afin d’améliorer le service. Les plaintes portent souvent sur le comportement brutal des employés. Il est donc essentiel d’intégrer un volet axé sur la courtoisie. Nous avons un lot de 800 contrôleurs, et cette année, nous espérons également former les chauffeurs », indique-t-il.

Selon Rao Rama, pour améliorer le service, la CNT a recruté une soixantaine de trafic officers / supervisors pour être sur le terrain, dans les gares et sur les routes. Leur rôle est de gérer les bus dans les gares, de vérifier que les horaires soient respectés et que les chauffeurs et receveurs effectuent leur travail correctement. Il est à noter qu’environ 1 800 personnes travaillent comme chauffeurs et contrôleurs. 

Renouvellement de la flotte

Certes, le gouvernement a fait un grand pas, mais nous devons revenir aux bus conventionnels, arguant que les modèles « semi-low floor » ne sont pas adaptés à notre système actuel. « L’infrastructure n’est pas adéquate et la forte consommation de diesel étouffe les opérateurs. Chaque fois qu’il y a des inondations, les bus ne peuvent pas circuler. Les modèles conventionnels doivent être remis en circulation et il y a eu 150 demandes pour en changer. La flotte vieillit et le processus de renouvellement doit se poursuivre. Cela aiderait à améliorer le service, réduire les pannes et augmenter la fréquence des trajets », souligne Sunil Jeewoonarain. 

De son côté, Rao Rama, directeur général de la CNT, explique qu’un plan stratégique a été mis en place lorsqu’il a pris ce poste il y a quatre ans. L’objectif était d’améliorer le transport public. « Il est nécessaire de renouveler la flotte, car près de la moitié des véhicules ont plus de 10 ans, et certains ont même 16 ans. Pour assurer un service fiable, il faut des autobus à l’heure et en bon état. Nous devons renouveler 360 véhicules et nous nous battons actuellement pour cela », déclare-t-il.

Il se réjouit que des pays amis, dont l’Inde et la Chine ont proposé de fournir des bus. « Ces véhicules devraient arriver avant la fin de l’année, ce qui allégera le manque actuel. Le mois dernier, 20 nouveaux bus ont été mis sur nos routes et ils sont déjà très sollicités. Le confort est une chose, mais avoir encore plus d’autobus neufs changerait la donne », ajoute-t-il. Rao Rama confie que la CNT planifie de mettre sur les routes 100 bus diesel et 200 bus électriques en provenance d’Inde. Ce changement fera toute la différence, car il entraînera une réduction de la consommation de diesel et des coûts de maintenance. 

Sidharth Sharma : «le transport doit être considéré comme une Essential Utility»

Le CEO de RHT, Dr Sidharth Sharma explique que comme dans le monde entier, le métro ne peut exister en isolation. « Beaucoup de gens souhaitent prendre le métro, mais doivent encore marcher longtemps pour atteindre leur destination finale. Cela met en évidence la nécessité de solutions multimodales, car 60 % des usagers descendent à des arrêts intermédiaires non desservis par le métro », constate notre interlocuteur. 

Selon lui, le modèle idéal serait d’avoir un système de transport gratuit, comme à Luxembourg, où les employeurs remboursent déjà une partie des frais de transport pour leurs employés. « Le transport doit être considéré comme une Essential Utility, comme l’électricité ou le téléphone. Il faut une inter-connectivité entre les différents  modes de transport public », estime-t-il. 

Pour améliorer le système de transport public, Dr Sidharth Sharma affirme qu’il est  essentiel d’avoir un système d’information pour les passagers où ils ont toutes les informations nécessaires sur les trajets, les horaires et autres détails, ainsi que des bus « confortables et bien entretenus ». Il propose également des corridors dédiés aux bus et taxis pendant les heures de pointe.

Le CEO de RHT souligne par ailleurs que le renouvellement de la flotte de bus est actuellement entravé par des problèmes de financement. « Le gouvernement devrait encourage l’utilisation de moteurs thermiques en offrant des subventions intéressantes pour les bus électriques », plaide ce dernier, tout en insistant sur l’importance d’une « planification et d’une vision claire » pour faire de Maurice une vitrine de mobilité efficace pour les touristes et citoyens.

Raffick Bahadoor : «sans un ministre compétent, les choses ne vont pas changer»

Le président de la Taxi Proprietors Union, Raffick Bahadoor, soutient depuis toujours que les taxis ont un rôle capital à jouer dans le système de transport. Cela fait un moment qu’il plaide pour que ceux-ci y trouvent leur place. « Sans un ministre du Transport compétent, les choses ne vont pas changer. Actuellement, on a un avocat qui est ministre. Sauf qu’il n’a pas les compétences et souvent, il est mal avisé par ses conseillers », estime-t-il. 

Pour lui, cet aspect est primordial si on veut que le système de transport fonctionne avec tous les acteurs concernés : bus, taxi et métro, il faut apporter un véritable changement. 

