D’un côté, l’opposition parlementaire, regroupant le Parti travailliste, le Mouvement militant mauricien et le Parti mauricien social-démocrate, manifeste sa volonté de maintenir sa présence politique. De l’autre, le Mouvement socialiste militant et ses alliés adoptent une approche différente, axée sur la gestion du pays et la réaction aux critiques de l’opposition. Cette dynamique préélectorale a plusieurs implications pour les affaires du pays.
À un an et trois mois de la dissolution de l’Assemblée nationale, l’effervescence de la précampagne électorale s’empare du pays. L’opposition parlementaire a donné le coup d’envoi en organisant des congrès politiques à Mare d’Albert et à Vacoas. L’alliance entre le Parti travailliste (PTr), le Mouvement militant mauricien (MMM) et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) prévoit d’occuper davantage le terrain à travers une série de meetings jusqu’à la fin de l’année.
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En revanche, du côté du gouvernement, l’approche vis-à-vis de cette période préélectorale est différente. Tout en gérant les affaires du pays, le Mouvement socialiste militant (MSM) et ses alliés reconnaissent l’importance de répondre aux attaques politiques de l’opposition. Les signes en ce sens sont perceptibles. Forts de l’appareil étatique, ils cherchent à entraver les initiatives de l’opposition en rendant complexe l’obtention des autorisations pour leurs événements politiques selon divers observateurs politiques. De plus, le gouvernement capitalise sur les inaugurations de divers projets pour renforcer sa présence sur le terrain.
Néanmoins, cette période de précampagne électorale n’est pas sans implications. Des interrogations surgissent sur la pertinence de plonger le pays dans cette atmosphère alors que de nombreux défis subsistent. La relance économique reste cruciale dans un contexte où les secousses de la guerre en Ukraine et la dépréciation de la roupie continuent d’affecter le monde. Les conséquences sur le pouvoir d’achat sont indéniables, sans oublier l’exode massif des Mauriciens, notamment des jeunes, vers l’étranger. Autant de défis réels qui méritent une attention particulière.
Empressement décrié
Géraldine Hennequin, fondatrice de la formation politique Idéal Démocrate, exprime ses préoccupations sur la situation politique. « Je ne comprends pas cet empressement, pour ne pas dire cet affolement, des uns et des autres à cause d’une annonce faite par un membre du MSM (le ministre Joe Lesjongard a affirmé que le MSM est à la fois en mode campagne et en mode travail ; NdlR) à l’effet que son parti est en précampagne. Il n’est pas utile de suivre tous ceux qui crient au loup », soutient-elle.
Elle dit vouloir rappeler aux membres de la majorité gouvernementale « qu’ils ne sont pas payés des deniers publics pour être en précampagne mais pour être au service de la population, et ce jusqu’aux nouvelles élections ». Géraldine Hennequin insiste sur le fait qu’ils doivent s’y tenir à chaque instant de leur mandat. Elle ajoute que l’annonce de la date des élections à Maurice reste une prérogative du Premier ministre. « Par conséquent, nous attendons de son parti que cela se fasse dans les règles. »
Incidence sur le monde des affaires
Abordant les implications de cette période préélectorale sur le monde des affaires sous deux perspectives, Géraldine Hennequin affirme qu’une telle situation peut laisser planer une certaine incertitude sur ceux qui ont des projets à long terme dans le milieu des affaires. Elle estime que ce n’est jamais bon et pas très sérieux de la part de ceux qui jouent à cela. Pour elle, prendre le risque de faire ralentir l’économie n’est jamais une bonne option.
« Je pense sérieusement que personne dans le monde des affaires ne prête attention à ces simagrées ! Bien sûr que tout le monde observe, mais de là à ce que chaque gesticulation des uns et des autres pèse sur l’économie du pays, il y a un sérieux pas à franchir et nous n’y sommes pas. C’est une mécanique bien huilée. Les lobbyistes se positionnent depuis la nuit des temps, quand il y a une campagne électorale. Il ne faut pas s’inquiéter pour eux », souligne-t-elle.
