Les autorités estiment que les Rs 2 milliards d’héroïne saisies le jeudi 9 mars n’était pas destinée au marché mauricien. Un tel stock aurait pris au moins 10 mois pour être écoulé.
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Est-ce que les 135 kilos d’héroïne saisis la semaine dernière en rade de Port-Louis étaient destinés au marché mauricien ? L’Anti Drug and Smuggling Unit (Adsu) ainsi que le service des douanes n’écartent pas l’hypothèse que ce stock évalué à plus de Rs 2 milliards seraient simplement en transit dans l’île.
Certains enquêteurs estiment que la drogue allait être réexportée vers l’Australie, voire les Émirats arabes unis, d’autant plus que les services antidrogues de ces pays ne considèrent pas nécessairement Maurice comme un pays à risques. Un colis en provenance de Port-Louis suscitant moins de soupçons qu’un autre expédié de Dar-es-Salaam, en Tanzanie, voire Nairobi, au Kenya.
Ce stock record semble avoir suivi la filière traditionnelle avant d’atterrir à Maurice. Il a fait un détour en Afrique après être parti d’Afghanistan. D’où la présomption que la commande a été passée par téléphones portables par des trafiquants de drogue purgeant de lourdes peines de prison auprès de leurs anciens co-détenus africains de la trempe de James Mukasa Kanamwanje. Plusieurs numéros de téléphones africains composés par les caïds incarcérés sont en possession de la Commission d’enquête sur la drogue présidée par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen, laquelle auditionne actuellement les propriétaires des cartes SIM, notamment des proches de ces détenus.
Grosso modo, ces 135 kilos d’héroïne ont dû coûter un minimum de Rs 400 millions auprès d’un fournisseur au Kenya, en Tanzanie ou en Zambie, estime-t-on à l’Adsu. Reste aux enquêteurs d’identifier ceux qui ont la logistique nécessaire pour effectuer une telle transaction en devises, en euros ou en dollars américains. Un caïd emprisonné et qui a une vingtaine d’avocats à son service est soupçonné de peser à lui seul plus de Rs 200 millions. Son argent serait géré par plusieurs prête-noms et il aurait passé un accord avec d’autres caïds emprisonnés pour pérenniser son business.
Si les 135 kilos d’héroïne étaient réellement destinés au marché local, ils auraient pu être repartis en 5 400 000 doses. À raison d’une moyenne de 40 doses par gramme, dépendant de son degré de pureté. Mathématiquement, autant de doses prendront au moins dix mois pour être écoulées si 6 000 junkies se font un maximum de trois shoots par jour, ce qui ne serait pas une bonne affaire pour un consortium de trafiquants. Aux dires d’un enquêteur chevronné, l’héroïne ne peut être stockée pendant longtemps car elle risque de se dénaturer. Même si chimiquement, elle ne change pas, explique un expert en la matière.
Si la brigade antidrogue a embarqué les deux directeurs de Brilliant Resources Consulting (BRC), en début de semaine, c’est dans la perspective d’établir si cette société d’import-export allait réexpédier la drogue ailleurs. L’ancien conseiller Geeanchand Dewdanee et l’Indien Sibi Thomas nient toutefois toute implication dans cette affaire. Les deux doivent de nouveau être interrogés ce vendredi, surtout Sidi Thomas qui soutient que les documents produits pour le dédouanement du conteneur dans lequel la drogue avait été dissimulée ne porteraient pas sa signature.
Autre suspect dans cette affaire, le courtier maritime Navin Kistnah est toujours en Afrique du Sud, pays où il s’est envolé à la veille de l’opération de l’Adsu et du service des douanes. Il ressort qu’il est parti après avoir pris connaissance que le conteneur avait été placé « on hold » par les douaniers. Quand l’Adsu a appris que Navin Kistnah avait quitté le pays, elle n’a eu d’autre choix que de couper les sableuses à pression à la meuleuse (« grinders »), tuant ainsi dans l’œuf toute tentative de remonter jusqu’au destinataire final de cet équipement bourré de drogues.
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