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Projet de centrale à charbon : le Conseil privé met fin aux attentes de CT Power

Le projet a connu une forte opposition.

Le Comité judiciaire du Conseil privé (Privy Council) a renversé, le lundi 10 juin 2019, la décision favorable de la Cour suprême pour le projet de centrale à charbon de la firme CT Power à Pointe-aux-Caves, Albion. Les promoteurs se tournent maintenant vers leur procès en réclamation de dommages dans l’espoir de retrouver leurs investissements. 

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Les Law lords ont mis fin aux espoirs de la firme CT Power de voir son projet de centrale à charbon aboutir. Pour les promoteurs, c’est une bataille perdue après 13 ans de lutte. Dans un jugement de 23 pages, le Comité judiciaire du Conseil privé a donné gain de cause à l’État mauricien. Celui-ci contestait en appel devant cette instance le jugement rendu, le 7 juillet 2016, par la Cour suprême et favorable envers CT Power. 

Les juges Ah Foon Chui Yew Cheong et Rita Teelock avaient conclu, dans ce jugement, que les attentes légitimes de CT Power ont été bafouées, car elle avait dû abandonner son projet de centrale à charbon. Cela, à la suite d’une décision prise par le Conseil des ministres en 2015 et que CT Power avait déjà obtenu son permis EIA.

Condition non satisfaite

« De l’avis du comité, le ministère des Finances était en droit de considérer que la lettre d’Avendus Capital UK (Private) Ltd ne constituait pas une preuve satisfaisante des capacités financières de CT Power pour la durée du projet, comme l’exigeait la condition 15 du permis EIA qui a été accordé à la firme », lit-on dans le verdict.

Les Law Lords ont aussi analysé le refus du ministère de l’Énergie et des Utilités publiques à signer un accord de mise en œuvre du projet de la centrale électrique. Le Conseil privé a notamment observé à cet égard que « lors des négociations, le ministre a le droit de prendre en compte un large éventail de considérations, y compris des considérations politiques, qui ne jouent pas généralement un rôle dans les négociations entre deux parties commerciales privées ». 

Dimension politique

Le comité judiciaire a statué que, donner effet à l’accord de mise en œuvre (Implementation Agreement), impliquerait un engagement nécessitant « des paiements substantiels d’argent public ». 

Les Lords ont ajouté « qu’il y a inévitablement une dimension politique à de telles questions qu’il serait légitime de prendre en compte. Dans le cas présent, il semble que le nouveau gouvernement, après les élections générales de décembre 2014, a peut-être été moins convaincu que l’ancien gouvernement que le projet était une bonne idée ». 

Le panel du comité judiciaire était composé des Lords Robert John Reed, Brian Francis Kerr, Michael Townley Featherstone Briggs, Philip James Sales et Lady Jill Margaret Black. Les débats ont nécessité cinq heures d’audience.

L’État mauricien était représenté par Me James Guthrie, Q.C. Me Désiré Basset, Senior Counsel, représentait CT power. Tandis queMe Ravind Chetty, Senior Counsel, représentait le Central Electricity Board (CEB) dans l’affaire.


 Réactions

Sunil Dowarkasing, ancien Senior Portfolio Manager for Greenpeace International :  
« C’est une excellente nouvelle pour l’environnement. La centrale allait contre tout principe écologique, car nous sommes un pays qui veut réduire l’empreinte carbone et une centrale à charbon n’est pas la bienvenue. Ce type de projet ne doit pas avoir lieu à Maurice ». 

Ashok Subron, Rezistans ek Alternativ :
« C’est le combat que Rezistans ek Alternativ et de Jeff Lingaya ont mené. Nous ne voulons pas de centrale à charbon. Maintenant le gouvernement ne doit pas renouveler le permis des Independent Power Producers qui utilisent du charbon, sinon ce jugement n’aura pas de raison d’être d’un point de vue écologique ». 
 


Chronologie

Le jugement du Comité judiciaire du Conseil privé fait la chronologie des événements : 

