Y a-t-il une enquête policière sur un éventuel délit de blanchiment d’argent pour l’achat d’une propriété à Angus Road à Vacoas ? C’est ce que voulait savoir le leader de l’opposition, Arvin Boolell, à travers sa Private Notice Question le mardi 10 novembre 2020 à l’Assemblée nationale.
Si l’intention du leader de l’opposition était d’obtenir des informations sur l’achat d’une propriété à Angus Road, Vacoas, il s’est heurté au Speaker de l’Assemblée nationale, Sooroojdev Phokeer. . Il avait pu poser sa question la semaine dernière, avec pour réponse que l’Independent Commission against Corruption (Icac) enquête. Cette fois, il s’est fait expulser au bout de quatre minutes.
En fait, il s’agit de l’aboutissement d’une affaire qui a commencé plus tôt dans la matinée. Avant 9 heures, Arvin Boolell était déjà prêt avec le libellé de sa question. Elle portait sur l’achat d’un terrain de 3 597 m2, à Angus Road, en novembre 2007, par le Premier ministre et son épouse. Le leader de l’opposition demandait aussi si la police avait démarré une enquête. Ensuite, il voulait aussi savoir s’il y a une enquête sur un éventuel délit de blanchiment d’argent à travers des paiements en cash de plus de Rs 350 000 et quand, à qui et comment ce paiement a été fait.
L’intention du leader de l’opposition était de déposer cinq reçus faits entre le 19 février 2002 et le 28 novembre 2002 par Bel Air Sugar Estate Ltd pour des paiements en cash de Rs 500 000 et de Rs 1 million pour un total de Rs 4 millions. Mais cette formulation a été rejetée par le Speaker avant le début de la séance.
Selon le leader de l’opposition, une version amendée lui a été imposée en amputant toute la partie portant sur un éventuel délit de blanchiment d’argent. Après consultations avec Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval, respectivement leader du Mouvement militant mauricien (MMM) et du Parti mauricien social-démocrate (PMSD), Arvin Boolell a ainsi fait valoir en début de séance, à l’appel de la PNQ, qu’il refuse de poser une question qui n’est pas la sienne. Il ajoute que sa question portait sur le blanchiment d’argent.
Mais pour le Speaker, l’Assemblée nationale n’est pas le bon forum. « Go to other quarters », suggère Sooroojdev Phokeer à Arvin Boolell. Et de préciser que le leader de l’opposition avait parfaitement le droit de faire ses observations après que les changements ont été apportés. « Il est venu à mon bureau. Malheureusement, il s’est mal comporté et a quitté mon bureau. Depuis, on l’attend pour qu’il nous donne son avis sur les amendements. Il ne l’a pas donné et il n’a pas retiré sa PNQ », rapporte le Speaker à la chambre. « Vous avez amendé ma PNQ qui porte sur du blanchiment d’argent, un délit passible de dix ans de prison », rétorque Arvin Boolell.
« Allez sur d’autres plateformes », lui ordonne le Speaker. « Je ne peux pas poser une question qui est la vôtre. Je ne peux pas poser une question à laquelle je n’ai pas donné mon accord », tente encore le leader de l’opposition. Alors que la tension continue à monter, le Speaker lance : « Soit vous retirez vos propos, soit vous quittez l’hémicycle. »
Mais Arvin Boolell insiste : « Est-ce que le Premier ministre peut informer la chambre si Rs 4 millions de fonds… » Il n’aura pas le temps de terminer sa question : « Dernier avertissement ! Vous ne pouvez déposer de document ! Vous menacez le bon déroulement des travaux. Je n’ai d’autre choix que de vous demander de quitter l’hémicycle et de suspendre la séance », lance-t-il. Les travaux ont repris après une quinzaine de minutes, mais sans la participation d’Arvin Boolell qui a été expulsé.
Commentant son expulsion - Arvin Boolell : «Ils ont enlevé l’essentiel de ma PNQ»
N’ayant pas eu la permission de tenir un point de presse, ni dans la Committee Room de l’Assemblée nationale, ni dans son bureau de leader de l’opposition. C’est devant l’hôtel du gouvernement que le leader de l’opposition a commenté son expulsion à la suite de son refus de voir sa Private Notice Question (PNQ) être modifiée.