Un paysage politique qui se redessine
En ce qui concerne les répercussions de cette période préélectorale sur l’échiquier politique, elle soutient que le paysage politique se redessine progressivement, comme c’est le cas à chaque fois. « Là encore, rien de nouveau. Nous savons que notre système électoral ne permet pas à un seul parti de gouverner. Ainsi, des négociations entre les partis sont en cours. L’heure du changement viendra avec un gouvernement qui osera se pencher sur cette question et proposer une solution pour refléter la diversité des voix de notre pays. »
Géraldine Hennequin tient également à mettre en lumière la question de la diversité des opinions et des idéologies. « Il est question ici de diversité d’opinions et d’idéologies, car on réduit souvent la diversité à une dimension ethnique uniquement. Comme si les personnes d’une même origine ethnique ne pouvaient penser que de la même manière. C’est regrettable de constater que certains politiciens ont une perspective aussi limitée, uniforme et qu’ils ne parviennent pas à s’élever au-delà de cette mentalité communautaire. »
Elle ajoute que la politique est un engagement permanent. Selon elle, ceux qui disent veiller au bien-être du pays et représenter dignement la voix de leurs électeurs à l’Assemblée nationale doivent être à l’écoute des citoyens au quotidien, ainsi que des évolutions mondiales et des facteurs qui façonneront l’avenir. C’est ce à quoi elle s’attache avec son parti, Idéal Démocrate. « Les prochaines élections législatives marqueront un tournant dans la manière de pratiquer la politique dans notre pays. Nous aurons besoin d’hommes et de femmes ouverts sur le monde, plutôt que repliés sur leur identité. Nous aurons besoin de personnes réfléchies, et non de simples porte-parole serviles envers leurs supérieurs », conclut-elle.
Un GM déterminé à aller au bout de son mandat
Si l’avocat spécialisé en droit international et observateur politique Parvez Dookhy concède que le pays est bel et bien dans une phase préélectorale, il affirme cependant que les élections auront lieu en 2024. « Il ne faut pas se nourrir d’illusions quant à la possibilité que les mandats des députés Pravind Jugnauth et de ses deux collègues de la circonscription n° 8 (Quartier-Militaire/Moka) soient annulés par le Privy Council à la suite du recours de Suren Dayal », prévient-il.
Il est d’avis que le gouvernement détient une majorité confortable et qu’il restera en place jusqu’à la fin de son mandat. Toutefois, Me Parvez Dookhy constate que le gouvernement a initialement réagi politiquement à la concrétisation de l’alliance entre le PTr, le MMM et le PMSD. Il souligne que le gouvernement a ensuite fait preuve de retenue, évitant ainsi de laisser planer l’ombre d’une campagne électorale imminente, malgré l’annonce de l’opposition selon laquelle elle est déjà passée en mode campagne électorale.
Bouchées doubles pour concrétiser les promesses
On ne peut pas non plus occulter les implications de cette période de précampagne électorale sur la gestion de l’économie qui devrait, selon plusieurs observateurs, être un élément important au vue des prochaines élections générales de 2024. Déjà, le ministre des Finances, Rengadaden Padayachy, ne manque plus l’occasion de réitérer l’engagement du gouvernement à réduire la dette publique, tout en mettant l’accent sur le souhait de celui-ci de parvenir à une croissance de 8 % et de réduire le déficit budgétaire.
Or, d’après les analyses de l’économiste Bhavish Jugurnath, le gouvernement pourrait se retrouver dans une situation où il soit contraint d’« intensifier ses efforts pour mettre en œuvre les promesses énoncées lors de la précédente campagne électorale. L’augmentation de la pression populaire et l’approche des élections pourraient agir comme des catalyseurs pour l’exécution de politiques et de projets visant à répondre aux attentes des citoyens », indique-t-il.
Il explique également que l’économie occupera une place centrale dans les préoccupations du gouvernement, ce qui mettra davantage l’accent sur la gestion économique du pays. Cette orientation s’explique par l’importance cruciale de la performance économique dans les choix électoraux. L’économiste estime que le gouvernement pourrait chercher à préserver sa crédibilité et à gagner la confiance des électeurs en adoptant des politiques favorables à la croissance économique, à la création d’emplois ainsi qu’à la stabilité financière.
Projets pour instaurer le « feel-good factor »
Un autre élément de grande importance souligné par Bhavish Jugurnath est la probable propension du gouvernement à inaugurer de nouveaux projets et à présenter des initiatives d’envergure. Selon lui, cette stratégie « vise à instiller un feel-good factor » au sein de la population en lançant ces nouvelles initiatives et en mettant en avant des engagements significatifs.
« Pour le gouvernement, cette approche constitue un moyen de démontrer son engagement envers le progrès du pays et de rassurer les électeurs quant à sa capacité à tenir ses promesses », précise-t-il. Bhavish Jugurnath met également en évidence le rôle du Premier ministre, étant la seule autorité habilitée à fixer la date des élections. Il pourrait élaborer méticuleusement sa stratégie électorale, en choisissant de déclencher les élections générales une fois qu’il serait convaincu d’avoir pleinement honoré ses engagements envers la population.
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