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Rémunérations : enjeux et recommandations pour une égalité salariale 

La participation économique réduite des femmes due à des salaires plus bas limite leur pouvoir d’achat et freine la croissance globale du pays.
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Les femmes à Maurice gagnent moins que leurs homologues masculins. Qu’est-ce qui explique cet écart salarial ? Quelles sont ses implications ? Comment assurer l’égalité ? Le point.

L’écart dans la rémunération entre les hommes et les femmes fait sourciller. Malgré des fonctions similaires, les femmes percevaient en moyenne de Rs 4 500 à Rs 11 900 de moins en 2023 que leurs homologues masculins, selon Statistics Mauritius. Par exemple, une femme qui occupant un poste de manager gagne en moyenne seulement Rs 40 400 par mois contre Rs 52 400 pour son homologue masculin. D’autre part, une femme exerçant un métier élémentaire touche en moyenne Rs 12 600, alors que son homologue masculin perçoit Rs 19 500.

Les raisons

Les professions exercées par les hommes mieux rémunérées

Taroonah Doolub, directrice des Affaires internationales et avocate chez JurisTax.
Taroonah Doolub, directrice des Affaires internationales et avocate chez JurisTax.

Taroonah Doolub, directrice des Affaires internationales et avocate chez JurisTax, explique que Maurice est une société patriarcale. Les métiers manuels lourds et les professions libérales comme avocat, médecin, notaire ou banquier sont exercés par les hommes. 

« Ils ont acquis le savoir-faire professionnel bien avant que les femmes n’intègrent ces secteurs. Ce qui se note dans les CV et les années d’expérience. Par conséquent, la rémunération est souvent supérieure », explique-t-elle. 

Cependant, les temps changent et les salaires sont ajustés dans la plupart des professions, à expérience égale. 

Adilla Diouman-Mosafeer, directrice de Talent Lab.
Adilla Diouman-Mosafeer, directrice de Talent Lab.

Pour sa part, Adilla Diouman-Mosafeer, directrice de Talent Lab, avance que les disparités salariales entre les hommes et les femmes à Maurice résultent d’un ensemble complexe de facteurs. 

« La ségrégation professionnelle joue un rôle important. Les femmes travaillent principalement dans des secteurs et métiers moins bien rémunérés, comme l’éducation, la santé et les services domestiques », dit-elle.

D’autre part, l’apprentissage continu n’est toujours pas ancré dans les mœurs des femmes. « Elles sont donc facilement devancées dans beaucoup de cas. De plus, la discrimination salariale potentielle fondée sur le sexe ou les capacités de négociation contribue fréquemment à l’écart », fait-elle ressortir.

Responsabilités familiales

Taroonah Doolub avance que dans la culture mauricienne, les femmes assument plus de tâches sociales. Elles sont responsables des enfants et de la gestion de la maison. « Il en résulte un partage du temps et parfois le sacrifice ou la mise en veille de leur ambition professionnelle. Ce qui entraîne un impact direct sur leur rémunération. »

Adilla Diouman-Mosafeer est du même avis. Selon elle, le manque de flexibilité au travail pour les femmes qui ont des responsabilités familiales peut les désavantager par rapport aux hommes. 

« Enfin, la sous-représentation des femmes aux postes de direction limite leurs opportunités d’accéder à des salaires plus élevés et à une plus grande expérience professionnelle. Ce qui perpétue ainsi le cycle de l’écart salarial », explique notre interlocutrice.


Conséquences sur la société et l’économie

Taroonah Doolub : « Si la rémunération des femmes reste inférieure à celle des hommes, le pouvoir d’achat est limité. Ce qui impacte sur la qualité de vie des familles et la consommation globale. L’inégalité salariale contribue à la pauvreté et à la précarité économique des femmes. Elle limite leur accès à des opportunités professionnelles et augmente les risques de pauvreté à la retraite. »

Adilla Diouman-Mosafeer : « La participation économique réduite des femmes due à des salaires plus bas limite leur pouvoir d’achat et freine la croissance générale du pays. Un sentiment d’iniquité et de disparité sociale peut être favorisé, ce qui fragilise la cohésion sociale. De plus, les disparités salariales perpétuent les stéréotypes de genre. Ils avancent que les femmes ont moins de valeur et méritent d’être payées moins que les hommes. Ce qui peut avoir un impact négatif sur l’estime de soi des femmes et limiter leur contribution à la société. »

La situation dans d’autres pays 

Selon les données de l’Organisation internationale du travail, Maurice se situe dans la moyenne mondiale en termes d’écart salarial entre les hommes et les femmes. En s’inspirant de modèles internationaux efficaces, Maurice pourrait accélérer la réduction de cet écart. Par exemple, l’Islande a adopté une loi sur l’égalité salariale obligeant les entreprises à montrer qu’elles paient les hommes et les femmes de manière égale pour un travail de valeur égale. La Norvège, quant à elle, a mis en place un système de garde d’enfants abordable et universel. Ce qui soutient l’avancement professionnel des femmes en leur facilitant la conciliation vie professionnelle et vie familiale. 


Recommandations aux entreprises 

Taroonah Doolub est d’avis qu’il faut mettre les femmes sur le même pied d’égalité en leur donnant un lieu de travail qui leur permet d’assumer leurs responsabilités familiales et professionnelles. 
« Par exemple, il faut des crèches dans les bureaux et des horaires flexibles », propose-t-elle. Elle ajoute qu’il faut faire évoluer les mentalités. Ce qui évitera la discrimination et encouragera une culture d’inclusion au sein duquel les deux parents sont en mesure de partager les responsabilités familiales. 

