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Protection de l’environnement : comment Eco-Sud a changé les règles du jeu 

Capture d’écran de la maquette du projet de Pointe d’Esny Lakeside Company Ltd.
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Dans un jugement qualifié d’« historique », le Conseil privé du roi a autorisé l’ONG Eco-Sud à contester la décision du ministre de l’Environnement d’octroyer un permis EIA pour un projet de luxe à Pointe-d’Esny. Le point avec Gayle Yerriah, avocate.

Le 6 octobre 2021, le tribunal de l’Environnement (Environment and Land Use Appeal Tribunal -ELUAT) tranche : Eco-Sud n’est pas éligible à faire appel de la décision du ministre de l’Environnement d’octroyer un permis Environmental Impact Assessment (EIA) à Pointe d’Esny Lakeside Company Limited pour un projet de villas de luxe et un complexe hôtelier à Pointe-d’Esny. Pour le tribunal, l’ONG n’est ni « lesée » ni susceptible de subir un « préjudice excessif » et n’a donc pas de « locus standi ». 

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L’avocate Gayle Yerriah.

Raisonnement renversé par la Cour suprême, le 18 juillet 2023, après l’appel interjeté par Eco-Sud. Elle avait estimé que les critères que l’ELUAT avait appliqués étaient trop restrictifs. Presque un an plus tard, le 4 juillet 2024, le Conseil privé du Roi, sollicité par le ministère de l’Environnement, valide la décision de la Cour suprême. Ouvrant ainsi la voie de la contestation aux ONG. Celles-ci ne sont, en effet, plus tenues de démontrer que ce sont leurs propres intérêts financiers et économiques qui sont en jeu lors d’une contestation. 

« Ce jugement du Conseil privé du roi peut être vu comme une avancée significative pour la participation publique dans la protection de l’environnement », répond Me Gayle Yerriah. En autorisant Eco-Sud à contester la décision du ministère, le Conseil privé du roi a renforcé le droit des citoyens et des organisations de la société civile à s’impliquer dans les questions environnementales, établissant ainsi « un précédent », souligne-t-elle. Cette décision permet désormais aux ONG et autres groupes d’intérêt public de contester des décisions gouvernementales pouvant avoir un impact négatif sur l’environnement, donnant ainsi plus de poids à la voix du public dans le processus de décision.

La question se pose : comment un projet néfaste à l’environnement parviendrait-il à obtenir un permis EIA ? L’avocate explique que plusieurs facteurs peuvent aboutir à ce résultat. « Cela peut être des pressions économiques et politiques », affirme-t-elle, en laissant entendre l’influence de puissants lobbys.

La corruption et l’influence des entreprises peuvent également orienter le processus décisionnel, de même que le manque de consultations publiques. « Il y a aussi des règlements environnementaux mal définis ou obsolètes, qui permettent à ces projets de passer entre les mailles du filet », selon l’avocate.

Les Lords du Conseil privé du roi ont déploré le fait que le promoteur a poursuivi les travaux de construction pendant que le litige était en cours. Cela n’est pas sans répercussions, prévient Me Gayle Yerriah : « Un tribunal peut ordonner l’arrêt immédiat des travaux de construction jusqu’à la résolution du litige, suivant une demande d’injonction. » 

Les promoteurs peuvent également se voir infliger des amendes pour non-respect d’un ordre de la cour, dit-elle. Si des violations des termes du permis EIA ou des règlements sont constatées, la cour peut également annuler le permis, empêchant la poursuite du projet.

Sur le plan environnemental, Me Gayle Yerriah fait valoir que poursuivre les travaux malgré le litige peut causer des dommages irréparables aux habitats naturels et perturber des écosystèmes. « Le promoteur pourrait être contraint de restaurer les zones endommagées, entraînant des coûts élevés et des délais supplémentaires », avertit-elle. 

Sur le plan social, poursuivre les travaux en de telles circonstances peut, selon l’avocate, « diminuer la confiance du public et des parties prenantes envers le promoteur et les autorités régulatrices ». De plus, si le litige est résolu en faveur des contestataires, le promoteur pourrait être appelé à payer des compensations pour les impacts négatifs du projet.

Pointe d’Esny Lakeside : un projet à Rs 11 milliards

Le projet de Pointe d’Esny Lakeside Company Limited, au coût de Rs 11 milliards, comprend la construction de 172 villas, 278 appartements, 100 duplex, des installations commerciales, un complexe hôtelier d’appartements, entre autres, sur une superficie de 70,9 hectares. 

C’est quoi un permis EIA ?

Un permis EIA est délivré par les autorités compétentes, autorisant la mise en œuvre d’un projet après évaluation de ses impacts potentiels sur l’environnement. Ce permis est généralement requis pour des projets de grande envergure ou susceptibles d’avoir des effets significatifs sur l’environnement. 

Le promoteur du projet doit préparer un rapport d’EIA qui décrit le projet, les impacts environnementaux potentiels, et les mesures proposées pour les atténuer. Un processus de consultation publique est généralement mené pour recueillir les avis et les préoccupations des parties prenantes, y compris les communautés locales, les ONG, et les autres acteurs intéressés. 

Ceux éligibles à contester 

L’article 54 de l’Environment Protection Act de 2002 précise que toute personne ou organisation estimant avoir un intérêt suffisant dans l’affaire peut contester l’attribution d’un permis EIA. Cet intérêt peut être démontré par :

  • Les personnes directement affectées par le projet, comme les résidents locaux ou les propriétaires fonciers voisins.
  • Les personnes ou organisations dont les intérêts sont indirectement affectés, comme les ONG environnementales ou les groupes de défense des droits communautaires.

Les motifs d’une contestation

La contestation peut être fondée sur le non-respect des procédures établies par la loi, telles que : 

  • L’absence de consultations publiques adéquates.
  • Des lacunes ou erreurs dans l’évaluation environnementale, y compris des omissions importantes ou des informations incorrectes, trompeuses ou insuffisantes.
  • Les violations des lois environnementales, concernant la protection de l’environnement, de la biodiversité, de l’eau, de l’air, etc.
  • L’incompatibilité du projet avec les plans d’aménagement du territoire.
  • La présence de risques conséquents pour la santé des populations locales, notamment en termes de pollution de l’air ou de l’eau.
  • En cas d’impacts négatifs sur la qualité de vie des résidents locaux, comme les nuisances sonores, les vibrations ou les impacts visuels.

Les recours disponibles

Ministère de l’Environnement

La première étape pour contester l’attribution d’un permis EIA consiste à soumettre une contestation formelle auprès du ministère de l’Environnement. Cette contestation doit être déposée dans un délai de 21 jours après l’octroi du permis EIA, selon l’Environment Protection Act 2002.

Tribunal de l’Environnement

Si la contestation auprès du ministère n’aboutit pas ou si la décision du ministère est insatisfaisante, l’étape suivante est de porter l’affaire devant le Tribunal de l’environnement. Ce tribunal est spécialisé dans les litiges environnementaux et a l’autorité pour examiner et statuer sur les contestations de permis EIA.

Cour suprême

Si la décision du Tribunal de l’environnement est jugée insatisfaisante, il est possible de faire appel devant la Cour suprême.

Conseil privé du roi 

Après avoir épuisé les recours locaux, la partie s’estimant lésée peut demander la permission à la Cour suprême de faire appel au Conseil privé de roi. L’autorisation est accordée pour des questions d’importance publique ou de droit significatif. En dernier recours, elle peut solliciter directement le Conseil privé.

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