
Entre prix mondiaux en chute libre, abandons de champs, et pénurie de main-d’œuvre, la filière sucre est sous respiration artificielle. Mais le ministre de l’Agro-industrie se veut combatif. Il dévoile sa stratégie pour sauver ce secteur historique.
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Face à la récente baisse du prix du sucre sur le marché mondial, quelle stratégie le ministère de l’Agro-industrie compte-t-il adopter pour protéger la filière sucrière mauricienne et éviter une nouvelle crise dans le secteur ?
Le prix du sucre, comme celui de toute autre commodité agricole, est soumis à des cycles influencés par l’offre et la demande. Après plusieurs années de prix relativement rémunérateurs, les producteurs mondiaux ont investi pour augmenter leur capacité de production, ce qui a entraîné un excédent sur le marché mondial. Aujourd’hui, le prix du sucre roux avoisine les US 16 cents la livre, soit environ Rs 16 000 la tonne, un niveau qui reste peu attractif pour la plupart des producteurs.
À Maurice, le Mauritius Sugar Syndicate parvient toutefois à atténuer les effets de cette baisse en misant sur la commercialisation de sucres à valeur ajoutée, notamment le sucre blanc et les sucres spéciaux, ainsi que sur une diversification des marchés d’exportation. L’accès aux marchés de l’Union européenne, de l’Inde, de la Chine, de la Southern African Customs Union (SACU) et des États-Unis à travers les accords de libre-échange est disponible, mais la valeur ajoutée à nos produits, afin de développer nos sucres spéciaux sous une marque reconnue, est essentielle.
Il est primordial que les différents acteurs du secteur, qu’il s’agisse des producteurs, des planteurs ou des usiniers, continuent à améliorer leur efficacité afin de mieux faire face à la volatilité des prix.
Quelles mesures concrètes seront mises en place pour encourager les planteurs à replanter de la canne, alors que beaucoup ont abandonné en raison de la baisse de rentabilité ?
Plusieurs initiatives ont été déployées pour relancer la replantation de la canne à sucre. Les planteurs produisant jusqu’à 60 tonnes de sucre bénéficieront désormais d’un revenu garanti de Rs 35 000 par tonne, ce montant comprenant également les revenus liés à la bagasse et à la mélasse. Le gouvernement s’est engagé à produire jusqu’à 300 000 tonnes de sucre pour l’exportation.
Par ailleurs, le prix de la bagasse utilisée pour la production d’électricité, fixé à Rs 3,50 par kilowattheure, doit être révisé. Les planteurs doivent-ils continuer à céder 22 % de la bagasse aux propriétaires d’usines ? Ces questions doivent être abordées afin de consolider également la dimension multifonctionnelle de l’industrie de la canne à sucre.
Un schéma de replantation a été mis en place avec une enveloppe de Rs 75 millions destinée à soutenir les petits et moyens planteurs exploitant jusqu’à 15 hectares. Cette mesure vise à replanter environ 600 hectares, dans le but d’augmenter la productivité du secteur.
Pour l’année 2025-2026, les planteurs produisant jusqu’à 60 tonnes seront également exemptés du paiement de la prime SIF, ce qui représente un soutien supplémentaire estimé à Rs 80 millions.
Le prix de la bagasse utilisée pour la production d’électricité, fixé à Rs 3,50 par kilowattheure, doit être révisé»
Nous lançons aussi un nouveau programme, l’Innovative Mauritius Scheme, qui vise à encourager la recherche et le développement. Ce projet permettra au Mauritius Sugarcane Industry Research Institute (MSIRI) de développer de nouvelles variétés de canne à sucre à haut rendement, mieux adaptées aux effets du changement climatique et générant plus de biomasse pour la production d’énergie renouvelable.
Un budget de Rs 2 millions est par ailleurs alloué à la recherche sur l’agriculture biologique et la fertilité des sols, afin d’encourager une utilisation réduite d’intrants inorganiques et favoriser des pratiques agricoles plus durables.
L’utilisation de drones pour la pulvérisation de produits agricoles sera aussi renforcée grâce à un financement de Rs 3 millions. Cette technologie permet de réduire les coûts d’application de 30 à 60 % par rapport aux méthodes traditionnelles, tout en augmentant les taux d’extraction de sucre de 7 à 9 kg par tonne de canne, ce qui se traduit par une hausse directe des revenus.
Mais les pilotes souhaitent piloter des drones plus grands pour réaliser des économies d’échelle et attendent une réaction favorable de la part de l’Aviation civile.
Enfin, afin de répondre au manque de main-d’œuvre, le gouvernement finalise actuellement une politique de recrutement de travailleurs et de compétences étrangères. Cette mesure sera mise en œuvre à travers un système simplifié de permis de travail géré par l’Economic Development Board. Environ 1 000 travailleurs étrangers seront recrutés dans un premier temps, dans le cadre d’une collaboration entre mon ministère et la Mauritius Cane Industry Authority.
Le ministère envisage-t-il de revoir les mécanismes de soutien financier (subventions, prix minimum garanti, accès au crédit) afin de redonner confiance aux planteurs ?
Oui, en tenant compte des retours des planteurs et des mesures déjà mises en œuvre dans le cadre du Budget, le gouvernement étudie actuellement des alternatives sous forme de nouveaux schémas adaptés, qui seront proposés dans le cadre du prochain exercice budgétaire. Notre politique est axée sur la performance et les incitations sont en cours de révision afin d’accompagner les planteurs de canne à sucre.
Y a-t-il une volonté d’accélérer la diversification des produits dérivés de la canne (bioénergie, éthanol, sucres spéciaux) pour réduire la dépendance aux fluctuations du marché mondial ?
La diversification de la production sucrière constitue effectivement une priorité stratégique. Nous misons particulièrement sur les sucres à valeur ajoutée, qu’il s’agisse des sucres spéciaux ou du sucre blanc raffiné destiné à des marchés de niche offrant de meilleurs prix. Ces produits représentent déjà plus de 55 % de la production locale, et notre objectif est de continuer à faire croître cette proportion afin de stabiliser les revenus du secteur, tout en réduisant la dépendance aux marchés traditionnels et volatils.
Nous avançons également à grands pas dans la production de rhum de haute qualité, très recherché sur le marché.
Comment le gouvernement compte-t-il s’assurer que la valeur ajoutée générée par l’industrie sucrière bénéficie davantage aux planteurs, et pas uniquement aux grands acteurs du secteur ?
Toutes les recettes issues de la vente du sucre, y compris celles des sucres à valeur ajoutée, sont centralisées par le Mauritius Sugar Syndicate, qui les redistribue ensuite à l’ensemble des producteurs après déduction des frais communs. Ces frais incluent notamment le coût des sacs, le fret maritime, l’entreposage, ainsi que le manufacturing premium versé aux usines et à la raffinerie pour la transformation du sucre brut en sucre blanc ou en sucre spécial.
Cette prime s’explique par les investissements et les coûts opérationnels supplémentaires que nécessite la production de ces sucres spécifiques. Elle est fixée de manière transparente, après validation par le comité du Mauritius Sugar Syndicate, qui regroupe à la fois des représentants des planteurs et des usiniers.
Il est également important de souligner que le ratio de partage entre planteurs et usiniers est de 78 % pour les planteurs et 22 % pour les usiniers. Il s’agit du taux le plus élevé au monde, ce qui montre clairement que nous veillons à ce que les planteurs bénéficient au maximum de la valeur créée par toute la filière.

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