« Il faut inciter et faciliter la prise de congés parentaux et d’aménagements d’horaires pour les pères. Ce qui permettra de partager équitablement les responsabilités familiales et de réduire la pression sur les femmes », avance-t-elle.

De son côté, Adilla Diouman-Mosafeer estime que les entreprises mauriciennes peuvent réaliser des audits salariaux pour identifier et analyser les écarts de salaire entre les hommes et les femmes. 

« Ensuite, la mise en place de politiques de rémunération équitables et transparentes basées sur des critères objectifs comme la qualification, l’expérience et la performance est essentielle », dit-elle.

De plus, les entreprises doivent absolument promouvoir l’égalité des chances à l’embauche et lors des exercices de promotion. Elles doivent s’assurer que les processus de recrutement et de promotion sont exempts de discrimination. « Une grille des salaires avec un paygrading system peut facilement résoudre cette problématique. »

MCB : première banque en Afrique certifiée Equal-Salary

The Mauritius Commercial Bank Limited a récemment obtenu la certification Equal-Salary. Elle est synonyme d’excellence en matière d’égalité salariale, pour les employés de la MCB à Maurice. Après avoir passé l’analyse statistique de ses salaires, la banque s’est soumise à l’audit interne confié à PwC et a prouvé qu’elle pratiquait l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. 

« L’obtention d’Equal-Salary, une première en Afrique pour un groupe bancaire/financier, confirme notre engagement en faveur de l’égalité de rémunération à travail égal et de l’égalité entre les hommes et les femmes au sein de notre personnel », soutient Jean Michel Ng Tseung, CEO de MCB Group.

 


Questions à… Dr Myriam Blin, économiste du genre : « Les femmes sont surreprésentées dans des secteurs moins bien rémunérés »

Dr Myriam BlinQuels sont les principaux facteurs qui expliquent la disparité salariale entre les hommes et les femmes à Maurice ?
À Maurice, l’écart salarial entre les hommes et les femmes est d’environ 19 %. En d’autres termes, pour chaque Rs 100 gagnés par un homme, une femme gagne en moyenne Rs 81. Cette disparité s’explique par plusieurs facteurs enracinés dans nos normes sociales et culturelles. D’abord, il y a la division genrée du travail. La recherche montre que les femmes sont socialement conditionnées à se diriger vers des carrières dans les secteurs liés aux soins ou vers des emplois qui offrent plus de flexibilité, mieux adaptés à leurs responsabilités familiales culturellement imposées. 

Ainsi, les femmes sont surreprésentées dans des secteurs traditionnellement moins bien rémunérés. Il y a : les soins, l’éducation et les services. Tandis que les hommes dominent des domaines plus lucratifs comme l’ingénierie et les technologies de l’information. Cette ségrégation professionnelle perpétue les inégalités salariales. 

Ensuite, il y a la discrimination, à la fois explicite et implicite. Les stéréotypes de genre influencent les décisions d’embauche, de promotion et de rémunération. De nombreuses recherches ont montré que les femmes sont souvent perçues comme moins compétentes ou moins engagées, souvent de manière inconsciente. 

Ces biais inconscients peuvent influer sur les décisions de rémunération. Les interruptions de carrière liées à des responsabilités familiales affectent également les salaires des femmes. Ces pauses, généralement nécessaires pour s’occuper des enfants ou des membres de la famille, entraînent une perte d’expérience et d’ancienneté. Ce qui pénalise les femmes à long terme.

Quelles sont les conséquences de la disparité salariale sur la société et sur l’économie mauricienne ?
L’inégalité économique en est une première manifestation. Les femmes, gagnant moins que les hommes, ont moins de capacité à accumuler des richesses et à subvenir aux besoins de leur famille, à leur retraite, ce qui affecte leur capacité d’épargne. Ce qui perpétue un cycle de pauvreté touchant non seulement les femmes, mais aussi leurs enfants.

Les femmes sont plus touchées par la pauvreté que les hommes. Cette situation engendre aussi une perte de productivité pour l’économie mauricienne. Des études ont montré que l’égalité salariale pourrait faire augmenter le produit intérieur brut. C’est également un manque à gagner au niveau des revenus fiscaux.

Quelles sont les actions que les entreprises peuvent prendre pour réduire la disparité salariale ? 
Le plus simple est de réaliser un audit salarial, comme l’ont fait certaines entreprises à Maurice. Ensuite, pour maintenir l’égalité salariale à long terme, il faut réaliser ces audits salariaux régulièrement. Ces audits, idéalement effectués par des tiers pour garantir leur impartialité, permettent d’identifier et de corriger les écarts salariaux injustifiés de manière régulière. 

Les entreprises peuvent de plus adopter des politiques de transparence salariale. En publiant les salaires moyens par poste et par genre, les entreprises peuvent s’assurer que la rémunération est équitable et justifiée. La mise en place de programmes de mentorat, de parrainage et de formation pour les femmes peut aider à contrebalancer les biais. Elle peut favoriser leur progression de carrière. Les entreprises peuvent aussi établir des partenariats pour promouvoir la féminisation des parcours d’éducation STEM. Enfin, des politiques de conciliation travail-vie personnelle, comme des congés parentaux, des horaires flexibles et des options de télétravail, peuvent réduire l’impact des interruptions de carrière sur les salaires des femmes.
 
 

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