« Nos questions ont été massacrées pendant deux semaines consécutives », déplore Arvin Boolell. « La dernière fois, ils se sont cachés derrière l’Independent Commission against Corruption (Icac) et se sont servis de l’immunité parlementaire. » s’insurge Arvin Boolell,
Le point central de sa PNQ portait sur un paiement en cash de plus de Rs 350 000 en plusieurs tranches pour une somme totale de Rs 4 millions. Celle-ci est, selon lui, une partie d’un paiement de Rs 7 millions en lien avec l’acquisition d’un bien à Angus Road, à Vacoas.
Mais « ils ont enlevé l’essentiel de ma PNQ ». Après avoir constaté qu’elle a été modifiée, Arvin Boolell affirme s’être rendu au bureau du Speaker. « Mo pa pou dir ki lakey monn gagne », dit-il avant de préciser qu’il n’a pas consenti à cette « modification ». « Kan finn ena enn peman ki ilegal ek finn donn sa peman la an kash, li al a lankont provizion Anti-Money Laundering… » affirme le leader de l’opposition. Sa question, posée au Premier ministre, était donc totalement justifiée à ses yeux.
Arvin Boolell trouve étrange que l’Icac ait déjà appelé le vendeur de cette propriété, c’est-à-dire Bel Air Sugar Estate Ltd. Mais neuf ans après le début de l’enquête, « à aucun moment l’Icac n’a pris la décision d’entendre l’acheteur ».
Réaction à la PNQ - Alan Ganoo : «Aucun crime n’a été commis par le Speaker»
Les ministres Alan Ganoo, Bobby Hurreeram et Joe Lesjongard estiment que le Speaker de l’Assemblée nationale, Sooroojdev Phokeer, était dans son bon droit quand il a apporté des amendements à la Private Notice Question du leader de l’opposition. C’est ce qu’ils ont indiqué lors d’une conférence de presse au Bâtiment du Trésor, à Port-Louis, dans l’après-midi du mardi 10 novembre.
«Aucun crime n’a été commis par le Speaker », estime Alan Ganoo, ministre du Transport. Selon le Standing Order (SO) 27 de l’Assemblée nationale, le président de la chambre est tout à fait en droit de refuser une question et même de la modifier. « Cela s’est fait des centaines de fois », explique Alan Ganoo.
Car la PNQ et les questions parlementaires doivent respecter les Standing Orders. « Je comprends pourquoi la question initiale d’Arvin Boolell a été jugée inadmissible », ajoute-t-il. Selon Alan Ganoo, le SO 40(5) n’était pas respecté. Celui-ci stipule que : « The conduct of the President and the Vice-President of the Republic or the person performing the functions of the President’s Office, the Speaker, Members of the Assembly, Judges, Members of Statutory Commissions or other persons engaged in the administration of Justice shall not be raised except upon a substantive motion moved for that purpose; and in any amendment, question to a Minister, or remarks in a debate dealing with any other subject, reference to the conduct of the persons aforesaid shall be out of order. »
Selon l’interprétation d’Alan Ganoo, « une allégation sur la conduite d’un membre de l’Assemblée nationale ne peut être faite uniquement par le biais d’une motion ». Par contre, Arvin Boolell aurait pu, selon lui, poser la PNQ modifiée et poser les questions qu’il aurait souhaitées à travers les questions supplémentaires. « Il n’aurait pas dû laisser tomber sa PNQ. » dit-il.
Bobby Hurreeram qualifie Arvin Boolell de « pire leader de l’opposition que le pays ait connu » qui, insiste-t-il, « ne connaît même pas les SO. Vouloir déstabiliser le pays à tout prix est la culture du Parti travailliste (…) Leur but est de créer des perceptions ». Selon le ministre de l’Infrastructure nationale, l’opposition veut « bloquer le bon fonctionnement de la démocratie ».
Pour Joe Lesjongard, « l’agenda du jour de l’opposition est de jeter la boue » et « l’opposition viole le temple de la démocratie » qu’est l’Assemblée nationale.
Affaire Angus Road
Le PM donnera sa version « en Cour », dit son entourage
Pravind Jugnauth compte bien répondre aux allégations faites à son encontre dans l’affaire d’achat d’une propriété à Angus Road, Vacoas. Cette réponse, elle se fera « en Cour », confie-t-on dans son entourage. « Il donnera sa version devant la justice. Actuellement, il compile toutes les informations pour prendre les actions qui s’imposent », confie une source proche du Premier ministre. Et d’ajouter que « ceux qui diffament se verront servir du papier timbré en temps et lieu ».
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