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Quête de justice des victimes et proches : les recours après un acquittement

Me Poonum Sookun-Teeluckdharry. Me Miguel Ramano. Ramdhun Koonjhahon réclame justice pour son frère Jugduth tué sous les coups de Gajendradev Dookhorun, qui a été acquitté.

Après des années, l’accusé dans un cas d’agression mortelle a été acquitté le 31 octobre 2023. Cela a provoqué le désarroi des proches de la victime. Deux avocats expliquent ce que prévoient nos lois sur les droits des victimes.

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Quinze ans après les faits, Gajendradev Dookhorun, âgé de 66 ans, a été acquitté en cour intermédiaire le 31 octobre 2023. Il était accusé de coups et blessures sans intention de tuer, dans le sillage du décès de son voisin, Jugduth Koonjahon, un chauffeur de taxi, le 22 janvier 2008. Il avait plaidé la légitime défense. Son acquittement a provoqué le désarroi du frère aîné de la victime, Ramdhun Koonjhahon. Ce dernier a écrit au Directeur des poursuites publiques (DPP) pour lui demander de faire appel (article paru dans l’édition du Défi Quotidien du 24 novembre). 

Devant ce cas, la question se pose : de quels recours disposent les victimes dans des affaires pénales après un acquittement ? Tout dépend du type d’offense commise, répond Me Poonum Sookun-Teeluckdharry. « Les recours peuvent varier selon les délits qui ont été commis et pour lesquels l’accusé était poursuivi. » 

L’avocate explique que souvent, dans des cas de vol, la victime peut déjà avoir récupéré l’article volé, donc elle peut choisir ou non d’engager des procédures de recouvrement. Dans d’autres cas, les victimes peuvent intenter une action civile pour obtenir des réparations pour les dommages causés, et cela peut varier selon les actes dommageables commis contre elles.

De son côté, Me Miguel Ramano précise que le recours dépendra de ce que recherchent les victimes. « Les victimes d’actes criminels sont représentées par l’État. En cas d’acquittement, le parquet, c’est-à-dire le DPP, peut faire appel de la décision du tribunal de première instance. Ils étudient toujours le jugement et soumettent leurs motifs d’appel », fait-il savoir. 

Toutefois, Me Ramano souligne que les procès en appel reposent généralement sur ce qui est perçu comme une mauvaise interprétation de la loi par le magistrat ou le juge de première instance. « Notre jurisprudence a établi que l’appel fondé sur les faits ne peut aboutir que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire lorsque la cour d’appel conclut que l’interprétation des faits par le tribunal de première instance était si erronée qu’aucun tribunal raisonnable n’aurait pu parvenir à cette conclusion Qu’il s’agisse d’un verdict de culpabilité ou d’acquittement. »

Dommages et intérêts

Existe-t-il des ressources ou des organisations gouvernementales à Maurice qui aident les victimes à obtenir une indemnisation après un verdict d’acquittement ? Selon Me Miguel Ramano, il n’existe pas de dispositions légales spécifiques en matière de réparation. « Maurice ne dispose pas de système de justice réparatrice. Ainsi, par exemple, après la condamnation de l’auteur, aucune forme de réparation n’est accordée aux victimes, à moins qu’elles ne déposent une plainte civile auprès de la Cour suprême pour réclamer, à leurs propres frais, une indemnisation et des dommages et intérêts pour le préjudice moral causé », fait-il ressortir.

Et quelles sont les chances de succès d’une plainte en réclamation de dommages contre un accusé qui a été acquitté au pénal ? Cela dépend largement de facteurs autres que simplement déposer une plainte, avertit Me Poonum Sookun-Teeluckdharry. Il est important de bien préparer le résumé des faits, connus comme étant des « pleadings ». De plus, une déposition compréhensible de la victime est nécessaire pour établir son affaire selon la prépondérance de probabilités, affirme l’avocate.

Me Miguel Ramano d’ajouter que « le pénal ne tient pas le civil en état est un adage juridique qui stipule que les tribunaux civils ne sont pas liés par les conclusions d’un tribunal pénal. En fait, la décision du tribunal pénal ne devrait avoir aucune incidence sur la décision du tribunal civil. Le procès civil sera entendu selon son propre mérite. Quant aux chances de succès, elles seront déterminées par les circonstances, les faits et les preuves ».

En cas d’erreur juridique

Dans le cas de figure où les victimes ou leurs proches estiment que la décision d’acquittement dans une affaire pénale à Maurice est injuste ou basée sur une erreur juridique, y a-t-il des recours disponibles ? « C’est uniquement le bureau du DPP qui entame des procès au pénal. A moins qu’il s’agisse d’un procès initié par la personne lésée, une procédure connue comme la ‘Private prosecution’. Pour les affaires introduites par le bureau du DPP, c’est uniquement le DPP qui peut décider de faire appel », indique Me Poonum Sookun-Teeluckdharry.

 Si l’acquittement est basé sur des erreurs juridiques et que le DPP ne fait pas d’appel, les victimes peuvent écrire à son bureau pour attirer son attention et l’amener à revoir sa décision, poursuit l’avocate. Elle rappelle que l’appel devrait être déposé dans les 21 jours suivant la date du jugement.

La protection des victimes

Est-ce que les lois mauriciennes protègent suffisamment les droits et intérêts des victimes tout au long du processus judiciaire dans les affaires pénales ? « En un mot, non. Cela ne veut pas dire que le droit de l’accusé prime sur celui de la victime du crime. Mon observation personnelle est qu’il y a très peu ou presque rien en termes de protection des droits de la victime au cours de ce processus », soutient Me Miguel Ramano. 

Dans d’autres juridictions, fait-il valoir, il existe un véritable système de soutien autour de la victime, lui permettant d’être informée de chaque étape du processus. « Passer par les procédures judiciaires peut être intimidant pour n’importe qui. Les victimes de crimes peuvent être encore plus vulnérables à cet égard. Bien qu’il puisse exister des exemples de protection des témoins – dans les affaires impliquant des enfants avec procès à huis clos –, nous manquons encore d’un processus approprié pour la protection des victimes », déclare Me Miguel Ramano.

« There is room for a lot of improvement », concède Me Poonum Sookun-Teeluckdharry. Elle explique que le service offert varie. « Parfois, la poursuite est assurée par un avocat de son bureau, d’autres fois, c’est un policier (police prosecutor) qui assume cette fonction. Le processus judiciaire suit la procédure établie selon les lois. Personnellement, je pense que nos lois sont trop anciennes et ne protègent pas suffisamment les victimes », dit-elle.

Ce qui se fait ailleurs 

Au Royaume-Uni, explique Me Miguel Ramano, le « Victim’s Code » garantit aux victimes d’un crime survenu en Angleterre ou au Pays de Galles le droit à l’information et au soutien des organisations de justice pénale, telles que la police et les tribunaux. De plus, une victime d’un délit violent peut avoir droit à une indemnisation de la part de la Criminal Injuries Compensation Authority (CICA). 

Aux États-Unis, poursuit l’avocat, il existe le « Office for Victims of Crime », qui gère un fonds soutenant un large éventail de programmes et de services visant à aider les victimes immédiatement après un crime et à reconstruire leur vie. Il s’agit, selon l’homme de loi, d’un fonds « financé par les amendes et les pénalités payées par les personnes reconnues coupables dans des affaires fédérales, et non par l’argent des contribuables ».

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