
Vendredi, lors des débats sur le discours-programme 2025-2029, le Premier ministre Navin Ramgoolam a développé sa vision pour la « reconstruction de Maurice », insistant sur la nécessité d'une refonte institutionnelle, d'une démocratie renforcée et d'un modèle économique plus viable.
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Dès le début de son intervention, Navin Ramgoolam a dressé un bilan sévère des années de gouvernance du MSM, qualifiant la gestion du pays de « dix années gâchées » marquées par un affaiblissement des institutions et une mainmise excessive du pouvoir en place. « Ils avaient confisqué l'État mauricien. Tout a été détruit. Ils pensaient que Maurice leur appartenait », a-t-il affirmé, pointant du doigt la politisation de l'administration et des institutions judiciaires.
Le chef du gouvernement a insisté sur la priorité absolue de « sauver la démocratie mauricienne » en assurant le respect des trois piliers fondamentaux : premièrement la liberté individuelle, la liberté d'expression et la liberté d'association ; ensuite des élections libres et transparentes ; et finalement l'application stricte de l'État de droit.
Une réforme électorale et institutionnelle en profondeur
Navin Ramgoolam a annoncé la mise en place d'une « Constitution Review Commission », chargée d'examiner des propositions pour une modernisation du cadre institutionnel du pays. Parmi les mesures phares avancées figurent l'interdiction, par amendement constitutionnel, du report des élections municipales, une pratique récurrente sous l'ancien régime. « À trois reprises, ils ont renvoyé les élections municipales. On fera en sorte que plus aucun gouvernement ne puisse faire cela », devait-il dire.
Dans une volonté de garantir un processus électoral plus inclusif, le Premier ministre a également annoncé un assouplissement des conditions d'inscription sur les listes électorales et a promis de venir avec un amendement à la loi dans ce sens. « Nous souhaitons que les jeunes atteignant 18 ans puissent s'enregistrer jusqu'à une semaine avant le 'writ of election' pour qu’ils puissent voter s’ils viennent d’avoir 18 ans. Ils n’auront ainsi pas à attendre jusqu’aux élections suivantes », a-t-il expliqué. Par ailleurs, les radiations des listes électorales devront dorénavant suivre une procédure plus transparente, avec une notification obligatoire des électeurs concernés.
Sur le plan de la gouvernance parlementaire, Navin Ramgoolam a rappelé l'engagement du gouvernement à promouvoir une plus grande représentation des femmes et à introduire une dose de représentation proportionnelle dans le système électoral. Le chef du gouvernement veut aussi introduire une « anti-defection law ».
Et d’ajouter que « ce sera une tâche ardue, mais il est inacceptable qu’un élu sous la bannière d’un parti puisse changer d’affiliation sans consulter les électeurs. Il devra impérativement repasser par les urnes. Nous souhaitons également introduire le droit de révocation (‘right of recall’). Par ailleurs, une loi sur le financement électoral sera mise en place afin de combler toutes les failles existantes et garantir que la volonté du peuple soit pleinement respectée ».
L’obligation de la déclaration de l’appartenance ethnique pour pouvoir participer aux élections générales sera aussi chose du passé, promet Navin Ramgoolam.
Une agence de lutte contre la corruption avec des experts étrangers
Le Premier ministre a mis en avant la volonté de son gouvernement d'éliminer les dérives du financement politique en introduisant une loi stricte sur le financement des partis politiques. « Nous allons fermer toutes les failles pour garantir que la volonté du peuple soit respectée », a-t-il déclaré.
Il a également annoncé la dissolution de la Financial Crimes Commission (FCC) pour la remplacer par une "National Crime Agency" dotée d'enquêteurs chevronnés, incluant des experts étrangers. Cette nouvelle agence aura pour mission de s'assurer que les enquêtes soient menées avec rigueur et sans ingérence politique.
La question de l'indépendance du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) a aussi été abordée. Navin Ramgoolam a rappelé les pressions subies par l'ancien DPP et a promis des amendements pour renforcer l'autonomie de cette institution clé du système judiciaire mauricien.
Une refonte de l'économie et des finances publiques
Sur le plan économique, Navin Ramgoolam a dressé un tableau alarmant de la gestion du gouvernement précédent, qu'il a qualifiée de « mirage économique » et non de miracle économique. « Je n'ai jamais vu une telle mauvaise gestion des finances publiques couplée à la corruption », a-t-il fustigé.
Afin de redresser la situation, le Premier ministre a annoncé une revue des dépenses publiques et l'arrêt des projets jugés inutiles. « On ne peut pas dépenser l'argent que l'on n'a pas », a-t-il prévenu, insistant sur la nécessité de recentrer les investissements sur des initiatives porteuses de résultats concrets. C’est d’ailleurs pour cela que le Programme-Based Budgeting sera réintroduit.
Par ailleurs, il a réitéré son ambition de développer de nouveaux secteurs stratégiques, notamment l'économie bleue, afin de diversifier les sources de croissance du pays.
Vers une modernisation du système judiciaire et policier
Dans une optique de renforcement de l'État de droit, Navin Ramgoolam a annoncé la création d'une cour d'appel distincte avec des juges locaux et étrangers, à l'image des modèles de Singapour et de Dubaï. Il a également exprimé sa volonté de réintroduire la Police and Criminal Evidence Act afin d'encadrer les procédures d'arrestation et d'interrogatoire.
Concernant les forces de l'ordre, il a annoncé la mise en place d'une Police Academy et de formations continues pour la police et une refonte du système de promotion. « On ne peut pas avoir un policier qui reste sergent pendant 20 ans parce qu'un politicien ne l'aime pas », a-t-il martelé.
Une « dream team » pour un tournant historique
En conclusion, Navin Ramgoolam a appelé à une transformation profonde du pays, loin des « modèles du passé ». Il a exprimé sa confiance en son gouvernement, qu'il a qualifié de « dream team », prête à mener les réformes nécessaires pour bâtir une société plus juste, solidaire et prospère.
« Je n'ai pas de bâton magique, mais nous avons l'équipe, la compétence et la soif de justice pour transformer le pays », a-t-il conclu, insistant sur la mise en place d'un « steering committee » au bureau du Premier ministre et d'une « delivery unit » pour garantir la mise en œuvre effective des réformes.

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