
Est-il réellement si simple, dans un cadre institutionnel normal, pour un Gouverneur de la Banque de Maurice d’approuver un décaissement douteux sur simple pression politique ?
Nous devons comprendre ici que la Mauritius Investment Corporation est une filiale entièrement détenue par la Banque de Maurice et que son conseil d’administration n’est pas nommé par le ministre des Finances. Le conseil d’administration de la Banque de Maurice, présidé par le Gouverneur de l’époque, a le pouvoir de faire élire les membres du conseil qu’il souhaite.
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Ce qui devient délicat, bien sûr, c’est que les membres indépendants du conseil d’administration de la BoM, conformément à la loi BoM de 2004, sont nommés par le ministre des Finances qui détermine également leur rémunération comme le stipule la section 12 (4). Bien qu’en théorie, la section 12 (3) de la loi accorde au conseil d’administration l’autonomie de ne suivre aucune directive de quelque partie que ce soit dans l’exercice de ses fonctions, en pratique, le ministre des Finances exerce une influence sur les membres indépendants. Influence ne signifie pas cependant contrôle.
Le Gouverneur et ses adjoints sont nommés par le Président sur recommandation du Premier ministre. Nous savons également que le contrat initial de nomination du Gouverneur et de ses adjoints en mars 2020 n’était valable que pour une période d’un an. Par la suite, il a été renouvelé pour une période supplémentaire de trois ans en 2021. Pour avoir une réelle indépendance des gouverneurs et des gouverneurs adjoints, les nominations devraient durer plus longtemps que le cycle électoral, ce qui n’est pas le cas à Maurice. Le Premier ministre, par le biais du Président, exerce donc une influence significative sur la BoM. Il n’y a pas de comité de vérification approprié ni de processus de nomination à Maurice pour de tels postes, même aujourd’hui.
Malheureusement, à Maurice, les politiciens n’ont pas les compétences techniques pour savoir quelles qualifications sont appropriées pour un Gouverneur, un adjoint ou un membre du conseil d’administration d’une Banque centrale. Ils nomment en fonction de ce qu’ils croient être le mieux. Cela n’a pas encore changé.
Notez que les deux gouverneurs adjoints siègent au conseil d’administration de la MIC. Le gouvernement pourrait les influencer indirectement, mais il est difficile de le prouver légalement à moins de pouvoir relier la piste de l’argent à un membre du gouvernement. La charte du conseil d’administration de la MIC est claire : le conseil est entièrement responsable de toutes les décisions qu’il prend. Le Gouverneur de la Banque de Maurice n’a techniquement aucun rôle direct dans le conseil d’administration de la MIC.
Rappelons que c’est le Premier ministre, et non le Gouverneur, qui a nommé les deux gouverneurs adjoints. La loi sur la Banque de Maurice présente de nombreuses lacunes. Le Gouverneur de la BoM n’a aucun rôle direct dans l’influence des décisions de la MIC, contrairement à ses adjoints qui siègent au conseil d’administration de la MIC et sont entièrement responsables. Quant au ministre des Finances, il a peut-être influencé indirectement, mais le conseil d’administration de la MIC et son CEO n’étaient pas obligés de l’écouter.
Le Gouverneur doit-il exprimé sa réticence, formellement ou par écrit ?
Le Gouverneur de la Banque de Maurice n’a aucun rôle direct à jouer dans la prise de décisions de la MIC, qui est entièrement laissée à son conseil d’administration, pleinement responsable selon la charte de la MIC. Le conseil d’administration de la MIC ou son CEO aurait pu simplement ignorer la pression alléguée du ministre des Finances ou ils auraient pu démissionner en signe de protestation.
Il est clair que de nombreux membres indépendants du conseil semblent avoir eu de nombreuses occasions de protester contre les mauvaises pratiques, de démissionner ou de signaler tout décaissement non approuvé à la police, mais aucun d’eux ne l’a fait. Le CEO aurait pu faire de même. Les Mauriciens devraient se poser une question simple : est-ce que l’un des membres du conseil d’administration ou le CEO aurait démissionné ou signalé la question à la police eux-mêmes si le régime MSM avait remporté les élections ? L’ancien Gouverneur de la BoM, dont le bilan de l’institution repose sur une pile d’actifs de la MIC surévalués avec des rendements médiocres, aurait-il démissionné en protestation à cause de la pression constante exercée par l’ancien ministre des Finances ? Bien sûr que non. Tout le monde profitait des avantages et aurait continué à le faire.
Quels sont les leviers légaux et institutionnels dont il dispose pour refuser une instruction qu’il juge non conforme ? Par ricochet, le CEO de la MIC avait-il la possibilité d’imposer un veto ou de signaler un red flag ?
Le ministre des Finances n’a pas de pouvoirs légaux pour mettre la pression sur les membres du conseil d’administration et le CEO de la MIC. Le conseil connaît parfaitement la charte de l’instance. Il est peut-être vrai que l’ancien ministre des Finances a influencé le conseil d’administration avec certains membres très proches du secteur privé, mais l’influence ne signifie pas contrôle. Les Mauriciens doivent comprendre que le conseil et le CEO (de même que son Investment committee) étaient composés de personnes qui n’avaient pas de qualifications réelles dans le domaine de Private equity, la gestion de dettes en difficulté et des investissements en situations spéciales. C’est pourquoi la majorité des affaires dans lesquelles la MIC s’est engagée étaient extrêmement favorables aux entreprises recherchant un financement.
Alors que les Mauriciens souffraient d’une roupie dépréciée chaque fois que la BoM imprimait de l’argent pour financer les décaissements de la MIC, le secteur privé bénéficiait de prêts bon marché à des taux d’intérêt fixes de 3% à 4% en dessous du taux d’inflation, obtenait des prix gonflés pour les terres et des conditions très favorables qui, pour les obligations convertibles par exemple, signifiaient qu’il n’y avait pas de véritable option de conversion pour la MIC. Les conseillers tiers pouvaient obtenir des frais très élevés bien au-dessus des normes internationales pour des affaires qui allaient à l’encontre des intérêts du pays. Il n’y a rien d’éthique dans ce que tout membre du conseil d’administration de la MIC, PDG ou comité d’investissement a fait. Ils n’auraient jamais dû accepter leur nomination compte tenu de leurs qualifications et ils ne devraient pas prétendre être innocents aujourd’hui.
Il est nécessaire d’avoir un audit approprié par une firme internationale crédible ayant une expertise démontrée dans l’évaluation d’actifs illiquides et dans l’audit des processus suivis pour chaque affaire, et pas seulement celle-ci, pour que les Mauriciens connaissent toute la vérité. Jusqu’à ce moment, la BoM continuera de souffrir d’un déficit de confiance.

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