  • 2006. CT Power s’emploie à obtenir le financement de son projet de centrale à charbon. Elle propose de construire et faire fonctionner la centrale. Elle allait produire de l’électricité pour le Central Electricity Board (CEB). Il est question de construire une centrale à charbon de 2 x 55 mégawatts (Mw).
  • 2007.Des consultations publiques ont lieu sur le projet. 
  • Décembre 2008. CT Power et le CEB concluent une série d’accords, notamment un contrat d’approvisionnement en charbon et un contrat d’achat d’électricité. Il est question d’un accord de mise en œuvre (Implementation Agreement) entre le gouvernement mauricien et CT Power. 
  • Janvier 2009. Les négociations entre le gouvernement et CT Power concernant les modalités du projet démarrent. 
  • 2010. CT Power soumet un rapport au ministère de l’Environnement pour appuyer sa demande de permis EIA (Environment Impact Assessment) pour le projet.
  • 18 janvier 2011. Le ministère de l’Environnement rejette la demande de CT Power. La firme fait appel de la décision auprès du Tribunal de l’Environnement (Environment Appeal Tribunal). 
  • 16 juillet 2012. Le Tribunal de l’Environnement donne gain de cause à CT Power et ordonne aux autorités de lui accorder son permis EIA, sujet toutefois à certaines conditions identifiées par la firme et le ministère de l’Environnement.
  • 23 janvier 2013. Le ministère de l’Environnement octroi à CT Power son permis EIA.
  • 11 juillet 2014. Le vice-Premier ministre et ministre de l’Énergie et des Finances d’alors déclare à l’Assemblée nationale qu’une question importante restait en suspens avant de finaliser l’accord de mise en œuvre, à savoir que CT Power devrait fournir une preuve de sa contribution en fonds propres au projet.
  • CT Power remet au gouvernement une lettre commune datée du 10 octobre 2014 de la Bank of America et de la Bank of India concernant l’octroi de prêts à CT Power à hauteur de 280 millions de dollars si le projet se concrétise. 
  • Le 10 décembre 2014. Un nouveau gouvernement est en place à la suite des élections générales. 
  • 27 février 2015. CT Power remet au gouvernement une lettre d’Avendus Capital UK (Private) Ltd.
  • Le 3 mars 2015, le ministre de l’Énergie déclare à l’Assemblée nationale que CT Power n’avait pas satisfait la condition 15 de son permis EIA et que son ministère propose de recommander au Cabinet de ne pas poursuivre le projet. 
  • Le 13 mars 2015. Le site Internet du bureau du Premier ministre annonce que le Cabinet avait décidé de ne pas poursuivre le projet, évoquant notamment l’échec des promoteurs du projet de présenter des preuves de leur capacité financière ou de leurs sources de financement. 
  • 25 mai 2015. CT Power loge une procédure de révision judiciaire en Cour suprême pour contester l’abandon de son projet. 
  • 7 juillet 2016. La Cour suprême donne gain de cause à CT Power et conclut que les attentes légitimes des promoteurs ont été bafouées.

Desire BassetMe Désiré Basset, avocat de CT Power : «Ce verdict ne change rien à notre réclamation»

Sollicité après le verdict du Comité judiciaire du Conseil privé, le principal avocat de la firme CT Power, Me Désiré Basset, Senior Counsel, ne s’avoue pas vaincu pour autant. « Ce verdict ne change rien à notre réclamation. Nous avons logé une plainte pour réclamer des dommages. Nous allons poursuivre l’affaire devant la Cour suprême en vue d’établir la faute des préposés de l’État ». 

S’agissant du verdict du Conseil privé, l’avocat dit noter que « l’État a gagné l’affaire sur le fil. Le Conseil privé vient reconnaître qu’un ministre peut tenir compte des considérations très larges, notamment des éléments politiques. Je trouve cela dangereux. Je constate que l’espace public prend avantage sur l’espace privé. On vient restreindre l’espace du justiciable. Le pouvoir retourne à la classe politique. Je trouve dommage que le Conseil privé ne se soit pas prononcé sur le principe d’équité vis-à-vis du détenteur du permis qu’on a rendu caduque. Peut-être par respect pour notre procès en réclamation de dommages ».


Ravind ChettyRavind Chetty, avocat du CEB : «Pas de commentaire»

Sollicité pour une déclaration après le jugement du Privy Council dans l’affaire opposant l’État à CT Power, Ravind Chetty, Senior Counsel, avocat du Central Electricity Board, n’a pas souhaité de faire de commentaires. 


CT Power réclame à l’État des dommages de Rs 4,6 Md

CT Power, une firme malaisienne, a déposé, depuis le 15 mars 2017, une plainte contre l’État devant la Cour suprême pour réclamer des dommages de Rs 4,6 milliards. Ceci, après que le projet de centrale à charbon à Pointe-aux-Caves n’a pas abouti. La plainte de CT Power sera appelée le 27 juin 2019, devant la Master’s Court de la Cour suprême. Le projet de CT Power remonte à fin 2005. Dix ans après son incorporation à Maurice, CT Power est contrainte de plier bagages car le Conseil des ministres décide, le 13 mars 2015, de ne pas aller de l’avant avec le projet de centrale à charbon à Pointe-aux-Caves. CT Power soutient que l’État a commis une faute lourde et réclame des dommages pour dépenses encourues, le manque à gagner et pour le préjudice porté à sa réputation. Le tout s’élève à Rs 4,6 milliards. Les « third parties » dans cette affaire sont le ministère et le ministre des Finances et du Développement économique, le ministère et le ministre de l’Énergie et des Utilités publiques, le ministère de l’Environnement et le Central Electricity Board. La compagnie a retenu les services de Me Désiré Basset, Senior Counsel, des avocats Nandraj Patten, Heetesh Dhanjee et de l’avoué Pazany Thandrayen.

 

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