L’État débourse plus d’un milliard de roupies en subventions

Pour l’année financière 2024/25, débutant le 1er juillet, le gouvernement prévoit de dépenser Rs 1,3 milliard. Une partie de ces fonds sera aussi allouée à Metro Express Ltd. Pour les années 2025/26, une somme estimée à Rs 1,37 milliard est également prévue, soit le même montant alloué pour l’année 2023/2024. Par ailleurs, pour l’année financière se terminant le 30 juin 2022, l’État a déboursé exactement Rs 1 148 922 575 pour financer le transport gratuit aux étudiants et les personnes du troisième âge.

La Corporation Nationale de Transport (CNT) et les quatre autres compagnies privées de transport public ont reçu un montant fixe de Rs 59 208 000 chaque mois durant l’année financière 2021/22. Quant aux compagnies de bus individuelles, la subvention mensuelle varie de Rs 37 000 à Rs 55 000, en fonction de la route qu’elles desservent et du nombre de passagers transportés.
 

Bon à savoir

Le Free Travel Scheme, introduit en 2005, est un programme gouvernemental offrant la gratuité du transport public à certains citoyens mauriciens. Cette initiative est née d’une promesse électorale de l’Alliance sociale menée par le Parti travailliste. L’alliance de l’opposition PTr-MMM-ND envisage d’aller encore plus loin si elle accède au pouvoir lors des prochaines élections. Sa proposition inclut le transport gratuit pour tous, ainsi que la gratuité des transports scolaires.

Le gouvernement et son soutien au système de transport public

Dans son discours budgétaire 2024/2025, le ministre des Finances a indiqué que les transports publics font partie de la stratégie de verdissement du gouvernement pour réduire les émissions de carbone. « Nous continuerons à soutenir notre système de transport public », a indiqué Renganaden Padayachy. En parlant du projet Metro Express, il a indiqué que la prochaine phase de développement permettra d’atteindre La Vigie, Saint-Pierre, Côte-d’Or et le terminal d’immigration. « Nous poursuivrons le développement d’un plan directeur pour relier le Metro Express au Nord, au Sud, à l’Est et à l’Ouest », a-t-il ajouté.  

Par ailleurs, le ministre des Finances a indiqué que, pour maintenir le prix du billet des trajets en bus, le gouvernement allait payer la compensation salariale supplémentaire de 2024 pour l’industrie des autobus. Le « Bus Modernisation Scheme » pour l’achat de bus électriques sera aussi prolongé jusqu’en juin 2025.

Commentaires des internautes 

  • Žane Kaiden : « À mon avis, les moyens de transport effectivement répondent aux besoins du public, mais c’est plutôt les routes qui sont de nos jours de moins en moins praticables. Bane chemin la petit et embouteillages plein tous les jours. Lor grande route dans fast lane aussi ena embouteillages. Li pas normal ki avec l’avancement et la capacité de modernisation ki nous ena de nos jours, nous retrouve nous kumadr lepok longtemps, p bizin atan 30 - 40 min dans embouteillage. Ti bizin soit construire bane fly over pu relier bane la ville clé ».
  • Ashaf Mohabuth: « Augmenter les lignes du métro (sous terrain ou pilotis de préférence) dans les régions urbaines, et accessible à pieds même depuis des Morcellements, la ou même les autobus n’y accèdent point.».
  • Jardin de Romain: « Mettre des ecrans avec les heures precises de passage. Savoir tout simplement quelle ligne passe par quel endroit. C’est incroyable que tout cela ne soit pas encore fait ».
  • Manoj Hanoomanjee: « Quel transport public? Celui des villes ou des villages? Il n’y a pas un réseau public homogène à Maurice. »
  • Irshad Perally : « La voie ferrée du Tram nest pas conforme à la topographie de l’île et doit être revue. Croisant les jonctions principaux en mode surface créé des énormes bouchons dans les villes. Il est grand temps d’introduire le péage afin de réduire le volume des véhicules et utiliser ce fonds pour la maintenance des routes. Un bus lane est un must avec des véhicules plus adaptés (CO2 low carbon) pour la protection de l’environnement. Les vieux briscards de +15 ans doivent rentrer au garage pour de bon. Enfin le confort des transport public laisse a desirer et il y a mieux a faire avec les véhicules de la nouvelle génération (climatisée, cashless, respectant le schedule etc… ) »
  • Meena Lilas : « SÉCURITÉ, CONFORT, PROFESSIONNALISME ET PONCTUALITÉ ! Tout ce qui manque aujourd’hui... »
  • Gaëlle Galante: « Ce serait bien si les horaires des bus pouvaient être communiqués au public et que ces horaires puissent être respectés par les agents des transports en commun, notamment pour les « Bis Individiel». Cela aurait été encore mieux si la NTA effectuait plus de contrôle auprès des «chefs de gare» pour assurer de meilleurs flux. Les horaires et le nombre de bus pendant les « heures de pointe » sont a revoir. Exemple : Il n’est pas évident de n’avoir qu’un seul bus pour la ligne 200 L’Escalier à Ebène entre approx 16:15 et 18h alors que la demande est forte ». 
 

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