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Sécheresse : et si la solution était de recouvrir les réservoirs ?

Des «shade balls» sont utilisées pour recouvrir la surface des réservoirs.

Environ 30 %, voire plus, du contenu des réservoirs à Maurice s’évapore. Certains pays touchés par la sécheresse ont décidé de recouvrir certains de leurs réservoirs pour endiguer le phénomène. Serait-ce une solution envisageable à Maurice ?

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L’absence de pluie n’est pas le seul facteur contribuant à la baisse du niveau de remplissage des réservoirs. L’évaporation, dans un pays où il fait chaud comme Maurice, est également un phénomène non négligeable. Il est d’ailleurs estimé qu’environ 30 % du contenu des réservoirs s’évapore. Pourtant, selon Nishal Joyram, une solution serait d’avoir recours à un projet de « shade balls », c’est-à-dire remplir la surface des réservoirs avec des boules flottantes noires en plastique ou en silicone. Du côté de la Water Resources Unit, on est plutôt mitigé.

Nishal Joyram, connu pour sa grève de la faim en vue de faire baisser les prix des carburants, explique avoir proposé une telle solution au gouvernement « en 2015 ou 2016 ». « C’est une technique déjà utilisée ailleurs et qui a amplement fait ses preuves », affirme Nishal Joyram. Et notamment en Amérique (voir encadré). Il regrette que les autorités « n’étaient pas intéressées ». Or souligne-t-il, « si l’idée avait été acceptée et mise en pratique, le réservoir Mare-aux-Vacoas, par exemple, aurait été rempli à 65 % ou 70 % en se basant sur le climat local, au lieu d’environ 35 % ».

Quid de l’investissement requis ? Nishal Joyram soutient que le gouvernement et la Central Water Authority (CWA) en sortiraient gagnants. « Le coût est dérisoire par rapport à la construction d’un nouveau réservoir qui coûte plusieurs milliards de roupies. Pour les ‘shade balls’, on parle de quelques millions par an seulement après un investissement initial un peu plus élevé », avance-t-il.

Du côté de la Water Resources Unit, l’on concède que l’évaporation est un phénomène qui a un impact considérable sur le taux de remplissage des réservoirs. « Si nous parvenons à contenir l’évaporation, on aura certainement résolu une bonne partie du problème », reconnaît-on.

Toutefois, fait-on ressortir, « il ne faut pas oublier que les réservoirs sont d’une très grande superficie. Les recouvrir ne sera pas facile à mettre en œuvre et coûtera quand même très cher ». Et puis, poursuit-on à la Water Resources Unit, « il ne faut pas négliger l’opinion publique si on recouvre les réservoirs de boules en plastique… »

« Une étude est nécessaire »

Nous avons également posé la question à Dev Auckle, ancien directeur général de la CWA. S’il affirme que recouvrir un réservoir pour empêcher l’évaporation de l’eau semble une bonne idée, il insiste néanmoins sur le fait qu’une étude prenant en compte le contexte mauricien s’impose avant de considérer sérieusement cette option.

« Ce qui est applicable en Amérique n’est pas nécessairement applicable à Maurice. À première vue, ça paraît intéressant », déclare-t-il. Mais Dev Auckle se pose également pas mal de questions : « Il faut voir ce qui se passe si, par exemple, il y a un cyclone. Faudra-t-il tout refaire ? Est-ce que la qualité de l’eau sera pareille ? Faut-il changer quelque chose au niveau du filtrage de l’eau avant de l’envoyer dans le réseau de la CWA et est-ce que le fait qu’il n’y ait pas de lumière qui entre dans l’eau aura un impact sur les poissons et autres du réservoir ? » 

L’expérience en Amérique

La technique a déjà été utilisée dans plusieurs pays. Aux États-Unis, par exemple, en 2009, le Los Angeles Department of Water and Power avait lâché 400 000 « shade balls » dans le réservoir Ivanhoé. Ceci a permis la réduction de l’évaporation par 1,1 milliard de litres d’eau en un an seulement. 

En 2014 et 2015, l’expérience a été renouvelée avec le réservoir Las Virgenes où l’évaporation a été réduite de 1,7 million de mètres cubes d’août 2015 à mars 2017. De plus, cette technique permet d’empêcher la formation de bromate, qui est une substance cancérigène, et réduit la formation d’algues. Ceci permettrait donc d’économiser au niveau du filtrage de l’eau.

Critiques

Le système fait toutefois face à des critiques. Une équipe de chercheurs de l’Imperial College of London, en collaboration avec le Massachusetts Institute of Technology, a conclu, dans une étude basée sur l’expérience de Los Angeles, que la fabrication des boules pourrait nécessiter plus d’eau qu’elle en économise. Afin d’empêcher qu’elles s’envolent, elles sont en effet partiellement remplie d’eau. Il aurait donc fallu environ trois ans d’usage pour qu’elles permettent d’économiser plus d’eau que ce qui a été nécessaire à leur fabrication. Certes, le bénéfice est direct pour l’endroit où elles sont utilisées, mais beaucoup d’eau est utilisée dans l’endroit où elles sont fabriquées.

Riche de ces enseignements, les producteurs des boules ont apporté des corrections. Désormais, elles ne seront plus remplies au préalable par de l’eau, mais seront maintenue en place par l’eau du réservoir.

 

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